Chine (Yunnan), lac Loukou, massif du Khawa Karpo | ||
Yunnan, du lac Loukou au Khawa KarpoSi j’ai attendu six ans pour rédiger ce voyage en Chine méridionale que j’avais effectué au cours de l’automne 2010, c’est que c’est sans conteste l’un de ceux que j’ai le moins aimés. Il faut dire que la météo a été absolument catastrophique pendant les deux tiers du séjour (et très médiocre le reste du temps). Des journées entières de marche sous la pluie, des montagnes prestigieuses que nous n’avons même pas pu entrevoir. L’Asie du sud-est est de toute évidence à éviter au mois d’octobre, ceux qui prétendent que la mousson est terminée se trompent. Beaucoup des photos que j’ai pu prendre dans ce voyage sont de fait ternes, grisâtres, peu lumineuses. Du reste, plus qu’un voyage de paysages et de monuments, ce circuit était axé sur la rencontre avec les populations, un genre que je recherche moins (et avec le recul je me demande pourquoi j’ai fait ce choix). Chacun sait que la Chine évolue depuis une quinzaine d’années vers une industrialisation et une modernisation effrénées, transformation qui n’épargne pas le secteur du tourisme ; ce dernier devient une activité canalisée, souvent aseptisée, tendant faire rapidement disparaître toute trace d’authenticité, mais par laquelle des millions de gens voient les mêmes choses et prennent les mêmes photos. L’idée de ce circuit (organisé par l’agence Allibert) était donc de chercher, tant que c’est encore possible, des coins demeurés authentiques dans des zones rurales très reculées. D’où ce trek dans la vallée du Yang-Tsé avec ses nuits dans les fermes au milieu des cochons, accessoirement effectué sous une pluie battante et dans lequel il n’y avait pas toujours grand chose à voir. À côté de cela bien sûr, le voyage ne dérogeait pas aux « incontournables » du Yunnan, très transformés et très populeux, tels Li-kiang, le lac Loukou, les gorges du Saut du Tigre, le monastère de Tchong-tien. Ces édifices que les Chinois ont refaits à neuf dans le seul but d’accueillir les visiteurs, tandis qu’à côté de cela tout ce qui dans les villes était un peu ancien ou avait un peu de cachet, a été impitoyablement rasé pour laisser place à des immeubles et des gratte-ciel. Sans oublier les travaux qui nous ont considérablement gênés, en particulier la route entre Tchong-tien et Tö-ts’in, en cours de réfection sur des centaines de kilomètres ce qui rendait son parcours particulièrement éprouvant. Ce voyage se déroulait presque exclusivement au Yunnan, province chinoise peuplée moins par des Chinois Han que par des minorités ethniques, les Na-sis et les Tibétains. C’est une région tropicale mais aussi très montagneuse, constituant les contreforts de l’Himalaya, et dont le plus haut sommet, le fameux Khawa Karpo que nous aurions dû admirer, culmine à 6740 m. Géographiquement, la région est marquée par la présence de trois vallées parallèles, celles des fleuves Salouen, Mékong et Yang-Tsé, distants à cet endroit de quelques dizaines de kilomètres mais qui ensuite s’éloignent pour se jeter chacun dans une mer différente. (NB : comme pour mon précédent voyage en Chine, et j’ai fait le choix (très surprenant pour les personnes sinisantes mais tant pis) d’orthographier les noms de lieux selon l’ancienne méthode française (la translittération EFEO) et non pas selon le système p’in-yin imposé depuis quelques décennies par le régime communiste. La raison est que cela rend les noms tout même moins abscons (oserais-je écrire, moins « chinois ») à nous autres Français, et qu’une fois prononcé (à la française) le résultat est sans doute moins éloigné du rendu chinois que ne l’est, lui aussi prononcé à la française, le nom p’in-yin. Par exemple Tchong-tien est certainement moins loin de la réalité que « zonguedianne » (Zhongdian). De même, le peuple naxi (que moi j’écris na-si, sans omettre le tiret) ne se prononce de toute évidence pas comme un taxi. La vérité est qu’il ne faudrait pas prononcer le p’in-yin « comme ça se prononce », mais tenir compte de l’équivalence sonore que le système définit pour chaque lettre : le « zh » par exemple se prononce « tch ». Mais le fait est que ces équivalences sont particulièrement contre-intuitives pour les Français et même pour les occidentaux en général. Je précise néanmoins sur cette page et pour chaque lieu, à la suite de mot EFEO, l’équivalent en p’in-yin, et lorsque c’est possible en idéogrammes. Je me suis pour ce faire appuyé sur une carte en caractères chinois que j’avais achetée sur place ainsi qu’un éditeur en ligne permettant à partir du p’in-yin de choisir les idéogrammes parmi une liste). La capitale du Yunnan s’appelle K’ouen-ming (昆明 Kunming), ville tentaculaire de 4 millions d’habitants. Je l’ai rejointe en faisant escale à Canton (je ne voyageais pas avec la majorité du groupe) et la correspondance a été très juste (avec nécessité de récupérer puis réenregistrer les bagages, et parcours de long couloirs sur une sorte de petit train électrique comme on voit chez nous pour promener les enfants dans les quartiers touristiques). Notre guide (Philippe) était un Français vivant depuis plusieurs années à K’ouen-ming (et payé par Allibert sous contrat chinois, c’est comme ça maintenant). Il nous a parlé de la transformation de la ville, qui selon lui est passée du jour au lendemain de la saleté du tiers monde à la propreté aux normes occidentales. (On voit que dès le début du voyage le temps était affreux). Il ne reste plus de bâtiments anciens à K’ouen-ming, à l’exception d’un petit quartier très circonscrit et situé dans le centre. C’est dans l’une de ces vieilles maisons que se trouvait le restaurant où nous avons pris notre premier repas. Suivant le conseil prodigué dans le descriptif du voyage, et connaissant ma faible dextérité à manger avec des baguettes, j’avais emporté une fourchette que je conservais toujours sur moi (en dehors des trajets en avion) et que je ne manquais pas d’utiliser à chaque déjeuner et à chaque dîner. Nous avons pris le lendemain un vol intérieur (45 min) pour Li-kiang (丽江市, 麗江市 Lijiang), ville située au nord de la province et à 2400 m d’altitude. Li-kiang est une ville très touristique avec un vaste quartier ancien, et avec tout de même un charme certain. Li-kiang est la capitale de la culture na-si, et c’est sans conteste le plus bel endroit de ce voyage. La ville est construite en pleine montagne au pied d’un sommet sacré et recouvert de neiges éternelles, la montagne du Dragon de Jade (Yulong, 玉龙雪山, 玉龍雪山 ; 5596 m), mais malheureusement la météo nous a privés de toute chance de l’apercevoir. En outre il a fallu faire avec la cohorte de touristes, pour l’essentiel des Chinois même si l’on croise aussi, ça et là, quelques occidentaux. Nous avons trouvé à Li-kiang un guide local na-si, Joey, venu seconder notre guide francophone. Première visite effectuée à Li-kiang, l’étang du Dragon noir, un parc urbain entouré de temples et offrant (en théorie) une belle perspective sur la montagne éponyme. Pour donner une idée du paysage que je n’ai pas vu j’ai rajouté cette image recopiée d’un site externe. Nous avons ensuite visité le musée de la culture tong-pa (东巴, 東巴, dongba), qui regroupe l’ancienne langue et les anciennes croyances des Na-si. La culture tong-pa se caractérise notamment par une écriture pictographique pratiquée par les seuls chamanes (elle semble encore en vigueur de nos jours, mais peu de gens la connaissent ; elle est par contre exploitée à des fins touristiques). Il n’est pas possible d’écrire du texte tong-pa sous forme informatique (le standard Unicode ne le permet pas), mais ces photos en montrent un exemple. On trouve aussi ce genre de monument suranné à Li-kiang (comme à Kachgar, d’ailleurs). Notre guide Joey ne se gênait pas pour se moquer ouvertement de cette statue, comme quoi la police politique a lâché du lest, au moins de ce côté là. Après le déjeuner, balade dans les ruelles du centre-ville, envahies de touristes et de marchands de souvenirs. Nous avons ensuite visité un intéressant palais (sorte de Cité interdite en miniature), le palais des Mou (木), qui paradoxalement était presque désert. Il n’était d’ailleurs pas au programme de notre voyage, nous en avons donc payé l’entrée. La colline qui surplombe le palais des Mou offre de très intéressantes vues sur Li-kiang, tant sur la partie ancienne que sur la ville nouvelle. En soirée, le programme incluait un concert de musique traditionnelle na-si. Bien que notre guide Philippe ait dit pis que pendre de cette prestation, je l’ai trouvée assez intéressante. Les musiciens étaient tous très âgés (en dehors de deux jeunes chanteuses), Joey nous a expliqué que (bien malheureusement) les jeunes ne s’intéressaient plus du tout à cette musique ancestrale. Ici et comme (presque) partout, il n’y a plus que le boumboum américain qui compte. Petite vidéo avec des extraits du concert (je reconnais que pour nos oreilles occidentales c’est un peu âpre…). Le lendemain nous attendait un long et pénible trajet en véhicule, dans un pays très accidenté, afin de rejoindre les berges du lac Loukou (泸沽湖, Lugu). Nous avons en particulier franchi plusieurs cols, dont l’un à plus de 3000 m d’altitude. La première partie du trajet à consisté à rejoindre la vallée du fleuve Yang-Tsé (扬子江, 揚子江, Yangzi Jiang) que nous avons traversée par un pont. La descente dans la vallée a nécessité de parcourir de nombreux lacets. Comme on peut le voir la météo laissait aussi fortement à désirer. Nous nous sommes ensuite arrêtés dans la ville de Ning-leang (宁蒗彝族自治县, Ningliang) pour en visiter le marché. Une localité restée à l’écart de la modernité, les conditions d’hygiène du marché étaient davantage celles d’un pays du tiers-monde. Mes compagnons de voyage (en particulier la gent féminine) ont également pu y tester les toilettes publiques à la chinoise, certes non mixtes mais sans cabines individuelles, à la manière des latrines romaines. L’arrivée d’une occidentale en un tel endroit provoque paraît-il immédiatement un attroupement de Chinoises pour lesquelles cela semble constituer la distraction du jour. Juste avant le lac Loukou, il y avait donc ce fameux col à 3000, dans une terre argileuse et sous une végétation de résineux. Quelque semaines auparavant, un éboulement avait provoqué l’interruption de la route, forçant le groupe Allibert qui nous avait précédé à franchir le col à pied en portant les bagages ! Heureusement les Chinois travaillent vite, la déviation était déjà praticable bien que non terminée. Le lac Loukou (altitude : 2 685 m), aux eaux calmes et aux reflets photogéniques, était avec Li-kiang le plus bel endroit du voyage, le plus beau site naturel en tout cas. Et ô miracle, le temps s’est dégagé dans la soirée (ce qui malheureusement ne devait pas durer). Nous avions en outre la chance de dormir dans un fort agréable hôtel situé sur les rives du lac à Louo-chouei (落水, Luoshui), circonstance qui là non plus ne devait pas se prolonger (mais bon, ça nous l’avions voulu). Les habitants des rives du lac Loukou relèvent d’une culture particulière, différente de la culture na-si : les Mouosos (Mosuos). Particularité assez rare et qui plaît beaucoup aux féministes de tout poil, les Mouosos vivent selon un système matriarcal dans lequel les hommes ne possèdent rien et où les grand-mères sont au sommet de la pyramide. Notre guide Philippe ne manquait pas de préciser que la société mouoso allait à rebours de tout ce qui existe ailleurs en Chine (c’est vrai qu’on ne voit pas beaucoup de femmes dans les congrès du Parti communiste chinois). En tout cas, ici à Louo-chouei, les autorités ont compris le filon pour en faire une attraction touristique, d’ailleurs le joli village en bois qu’on nous montre n’est pas réellement habité par les Mouosos de nos jours mais sert à vendre des souvenirs aux touristes. La matinée suivante était consacrée à la visite touristique d’une île du lac Loukou, l’île de Liwoupi (里务比岛, Liwubi), que nous avons gagnée en barque et sur laquelle est bâti un monastère bouddhiste. Ce monastère, détruit comme il se doit pendant la Révolution culturelle, a récemment été reconstruit sur fonds étatiques, vraisemblablement dans le but d’attirer la manne touristique. Les moines y sont également nombreux, ils font probablement aussi partie du décor. Philippe nous a raconté que ces moines sont totalement oisifs, ce ne sont pas eux qui entretiennent le monastère mais les villageois qui leur doivent en outre des offrandes et qui de ce fait ne les apprécient pas trop. Du reste, ils semblent davantage préoccupés par la consultation de leur téléphone portable que par la méditation. Nonobstant l’antienne des soixante-huitards concernant le « Tibet libre » et la propension des bobos à se convertir au bouddhisme (vous me direz, c’est toujours mieux qu’à l’islam), c’était la première fois que j’entendais, dans la bouche d’un occidental, une aussi virulente critique sur cette religion. Comme on peut malheureusement le constater, l’amélioration météorologique était déjà devenue une vue de l’esprit. La journée continuait par une randonnée sur la rive du lac, la rive d’en face en fait. Comme le lac fait frontière entre deux provinces chinoises, nous ne nous trouvions plus de ce fait au Yunnan, mais au Sétchouan. Nous avons démarré la randonnée du village de Wou-tche-louo (Wuzhiluo). Même si elle manquait singulièrement de soleil, cette randonnée facile offrait de belles vues sur le lac et sur ses petits îlots comme celui de Pou-wa (布瓦岛, Buwa). Nous avons ensuite gagné la ville de Yongning (永宁) où nous avons passé la nuit et d’où notre trek devrait démarrer le lendemain. De nouveau au Yunnan et pas très éloignée du lac Loukou, cette ville se trouve néanmoins hors de la zone touristique, d’où un certain gage d’authenticité. Elle n’est il est vrai pas folichonne, organisée autour d’une unique rue dans laquelle des porcs en liberté viennent se nourrir des détritus. Nous sommes descendus dans un hôtel de qualité assez médiocre, notre dernière nuit à l’hôtel avant une bonne dizaine de jours. J’ai pu y expérimenter la couverture chauffante, spécialité chinoise des zones froides et d’altitude où le chauffage domestique tel que nous le pratiquons en Occident semble totalement inconnu. C’est d’ailleurs un gros problème pour sécher ses affaires, les habitations étant prises par l’humidité en permanence (notre guide qui vivait à l’année à K’ouen-ming s’en plaignait amèrement). Pour ce qui est des couvertures chauffantes, il paraît que c’est un peu dangereux du fait du risque d’incendie, certains ouvrages touristiques déconseillent même de s’en servir, mais j’ai préféré passer outre. Après l’hôtel, le restaurant et sa nourriture chinoise, dont le menu se répétera sans guère de variante les jours suivants. Chacun son bol de riz, du thé vert, et neuf plats placés au centre de la table (pas de plateau tournant contrairement à ce que j’avais expérimenté lors de mon premier voyage) : un peu de viande, des herbes plus ou moins exotiques, du chou ; et les deux plats dont j’abuserai faute de mieux, l’omelette aux tomates et les pommes de terre râpées et tressées (ce que nous appellerons le « paillasson »), généralement baignant dans l’huile, de palme cela va sans dire. On mange bien évidemment avec des baguettes (qui sont à usage unique et désormais en plastique, sans doute plus écolo que le bois), et c’est avec elles qu’il convient d’attraper les aliments à même le plat. Comme je l’ai déjà expliqué, j’avais pour ma part choisi de renoncer aux baguettes. Il y avait tout de même quelque chose à visiter à Yongning : sa gompa (monastère bouddhiste). Bien que lui aussi victime des affres de la Révolution culturelle et lui aussi récemment refait à neuf, ce monastère comprend un bâtiment ancien qui avait réussi à échapper à la folie destructrice des Gardes rouges. Nous n’avons pas pu y pénétrer, mais il paraît qu’il y a une statue de Bouddha géante à l’intérieur. Le trek de cinq jours (portage des bagages par des chevaux) a donc débuté le lendemain, par un temps couvert et pluvieux une bonne partie de la journée (nous avons par exemple dû écourter le pique-nique). En outre, la première étape était l’une des plus difficiles, avec le franchissement d’un col à 3600 m qui était le plus haut du parcours. Temps gris, humidité permanente, aucune vue sur les montagnes, c’est avec ce trek que j’ai rencontré les pires conditions de tous mes voyages. Cette équipée totalement ratée m’a jusqu’ici dissuadé de retourner en Asie du sud-est. Quelques villages traversés avant de franchir le col (celui-ci s’appelle Yang-p’ing, 洋坪) : Ensuite le col, franchi sous une pluie battante. Notre guide Joey avait apporté des drapeaux à prière qu’il a ajoutés, une fois au col, à ceux déjà en place. Mais il faut croire qu’il n’y avait pas suffisamment mis la foi. Par chance la descente, dans une forêt de conifères très humide, s’est avérée moins boueuse et moins glissante que ce que nous avions initialement craint. Nous nous sommes arrêtés dans le village de Tchuang-tseu (庄子 Zhuangzi) où nous avons logé dans une chambre d’hôtes, dotée de douches, ainsi que de WC donnant directement au-dessus d’une fosse où étaient élevés des porcs. Dans la soirée le guide Joey nous a prodigué des explications sur les religions de la région et sur leurs interconnexion (bouddhisme chinois et tibétain (lamaı̈ste), religion tibétaine bön et religion tong-pa). Une étape moins pluvieuse (avec même quelques rayons de soleil), mais aussi beaucoup plus courte le lendemain, le long d’une route carrossable en balcon tandis que la vallée du Yang-Tsé se laissait ça et là apercevoir en contrebas. Ici un moulin à prières à entraînement hydraulique : Cette étape était tout de même assez monotone. Parmi les rares curiosités, j’ai noté la présence de cigales au crissement très strident, bien plus intense que celui de leurs congénères de nos contrées méditerranéennes. L’étape dans le hameau de Pakiaho (巴家河, Bajiahe) était l’une des plus rustiques de ce trek. Nous l’avons rejoint par un sentier très escarpé et glissant. Le jour suivant, au cours duquel nous avons franchi le fleuve, a été le plus pluvieux de tous. J’étais littéralement trempé (même si, heureusement, il ne faisait pas froid) et je me demandais bien comment j’allais pouvoir faire sécher mes affaires. Il nous a fallu descendre toute la matinée avant d’atteindre le Yang-Tsé. Descente effectuée souvent sur des sentiers en dévers et avec précipice, un terrain sur lequel je ne suis jamais très à l’aise. J’ai noté que j’avais tenté d’utiliser des bâtons (j’en avais donc apporté ?) mais que cela ne s’est guère avéré concluant. Nous avons traversé plusieurs villages, mais il est souvent difficile de retrouver leurs noms. Il n’y a pas que moi qui ai pris l’eau, mais aussi mon appareil photo, certes « tropicalisé » mais qui prenait quand même la buée (ce qui se voit). Le franchissement du fleuve a été très épique. Il s’effectuait non pas sur un bac, mais sur une petite barque qui devait lutter contre le courant. Le batelier devait louvoyer entre les tourbillons pour ne pas se laisser emporter. Outre nous-mêmes, il a fallu faire traverser les chevaux avec nos bagages, ce qui a nécessité en tout trois voyages. Notons que ce passage risqué mais folklorique ne devrait pas perdurer, puisqu’un pont et une route étaient en construction au moment de notre passage. Nous avons d’ailleurs déjeuné dans les baraques de chantier, où la problématique du séchage de mon t-shirt qui dégorgeait d’eau comme une éponge n’a pas trouvé de solution. (La personne chauve que l’on a perçoit sur la photo, participant de mon voyage, était dans le « civil » un grand ponte de la cardiologie, que j’ai eu la surprise de voir à la télévision quelques mois après mon voyage). L’après-midi a été presque aussi pluvieux que la matinée, tout aussi désagréable donc… sauf que de surcroît il fallait maintenant monter ! Qui plus est, non pas en pleine nature mais le long d’une route en terre, sans circulation toutefois puisque c’est celle qui conduisait au futur pont sur le Yang-Tsé. (Pour raccourcir le trajet nous avons coupé un lacet, face à la pente). La localité où nous avons dormi, Fong-kö-siang (奉科乡, Fengkexiang), était un bourg plus important. On y trouvait, en plus des traditionnelles maisons en bois, quelques bâtiments officiels en béton (assez moches) et même un poste de police. La photo est prise le lendemain matin. La journée suivante a été (un peu) moins mauvaise météorologiquement. Du temps couvert en permanence, une visibilité très réduite, mais au moins, pas de pluie. Par contre l’état des sentiers était parfois inimaginable. Comme on dit à l’opéra, se ruant le fer en main dans le sang et dans la fange ! Nous avons (longuement) contourné une vallée affluente du Yang-Tsé, le sentier en balcon, presque horizontal, était parfois un peu aérien. Ces cochons domestiques se sont brusquement trouvés en travers de notre chemin, avançant lentement dans la même direction. Il faut dire que le précipice ne leur laissait guère le choix de passer ailleurs. Nous les avons suivis quelque temps avant de nous résoudre à les dépasser, non sans quelque appréhension. Traversée de quelques villages, comme ici Tchong-ta-wan (中大湾, Zhongdawan). Retour dans la vallée du Yang-Tsé, dans un très joli secteur. Les gorges que nous apercevons vers l’aval seront au menu de l’étape du lendemain (malheureusement, encore sous un temps affreux) Halte dans le village de Lieou-ts’ing-ts’ouen (柳青村, Liuqingcun), où nous avons fait la pause méridienne et où j’ai pu photographier l’un de nos accompagnateurs jouant d’un étrange instrument à vent polyphonique (cela faisait plusieurs jours que je l’entendais le soir au gîte et je me demandais bien d’où sortaient ces sons). Cela m’a fait penser aux doubles flûtes que l’on peut apercevoir sur certaines fresques ou poteries antiques en Occident. Le village est situé dans un site admirable, en vue directe des gorges dont on se demande bien comment on va bien pouvoir les franchir (je ménage le suspense, car la réponse est vraiment insolite !) Encore des sentiers un tantinet aériens l’après-midi. Une pratique étrange des paysans du coin : récupérer la résine des pins. Personne n’a pu nous expliquer dans quel but. Nous avons passé la nuit dans une ferme isolée située au-delà du hameau de Tchong-yang-lieou (扬柳, Zhongyangliu). Ce dortoir était l’un des plus rustiques du trek. L’étape suivante s’est encore effectuée sous un temps horrible, pluie et brouillard en permanence, ce qui fait que je l’ai très peu photographiée. Elle commençait par le franchissement des gorges auquel j’ai fait allusion, franchissement qui s’effectuait… en tunnel ! Nous n’avions toutefois pas affaire à un quelconque ouvrage bétonné planifié en haut lieu par le Parti communiste, ni non plus à une galerie préliminaire à un projet de barrage (comme au Verdon). Les deux tunnels que nous avons traversés ici ont été creusés à main d’homme par les villageois, vers les années 1920. Auparavant il était nécessaire d’escalader la falaise pour passer d’un village à l’autre, ce qui ne devait pas être une mince affaire. Les tunnels sont assez longs : plusieurs centaines de mètres, la frontale est absolument indispensable. Il est par ailleurs visible qu’ils ont été creusés en partant des deux bouts à la fois, et que les villageois chinois n’avaient pas les compétences trigonométriques d’Efpalinion (d’où une bonne remise à niveau en plein milieu de l’ouvrage). La traversée du tunnel aura malheureusement été la seule portion de cette étape pendant laquelle nous avons échappé à la pluie. Ce qui fait que j’ai pris très peu de photos ce jour là. Cette circonstance présentait toutefois un avantage : il est visible que le sentier était très aérien, dominant le cours du Yang-Tsé de plusieurs centaines de mètres. Mais le brouillard nous masquait totalement le vide ! Du coup, l’étape s’est avérée pour moi moins éprouvante qu’elle n’aurait pu l’être. L’après-midi, nous avons marché le long d’un canal d’irrigation et j’ai à nouveau pris quelques photos. L’étape s’est achevée à Pao-chan (宝山, Baoshan), le seul village de la région qui soit construit en pierres. Autre particularité de Pao-chan, la présence de fortifications dans la partie haute du village. C’est de Pao-chan qu’étaient originaires la plupart de nos muletiers. Nous y avons dormi non pas en gîte, mais en chambre d’hôtes. Le temps n’est encore pas fameux le lendemain. Le programme prévoyait de quitter à pied Pao-chan pour monter le long d’une route pavée en lacets qui dessert les hauteurs du village : l’intérêt n’était donc pas évident. Aussi le guide a-t-il préféré nous faire reprendre au plus vite le minibus (qu’il était de toutes façons prévu d’emprunter un peu plus tard) d’où nous gagnerions un col ; puis, à titre de compensation (sans doute afin de « tuer le temps »), nous marcherions au bord de la route, non plus en montée mais en descente. Ici une dernière photo de Pao-chan vu d’en haut : Puis quelques photos de la descente sur la route pavée : Repas au restaurant dans le village de Pao-chan-siang (宝山乡, Baoshanxiang) : nous avons fait ici nos adieux aux muletiers qui s’étaient occupés du transport de nos bagages pendant le trek. J’ai photographié cette publicité bilingue pour China Mobile : c’est la seule fois de tout le voyage où j’ai trouvé en dehors des musées des pictogrammes tong-pa. Nous avons effectué un assez long trajet en véhicule l’après-midi, coupant une boucle du Yang-Tsé par un col à plus de trois mille mètres (dont je n’ai rien vu car j’ai dormi pendant tout le trajet ; mais la météo ne devait pas laisser apercevoir grand chose des sommets). Nous nous sommes finalement arrêtés à Ta-tsiu (大具, Daju), localité située juste en aval des très touristiques gorges du Saut du Tigre au programme des deux jours suivants. Notre logement à Ta-tsiu se situait dans une très confortable chambre d’hôtes, quasiment un hôtel. Les chambres étaient équipées de téléviseurs qui diffusaient entre autres, fait unique dans tout ce voyage, la chaîne CCTV-F (c’est-à dire une version en français de la télévision chinoise : oui, cela existe). Le bulletin d’informations abordait l’actualité chinoise mais aussi française sous un point de vue chinois, ce qui donnait à l’émission un relief particulier. Il faut dire qu’à ce moment là la France était (comme d’habitude direz-vous) en pleine période de grèves et de manifestations, il s’agissait de la réforme des retraites décidée par Sarkozy. Et il était visible que le comportement de nos concitoyens étonnait énormément les Chinois. Il n’y a bien que nos élites et nos médias pour ne pas saisir le ridicule d’un pays paralysé par une poignée de lycéens de seize ans en grève pour les retraites. Nous avions atteint le milieu de voyage. Nous avons fait nos adieux à notre guide local Joey, auquel devait succéder pour la zone tibétaine un congénère au nom imprononçable (que je n’ai pas été en mesure de noter), et de surcroît bien moins sympathique que le premier. Avant de gagner en véhicule les gorges du Saut du Tigre, il nous a tout d’abord fallu gagner le fleuve à pied (sous la pluie naturellement), afin de franchir ce dernier sur un bac dans des conditions tout aussi périlleuses qu’à Lapo. Nous avons trouvé de l’autre côté du Yang-Tsé, deux véhicules tout terrain qui devaient nous conduire jusqu’aux gorges. Nous nous sommes bientôt engagés sur une route de montagne totalement déserte, progressant en balcon au-dessus du fleuve, tandis que les pentes de la vallée devenaient de plus en plus raides. La route était tout à fait carrossable, asphaltée, dotée d’un parapet ; par contre, il semble bien que les filets contre les chutes de pierre et a fortiori les galeries paravalanches soient très rarement usités en Chine. Toujours est-il qu’au bout de quelques kilomètres, nous sommes trouvés face à d’énormes blocs qui obstruaient totalement la route. Il était absolument impossible de continuer ! En fait l’éboulement était très récent : les chauffeurs étaient passés sur cette route pour venir nous chercher, à peine deux heures auparavant. Du reste, la paroi ne semblait pas totalement stabilisée, quelques petits graviers tombaient encore ça et là. Aussi, tandis qu’il prévenait les autorités du village voisin pour qu’on fasse dégager la route, le guide nous a fait franchir l’obstacle à pied, mais un par un et au pas de charge, tandis que son congénère local et lui s’étaient postés pour scruter la falaise. Nous n’avons plus eu, une fois en sécurité, qu’à attendre la venue de la tractopelle, qui il faut bien le dire a été étonnamment rapide, une demi-heure à peine. Et les agents de chantier ne se sont pas embarrassés de précautions inutiles pour dégager la route (ils ne portaient même pas de casque !). La randonnée des gorges du Saut du Tigre (虎跳峡) démarre du village de Wan-teng Kouo (塆登郭 Wandeng Guo), appelé aussi Tina. Nous y avons retrouvé la foule des touristes, car ce mini-trek de deux jours est très couru (bien que la plupart des gens effectuent le parcours dans l’autre sens). Comme à Li-kiang, les touristes sont à 95 % des Chinois, auxquels s’adjoignent quelques occidentaux. Les gorges sont déjà très spectaculaires au départ de la randonnée. Ces photos ont été prises depuis le pont routier de Tina. Le trek commence par une montée assez soutenue. On domine bien le Yang-Tsé, et nous pouvions même, malgré le temps couvert, apercevoir quelques sommets enneigés des récentes averses. Le sentier se poursuit en balcon, souvent le long de canaux d’irrigation dont la construction a dû être pour le moins acrobatique. Bien que parfois aérien ce sentier n’est jamais véritablement dangereux. (Naturellement ces mini-gorges sont celles d’un petit affluent). Le versant s’adoucit ensuite et l’on rencontre quelques villages. C’est dans l’un d’entre eux que nous devions passer la nuit (en chambre d’hôte mais sans nos bagages), il se nomme Chouei-tchao-pa (水沼巴, Shuizhaoba). Nous avons (enfin !) bénéficié d’une amélioration météorologique le lendemain pour la fin du trek du Saut du Tigre, et nous avons même pu, à l’aube ainsi que pendant la nuit, apercevoir les sommets enneigés du massif du Dragon de Jade. La journée commence par un itinéraire en balcon au-dessus des gorges (mais c’est moins spectaculaire que la veille). À un endroit bien précis du parcours, en se penchant au-dessus du vide, il est possible d’apercevoir le rocher qui selon la légende aurait permis de franchir le fleuve à un tigre poursuivi par un chasseur, d’où le nom des gorges. La fin des gorges, où le beau temps semblait (enfin) vouloir s’installer. Le trek se termine par une descente assez abrupte jusqu’au niveau des gorges. Ce sentier, connu sous le nom de sentier aux 28 virages, est parcouru par des hordes de touristes, mais presque exclusivement dans le sens de la montée. Du reste, la plupart des visiteurs du site ne gravissent même pas ce sentier, il se contentent de parcourir en véhicule la route qui se trouve au fond des gorges (que nous n’avons pas empruntée) d’où une halte leur permet d’admirer le fameux rocher. Les sommets enneigés font toujours partie du massif du Dragon de Jade (mais ne ne pense pas que ce soit le sommet principal qu’on aperçoive, ni que ces neiges soient des neiges éternelles). La randonnée s’est terminée à Tsi-tsa (吉扎, Jiza) où devait nous attendre un minibus. En fait le départ a été quelque peu épique car des travaux qui barraient la route avaient empêché notre minibus de passer (il a fallu faire du stop). À propos de travaux, des rumeurs insistantes font état d’un projet de barrage dans le secteur qui noierait totalement les gorges, projet qui comme on s’en doute suscite une vive opposition dans la région. Ces rumeurs sont anciennes, elles ne semblent pas s’être concrétisées depuis mon voyage, mais sait-on jamais ; et puis si le Parti décide de le faire, nul doute qu’ils ne prendront pas de gants avec les opposants. La Chine en cela c’est à peu près l’exact opposé de la France où l’on déclare d’utilité publique un projet d’aéroport, on tergiverse pendant quarante ans, on fait un référendum où les gens votent oui, et in fine on renonce. Après un déjeuner (pas terrible) dans la petite ville voisine de Ts’iao-t’eou (桥头, 橋頭, Qiaotou), nous avons entamé une longue route en direction de la ville de Tchong-tien (中甸县, Zhongdian). Avec ce transfert nos changeons complètement de zone géographique, passant de l’aire na-si à l’aire tibétaine (bien qu’étant toujours administrativement au Yunnan). Tchong-tien est en outre située sur un plateau bien plus aride, à 3160 m d’altitude. NB : afin d’attirer le touriste, les autorités ont en 2001 décidé de rebaptiser Tchong-tien du nom plus vendeur de Shangri-La ; mais il semble bien que personne parmi les locaux n’utilise cette dénomination. Les habitants chinois (de même que notre guide français) continuent à appeler la ville Zhongdian (Tchong-tien) et les Tibétains ont un nom à eux, Gyalthang (སེམས་ཀྱི་ཉི་ཟླ།). Trois millions de touristes annuels (pour 50 000 habitants) passent par Tchong-tien. Nous avons visité Tchong-tien en deux temps, séparés par l’éprouvante équipée vers le Khawa Karpo : pour commencer la visite du monastère et le « spectacle » ; et à la fin du voyage, le vieux quartier et le musée. Par souci de cohérence, j’ai choisi de regrouper ces deux parties sur la présente page. Commençons donc par l’énorme monastère de Song-tsan-lin ou Ganden Sumtseling (松赞林寺, Songzanlin, དགའ་ལྡན་སུམ་རྩེན་གླིང་) qui domine la ville. Le monastère de Song-tsan-lin est le plus grand monastère bouddhiste du Yunnan, son architecture s’inspire du Potala de Lhassa. Plus de deux cents moines y vivent. Il a comme bien d’autres beaucoup souffert de la Révolution culturelle, avant d’être entièrement reconstruit sur fond publics. La reconstruction est encore en cours, notamment le bâtiment central qui a été rasé pour être reconstruit tout en béton. C’est que les autorités locales comptent énormément sur ce monastère pour attirer des touristes dans la région. Tout a été aménagé pour attirer un grand nombre de visiteurs : des parkings, un point de vue sur le monastère, etc. Les Chinois ne négligent pas non plus les détails : ces lampadaires à énergie solaire ne manqueront pas d’agréablement impressionner les bobos occidentaux qui viennent jusqu’ici et qui pourront ensuite rapporter combien la Chine fait attention à l’écologie. Inutile de dire que ce n’est pas à chaque coin de rue chinoise que l’on trouve de tels lampadaires. Au fait, la nuit, ça fonctionne comment les panneaux solaires ? À l’énergie lunaire ? Il n’y a pas grand chose à retenir de cette visite. Dans le monastère, ce sont des cars de touristes qui se succèdent. Les peintures bouddhistes dans les bâtiments sont toutes flambant neuves. Et les moines ne semblent là que pour empocher (sans la moindre gêne) les billets que leur laissent les visiteurs. Ceux de mes compagnons qui se sentaient « proches » du bouddhisme (tel n’est pas mon cas) se disaient assez choqués par ce spectacle. Il y a une toute petite curiosité dans ce monastère : une minuscule pièce (servant nous a-t-on dit de cuisine) dont l’accès est strictement interdit aux femmes. Pourquoi ? Aucune idée. La pièce en question ne présente aucun intérêt. On en est à se demander si ce n’est pas là aussi une invention à titre mercatique. Rien à voir en tout cas avec le mont Athos (où soit en dit en passant, les touristes sont loin de se bousculer). Nous sommes descendus à Tchong-tien dans un palace tout neuf, mais dont la finition laissait quelque peu à désirer. Le chauffage n’a pas été prévu par les concepteurs, ce qui ne laisse pas de surprendre pour une ville à une telle altitude : il faut s’en remettre aux couvertures chauffantes. Le soir, nous avons été dîner d’une « fondue tibétaine » (un pot de terre cuite chauffé au braises et rempli de bouillon dans lequel on fait cuire les aliments, légumes et viande : cela ne m’a pas subjugué). Là aussi, la salle était glaciale et nous avons pourtant dû dissuader les serveuses d’ouvrir les fenêtres ! La soirée s’est terminée par un spectacle de danses « folkloriques » tibétaines. Folklore en fait adapté au goût des touristes chinois. Nous avons donc eu droit à un mélange de mélodies tibétaines et de variétés (y compris rock n’roll), le tout amplifié par une sono bien trop forte à mon goût. Les costumes étaient néanmoins assez jolis. Notre guide disait préférer de beaucoup ce spectacle plein de jolies filles au concert de Li-kiang où ne se produisaient que des vieillards. Argument certes recevable mais pour moi insuffisant pour renverser mon jugement. Petit détail qui m’a amusé pendant ce spectacle : ces « machines à applaudir » qui étaient distribuées au spectateurs. Pratique ! On nous a aussi servi le fameux thé tibétain au beurre de yack, c’est à ce jour la seule fois où j’ai eu l’occasion d’en boire. À la fin du voyage, donc, nous nous sommes tout d’abord baladés dans les ruelles du vieux Tchong-tien, présentées comme étant plus authentiques qu’à Li-kiang. Un petit monastère domine la vieille ville, celui de Ta-kouei (大龟山 Dagui). Ce fort peu esthétique bouchon de champagne doré est en réalité un moulin à prières géant, lui aussi flambant neuf ; il faut se mettre à une dizaine pour le mouvoir, les touristes chinois apprécient semble-t-il beaucoup. L’endroit vaut quand même par la vue qu’il offre sur l’ensemble de la ville. Plus intéressant est finalement ce musée de l’Armée, placé dans un intéressant bâtiment de style chinois. Le musée de l’Armée est en fait un musée politique. Et pourvu qu’on le prenne au second degré, c’est assez plaisant à visiter. On a le droit à tout, Mao, la Longue Marche, avec des mises en scènes assez ridicules. Les Chinois eux-mêmes n’ont plus l’air de trop croire à ces vieilles lunes, mais ce musée reste, immuable, de même que des statues de Mao dans des endroits improbables. Étrange pays tout de même, dont la révolution a conduit à des horreurs innommables (comme la nôtre direz-vous mais en encore bien pire), qui n’a pas eu son Napoléon ni sa Restauration (ni son Poutine, d’ailleurs), mais qui est tout de même passé à autre chose en ayant l’air d’avoir oublié tout ça, tout en ne sachant trop que faire de ce passé pour le moins encombrant. Pour en terminer avec Tchong-tien, voici quelques photos du lac Nap’a (纳帕海) qui se trouve à la périphérie de la ville. Il s’agit d’un lac temporaire, mais avec la météo qu’on a eue l’assèchement n’était pas à craindre. Les séchoirs à fourrage se reflétant dans les eaux du lac étaient du plus bel effet. Ces photos sont à mon sens, avec celles du lac Loukou, les seules à peu près valables que j’ai prises de tout ce voyage. C’est une halte prolongée au poste de police de Pilang (比浪, Bilang) qui nous a laissé loisir de prendre toutes ces photos du lac. J’ai également photographié ces bâtiments traditionnels. Le symbole 卐, appelé svastika, est utilisé au Tibet depuis des temps immémoriaux où il représente l’éternité. Il y est toujours omniprésent (on a déjà pu en apercevoir précédemment), et ce bien que son utilisation par le nazisme ne soit bien évidemment pas ignorée des Tibétains. Les derniers jours du voyage se sont déroulés dans la préfecture de Tö-ts’in (德钦县, 德欽縣, བདེ་ཆེན་རྫོང་, Deqin), c’est-à-dire la partie tibétaine de la province du Yunnan. À cette occasion, notre minibus pourtant « privatisé » par Allibert a accueilli une passagère supplémentaire, une jeune Chinoise ; elle occupait en outre la chambre d’hôtel normalement réservée pour notre guide Philippe, mais ce dernier nous a expliqué qu’on ne lui avait pas laissé le choix. Officiellement cette personne venait prospecter dans la région dans le but d’ouvrir une agence touristique, et elle était d’ailleurs munie d’un appareil réflex numérique avec lequel elle mitraillait à tout va. Mais je suis persuadé qu’elle était en réalité là pour des raisons politiques, à l’instar, sans doute, du « général » de mon précédent voyage au Mustagh-Ata. Et même si elle ne communiquait avec nous qu’en anglais (de surcroît, le strict minimum), ma paranoïa m’amène à penser qu’elle comprenait peut-être le français. Cent quatre-vingt kilomètres séparent Tchong-tien de la région du Khawa Karpo où nous devions nous rendre pour randonner, et déjà en temps normal, cet itinéraire très montagneux est fort éprouvant. Mais des circonstances particulières devaient rendre ce trajet particulièrement pénible. Les autorités chinoises avaient en effet décidé de développer touristiquement la zone où nous nous rendions, ce qui passait par le renouvellement complet des infrastructures routières. Ils avaient donc entrepris de mettre la route aux normes de la modernité, et quand les Chinois décident quelque chose cela ne traîne pas. C’est donc sur l’intégralité du parcours, soit les cent quatre-vingt kilomètres, que des travaux avaient été engagés. À l’exception des tronçons où la nouvelle route devait passer ailleurs (un tiers du parcours environ), la chaussée avait été défoncée, il fallait avancer à deux à l’heure en contournant les ouvriers et les engins de chantier. Et pour ne rien arranger, nous allions devoir emprunter cet itinéraire à l’aller comme au retour ! Ce transfert a été pour moi, avec le retour de Rurrenabaque en Bolivie, le plus pénible de tous mes voyages. D’autant que la galère a commencé dès la sortie de Tchong-tien. Nous nous étions pourtant levés très tôt en prévision d’une journée interminable, mais à peine étions nous sortis de la ville que notre minibus s’est embourbé au milieu d’un chantier, au fond d’une tranchée qui venait d’être creusée à travers une colline. Plus moyen d’avancer ! Tout le monde est descendu du bus, nous avons poussé mais ça ne servait à rien, les ouvriers du chantier nous ont aidés mais sans davantage de succès. Ils ont ensuite essayé de tracter le minibus avec un camion, mais le câble a lâché ! Finalement, c’est un engin de chantier qui nous a délivrés. Sauf qu’entre temps les ouvriers avaient entamé leur travail (je n’irai pas décrire leurs conditions de travail…) et la route était barrée. Nous avons dû faire demi-tour, retraversant le bourbier et par chance sans nous y enfoncer à nouveau. Mais nous nous trouvions maintenant à l’intérieur du chantier, dont l’accès avait été barré par de gros blocs, afin de dévier la circulation. Il a encore fallu attendre une heure avant qu’on vienne nous délivrer. Le contournement de la colline s’est finalement effectué par des chemins vicinaux le long du lac Napa, sur lesquels notre bus avait du mal à circuler, et où des femmes tibétaines en profitaient pour extorquer un bakchich aux chauffeurs. La première partie de l’itinéraire comprenait le franchissement d’un col à 3500 m environ, suivie d’une descente vers la vallée du Yang-Tsé (une station de ski était en cours d’édification dans le secteur). Ensuite, nous aurions dû traverser le fleuve mais les travaux nous en ont empêchés. Nous sommes restés sur la rive gauche au prix d’un conséquent rallongement, circonstance qui heureusement ne devait pas se reproduire au retour. Ici une photo du Yang-Tsé et de l’un de ses affluents, à la limite du Yunnan et du Sétchouan. Afin de rejoindre l’itinéraire principal, nous nous sommes engagés sur une voie non asphaltée en pleine montagne, en direction d’un col à 4200 m d’altitude environ. La route traversait les flancs des montagnes de part en part, avec de très rares virages en épingle à cheveux séparés par plusieurs centaines de mètres de dénivelé. Outre la pause méridienne, nous nous sommes offerts une unique halte pendant ce voyage, pour la visite d’un monastère bouddhiste (entre Tche-yong (之用 Zhiyong) et Nilongpao (你龙保 Nilongbao)). Sa visite remplaçait celle d’un autre monastère du même genre, prévu sur l’itinéraire normal. La « roue de la vie » est un grand classique des décorations bouddhistes. Halte frisquette au sommet du col, près de la limite de la neige. C’est peu après que nous avons retrouvé la route principale (et ses travaux dantesques). Nous n’étions pas arrivés pour autant, il restait encore beaucoup de kilomètres, et même un autre col encore plus haut, le Yak-La. Nous y avons atteint le point culminant de ce voyage (il m’a d’ailleurs fallu attendre janvier 2016 pour remonter aussi haut). Ce trajet s’est terminé (la nuit largement tombée !) à Kouei-pa-ting (归巴顶 Guibading) dans un hôtel assez inconfortable. Les chambres n’étaient pas chauffées malgré l’altitude encore conséquente (3350 m), l’usage de la couverture chauffante était indispensable. Par ailleurs, eu égard l’heure tardive, j’ai préféré remettre ma douche au lendemain matin : mauvais choix ! Car l’eau était tellement glaciale que se mouiller ne serait-ce que le bout de l’orteil était inenvisageable. Les chauffe-eau n’ont pas l’air monnaie courante en Chine, on s’en remet aux panneaux solaires, c’est peut-être écologique mais dans de telles conditions climatiques c’est totalement inadapté. Je doute du reste, eu égard de l’ensoleillement auquel nous avions droit, que l’eau eût été beaucoup plus chaude si j’avais pris ma douche avant de me coucher. Kouei-pa-ting (on trouve aussi comme nom Fei-la-sseu, 飞来寺, མཇོལ་རྫོང་། ; Feilaisi) est une horrible bourgade d’immeubles de béton dépourvus de charme, qui domine une vallée qui n’est plus celle du Yang-Tsé mais celle du Mékong : car oui, le Mékong n’est pas seulement un fleuve vietnamien. À l’instar de la tour Montparnasse, Kouei-pa-ting est sans conteste le plus beau point de vue du coin, puisque c’est le seul endroit d’où l’on n’aperçoit pas ses horribles bâtisses haut-perchées. On y jouit d’un panorama incomparable, non seulement sur la vallée, mais aussi et surtout sur le Khawa Karpo qui domine la région. Enfin ça c’est la théorie, car comme je l’ai déjà expliqué nous n’avons (presque) pas pu voir le Khawa Karpo. Nous sommes le lendemain descendus à pied de Kouei-pa-ting au fond de la vallée du Mékong : mille mètres de dénivelé environ. Le sentier est éloigné de la route, qui effectue cette descente au moyen d’un lacet unique, occasionnant un détour d’une quarantaine de kilomètres (nous l’emprunterons au retour). Naturellement, le principal intérêt (théorique) de cette balade est la vue sur le Khawa Karpo. Le temps était complètement bouché, mais fort heureusement il ne pleuvait pas. J’ai pris quelques photos des maisons tibétaines traditionnelles ainsi que des murs de mani. Ensuite on commence à dominer le Mékong sur un versant plus escarpé. Il fallait faire attention aux chèvres qui avaient une fâcheuse tendance à nous envoyer des cailloux. On finit par atteindre le fleuve que l’on traverse sur ce magnifique pont suspendu himalayen (le seul rencontré au cours de ce voyage). Nous sommes arrivés au sanctuaire du Khawa Karpo, point de départ d’un pèlerinage autour de la montagne qui est organisé chaque année (240 km en sept jours !). Le Khawa Karpo (en tibétain ཁ་བ་དཀར་པོ། , en chinois 卡瓦格博, parfois transcrit Kawagebo) (alt. 6740 m) est une montagne sacrée aux yeux des Tibétains, son ascension est interdite même si elle a été tentée par le passé. La montagne est sacrée pour les bouddhistes mais également vis à vis de la religion bön (la religion tibétaine ancestrale). Brève visite du sanctuaire bâti à côté du pont (l’endroit s’appelle Simang-t’ong (习芒捅 Ximangtong)) Montée jusqu’au village de Yong-tsong (永宗 Yongzong) où nous avons déjeuné, et où certains ont pu goûter à la piquette locale. On aura noté le svastika sur la maison. Nous avons été reçus pour le déjeuner dans une maison tibétaine, mais nous n’avons guère apprécié la nourriture, fort épicée. La décoration intérieure (où les posters du Pothala et le portrait du 10e Panchen-Lama cohabitaient harmonieusement avec celui de Mao) ne laissait pas de nous surprendre. Par contre pas de portrait du Dalaï Lama, rigoureusement interdit en Chine. Nous avons terminé l’étape en bus jusqu’à notre chambre d’hôtes située dans la partie supérieure du village (et ce, bien que le programme nous ait suggéré de monter à pied). Quant aux sources chaudes également prévues par le programme, nous n’y avons pas eu droit. Nous avons ensuite séjourné pendant trois jours dans un village de montagne, Yu-peng (雨崩村, Yubeng), situé au pied du massif du Khawa Karpo et très fréquenté par les pèlerins tibétains et les touristes chinois. On atteint ce village en franchissant le col de Nan-tchouka (Nanzhuka) à 3750 m d’altitude environ, au terme d’une montée en forêt de presque 1000 m (notons que la plupart des touristes asiatiques effectuent cette montée à dos de cheval). Le sentier permettant de gagner ce col est très bien aménagé, suraménagé même (quoique par endroits fort boueux). Étrange spécialité de cet itinéraire, la présence de poubelles placées rigoureusement tous les cinquante mètres, et numérotées dans l’ordre décroissant (quand on a atteint le numéro 1, on sait qu’on est au col !). Il y a soixante-huit poubelles en tout, ce qui soit dit en passant n’empêche nullement aux visiteurs de jeter des détritus un peu partout. Voici la première partie du sentier, de la poubelle n°66 à la n°51 : À mi-chemin environ dans la montée, cet emplacement de halte aménagé (oserais-je dire, plutôt une poubelle géante), fréquenté par les pèlerins tibétains. La suite de la montée avec d’autres poubelles, de belles couleurs automnales, et des drapeaux à prière de plus en plus omniprésents au fur et à mesure que l’on se rapproche du col. Pour ce qui est du paysage, il faut bien dire que cette balade laissait plus qu’à désirer. Par moments toutefois, quelques parois enneigées (ou quelques rayons de soleil) pouvaient émerger des nuages. Néanmoins il ne pleuvait pas, c’était déjà ça. Notre chambre d’hôte à Yu-peng (où nous avons dormi trois nuits) ne m’a pas laissé un très bon souvenir. Un endroit bondé où il fallait s’entasser dans des chambres minuscules, la mienne malencontreusement placée à côté des toilettes. Le local n’était évidemment pas chauffé, la seule source de chaleur étant le poêle de la cuisine mais les fumées grasses qui s’en échappaient rendaient souvent l’atmosphère du réfectoire irrespirable. Quand au dîner, c’était comme au refuge des Écrins, il avait lieu très tôt et il fallait se dépêcher pour laisser la place au deuxième service (d’où ensuite un coucher avec les poules, vu qu’il n’y avait rien d’autre à faire). La nourriture chinoise y était peu variée (nous avons eu du yack, et du poulet, lequel était coupé en petites tranches, os et chair mélangés ce qui le rendait difficilement mangeable). Une fois qu’étant vraiment peu emballés par le menu, nous nous avons demandé du rab de « paillasson », ce dernier n’a pas manqué de nous être facturé. De Yu-peng nous avons effectué deux balades pédestres en aller-retour, sur des sentiers très fréquentés par des touristes chinois à cheval. La première balade, très facile et effectuée sous un temps encore très bouché, nous a conduits jusqu’à une cascade sacrée. Nous avons commencé par traverser la rivière pour gagner un autre village, Yu-peng Tchong-mien (雨崩中面 Yubeng Zhongmian). Village de partout décoré de drapeaux à prière. Le folklore bouddhiste continue pendant toute la randonnée, cascade sacrée oblige. Comme je l’ai noté (car franchement tous ces trucs là me passent à des années-lumière) : cette forêt de cairns en bordure du torrent symbolise notre demeure dans notre prochain karma. (La photo est floue, question lumière ce n’était vraiment pas terrible). Quant à cette inscription, ཨོཾ་མ་ཎི་པ་དྨེ་ཧཱུྃ་, Om mani padme hum, il y a tout un article à son propos dans Wikipedia. Recopiant ce qu’il y est écrit à l’instar de ce que font à l’heure actuelle tous les (mauvais) étudiants, il s’agit de l’un des plus célèbres mantra du bouddhisme, mantra des six syllabes du bodhisattva de la compassion Avalokiteśvara. Vous n’avez rien compris ? Ça tombe bien, moi non plus ! Bon d’accord, mon ironie est mal placée. Les bouddhistes se font des nœuds au cerveau mais au moins ils ne nous emm… pas. Tandis que d’autres… La balade se poursuivait (tout de même) par une petite montée en forêt. La cascade sacrée se trouve au pied d’une falaise dans un cirque glaciaire (cirque où l’on trouve par ailleurs un glacier fossile qui semble depuis belle lurette séparé (par des barres rocheuses) de son glacier tributaire). Pour la rejoindre, la toute dernière montée (100 m) est interdite aux chevaux, ce qui constitue visiblement une épreuve terrible pour certains des touristes chinois. Quant à la cascade proprement dite, euh… bof… Le temps allait vers l’amélioration le jour suivant (je me suis même laissé dire que si nous étions restés un jour de plus dans le secteur, nous aurions peut-être pu apercevoir le Khawa Karpo). Voici deux photos prises au petit matin depuis les fenêtres de la chambre d’hôtes. Seconde journée de balade au départ de Yu-peng, en direction cette fois-ci d’un lac glaciaire. C’est ce jour là que nous avons trouvé les plus beaux paysages de montagne du voyage (laissant à penser que, finalement, ce dernier aurait vraiment pu être très beau). Cette balade était aussi plus difficile que la première, avec une montée assez soutenue. Le sentier était certes très bien aménagé, mais tellement encombré de cavaliers touristes chinois qu’il était souvent nécessaire de couper les lacets pour avancer un peu. Il y avait de très belles couleurs automnales au cours de cette montée en forêt. Mine de rien, c’était la première fois que je voyais des mélèzes en train de perdre leurs épines, n’ayant (jusqu’alors) jamais fréquenté les Alpes en dehors du plein été ou bien du cœur de l’hiver (un manque j’ai réparé depuis, mais sans trouver d’aussi belles couleurs qu’à Yu-peng). J’ai même fait un panoramique, le premier (et avant-dernier) du voyage. À un endroit, un étrange panneau rédigé en anglais et en chinois invite les visiteurs à parler doucement car la montagne est sacrée (!). Celle là, on ne me l’avait jamais faite. En tout cas, notre guide sino-tibétain ne devait pas se sentir concerné par cette injonction, lui qui ne randonnait jamais sans son portable posé sur son sac à diffuser à tue-tête les dernières chansons à la mode (encore une nouvelle plaie, ça). Voici le très joli lac auquel nous sommes arrivés (je ne sais pas son nom). C’est le plus haut point du voyage que nous ayons atteint à pied (3860 m), et la température était plutôt clémente (je me suis fait photographier en t-shirt). Montés plus vite que les cavaliers chinois, nous avons pu l’admirer seuls pendant quelques minutes (par contre à la descente, nous en avons croisés !). Des photos du paysage alentour (on apercevait aussi des yacks broutant sur un versant herbu très en pente). Des clichés pris au cours de la descente : Je termine la présentation de cette randonnée par deux photos un peu « expérimentales » (et qui ne sont, je le concède, pas franchement réussies). Il s’agit d’une tentative de prendre des vues en HDR avec un appareil qui ne possédait pas cette fonction (et évidemment, sans pied). Je pense que la plupart des photographes même amateurs vont hurler, mais tant pis. Le temps était complètement dégagé au réveil le lendemain. J’ai pu (enfin !) photographier les sommets entourant le village de Yu-peng. Parmi ces sommets, cinq pics enneigés sont surnommés les doigts de la main de Bouddha ; ils dominent la vallée de la cascade que nous avions explorée, sans les voir, deux jours plus tôt. L’ensemble du paysage en panoramique, et photographié une demi-heure plus tard. Le programme prévoyait initialement de quitter Yu-peng en descendant le cours de la vallée jusqu’à son confluent avec le Mékong. Mais cet itinéraire, du reste assez aérien à ce qu’il semble, avait été rendu impraticable par un éboulement. Le retour s’est donc effectué par le même chemin qu’à l’aller (le col de Nan-tchouka puis le sentier aux « poubelles »), soit cinq cents mètres de remontée suivis de mille de descente. Retour effectué toutefois dans une atmosphère fort différente en raison du temps maintenant bien plus dégagé. J’ai pris ces photos avec la lune en quittant Yu-peng (ma foi…). Notre groupe s’est totalement éparpillé pendant la remontée au col (pas de risque de se perdre puisque nous connaissions déjà le chemin). Étant le plus jeune d’un effectif tout de même assez mûr, je me suis vite retrouvé en tête. À un moment, m’étant par hasard retourné pour photographier le paysage, j’ai eu la surprise d’entrevoir ce sommet, à peine visible à travers les nuages. Il s’agit bien du Khawa Karpo ; je n’ai eu quelques secondes pour prendre ce cliché, et il n’y en a pas eu d’autres. La plupart de mes compagnons de route, qui ne se sont pas retournés au bon moment, ne l’ont pas vu. Quelques photos prises après le col (d’où nous avions pu voir une dernière fois les cinq doigts de la main de Bouddha). Les montagnes visibles au loin sur la seconde photo seraient les monts Jö-tchou-wou (Rezhuwu). Un gros cafouillage a suivi notre arrivée : nos bagages, qui devaient être transportés par des mules, se sont fait attendre pendant quatre heures ! C’est que les mules avaient été réquisitionnées pour des touristes chinois (ou peut-être aussi, pour des huiles quelconques ?). Cette attente n’arrangeait pas nos affaires car nos devions effectuer ce jour même une partie du trajet pour rentrer à Tchong-tien. Route que nous devrons de ce fait parcourir de nuit, avec tous les dangers que cela peut comporter. Cette étrange photo a été prise juste après avoir quitté Si-tang. Même si nos guides ont été plutôt avares en explications, il semble qu’il s’agissait d’un combat de dzos organisés par les villageois. Toute la population des alentours semblait s’être rassemblée ici pour assister au spectacle (y compris les ouvriers des très nombreux chantiers de la route qui avaient été temporairement laissés à l’abandon). Nous avons commencé par regagner par la route le belvédère de Kouei-pa-ting où nous avions dormi à l’aller. Une bonne quarantaine de kilomètres (qu’à l’aller nous avions coupés à pied) pendant lesquels la route, très aérienne, gagne tout d’abord le lit du Mékong, avant de remonter 1300 m sur l’autre rive par un unique mais gigantesque lacet. Mais pour ce qui est de la vue sur le Khawa Karpo, nous avons dû définitivement faire une croix dessus. C’est la seule protection anti-avalanches que j’ai vue de tout ce voyage ! L’endroit doit vraiment être très instable. Ensuite nous connaissions la route, en tout cas jusqu’au col de Yak-La. Ces photos ont été prises du véhicule. La nuit est tombée après le col et nous avons continué à rouler jusqu’à 22h, empruntant cette fois-ci l’itinéraire normal. Ce qui ne s’est pas fait sans difficulté, le minibus s’est à un moment embourbé, il a fallu placer des pierres dans les ornières et pousser (péripétie que j’ai notée dans mes tablettes, mais dont je n’ai bizarrement presque plus aucun souvenir). Nous avons finalement fait halte pour le dîner et pour la nuit, à Pen-tseu-lan (奔子拦 Benzilan) dans la vallée du Yangtsé, dans un hôtel fort rustique mais où au moins il ne faisait pas froid. Ce n’est que le lendemain midi (après un départ à 5h30 sans petit déjeuner !) que nous atteindrons finalement Tchong-tien. Je ne reviendrai pas sur la visite de la ville, présentée plus haut. Je n’ai pris aucune photo du dernier jour de voyage (le 28 octobre). Nous avons pris un vol intérieur de Tchong-tien à K’ouen-ming, où nous avons encore effectué une halte de quelques heures. Au programme, la visite (pour moi fort ennuyeuse) d’une coopérative d’articles de soie. Nous ont tout d’abord été présentés les procédés de fabrication, puis nos hôtes ont bien sûr essayé de nous faire acheter ; mais personne dans le groupe n’a franchi le pas, tous doutant qu’il s’agisse véritablement de soie naturelle. Crainte justifiée ou paranoïa ? Je n’ai personnellement pas d’opinion à ce sujet. |