Soudan : Méroé, Karima, Dongola | ||
SoudanCe voyage au soudan que j’ai effectué fin 2008 est différent des précédents dans la mesure où il ne s’agit pas d’un voyage d’aventure, mais de tourisme traditionnel. Le Soudan est certes une destination très originale (le genre de pays où je crains de ne plus pouvoir me rendre désormais, vu l’évolution actuelle de la France et du monde). Mais avec un programme presque exclusivement constitué de visites culturelles, des déplacements en véhicule (pour ainsi dire aucune marche), et toutes les nuits passées dans des hôtels de bonne catégorie (ce qui, du coup, se ressentait pas mal sur le prix). Je m’étais certes inscrit par l’intermédiaire d’un voyagiste d’aventure, Déserts (c’était d’ailleurs ma première infidélité à Terdav). Lequel sous-traitait en fait l’organisation à une agence italienne, une chose dont je n’étais pas conscient initialement. Je me suis du coup retrouvé dans un groupe presque uniquement constitué d’Italiens (à l’exception de deux Espagnols). De surcroît, exclusivement des couples d’un certain âge. Ils n’étaient certes pas forcément antipathiques, mais disons quand même que question échanges, cela est resté assez limité, puisque mes connaissances de la langue italienne se résument à deux ou trois mots repérés dans quelque opéra de Mozart ou de Puccini. Le guide, italien lui aussi, parlait certes le français parfaitement et il n’y avait donc pas de risque de loupé sur des questions d’organisation. Toutefois, pour tout ce qui est des explications culturelles très détaillées, elles n’étaient bien évidemment prodiguées qu’en italien et je n’en captais donc pour ainsi dire pas un mot. La conséquence est que si j’ai vu dans ce voyage de très beaux sites archéologiques, des pyramides, des musées, la vallée du Nil, le désert, et si j’ai pris je pense de belles photos, je ne pourrai guère vous restituer à leur propos beaucoup d’explications (pour des informations sur la région je vous suggère donc ce site). Quelques mot sur le Soudan pour commencer. Il s’agit d’un très grand pays, c’était même à l’époque de mon voyage le plus grand pays d’Afrique (mais il a perdu un quart de sa superficie en 2011). Comme beaucoup de pays du sud du Sahara, c’est une création de la colonisation (anglaise en l’occurrence) qui rassemble sous le joug d’un même État des populations très différentes (pour l’essentiel, « arabes » et musulmanes au nord, chrétiennes ou parfois animistes au sud, le pouvoir étant détenu par les premiers). Sans compter les musulmans Noirs mais non arabes du Darfour à l’ouest du pays, en conflit avec le pouvoir central, un conflit qui défrayait justement la chronique à ce moment. Le Soudan est par ailleurs traversé du sud au nord par la vallée du Nil. La capitale du pays, Khartoum, se trouve au confluent du Nil Bleu (venant d’Éthiopie) et du Nil Blanc (venant du lac Victoria et des hauts plateaux d’Afrique équatoriale). Mon voyage se déroulait justement dans la vallée du Nil, dans la partie septentrionale de cette dernière, là où le fleuve décrit un vaste S à travers le désert avant d’entrer en Égypte. Il s’agit de la partie arabe du Soudan, la plus stable politiquement car en phase avec le pouvoir central, la seule aussi où les voyages touristiques sont possibles. (Cela étant, les visiteurs ne sont pas légion, le pays ne misant pas du tout sur le tourisme). Le potentiel du secteur est pourtant très important du fait de ses richesses archéologiques : ce Soudan nilotique était en contact très étroit avec l’Égypte dans l’antiquité, des souverains issus de Karima ayant même régné sur l’Égypte : ce sont les fameux Pharaons noirs. D’où la présence de nombreux sites archéologiques sous forte influence pharaonique, des temples, des tombeaux, des pyramides, le plus beau et le plus célèbre d’entre eux étant sans conteste Méroé. Le tout dans un environnement désertique exceptionnel et sans la foule des Guizeh, Karnak et autres Louxor ! Autre attrait de la région, les cataractes sur le Nil, même si malheureusement il faut se dépêcher d’en profiter, les divers projets de barrage les condamnant à très brève échéance. Le visa pour le Soudan est assez difficile à obtenir : il faut faire sa demande environ un mois à l’avance, ni trop tôt ni trop tard. Parmi les personnes inscrites à ce voyage, deux se sont fait piéger et n’ont pas pu venir. Je n’ai pas eu de problème. Je suis arrivé au Soudan par la compagnie Turkish Airlines, donc via Istanbul. Je m’attendais à beaucoup d’enquiquinements à mon arrivée à Khartoum (à 2h du matin !) mais non, les formalités sont très rapides pourvu qu’on ait un visa en règle. On m’attendait avec un écriteau à la sortie de l’aéroport. On m’a conduit dans un hôtel luxueux situé sur les rives du Nil Bleu où j’ai passé une très brève nuit puisque le départ le lendemain était prévu pour 7h. J’ai pu faire connaissance avec le guide puis avec le groupe le lendemain matin. Première visite prévue au programme, le musée archéologique de Khartoum, du plus haut intérêt (et avec très peu de visiteurs !). Ce musée contient notamment trois temples égyptiens de Nubie (Buhen, Semna et Kumma), déplacés au moment de la construction du barrage d’Assouan et remontés ici. Le musée renferme également pas mal d’objets méroïtiques (nom générique dérivé de Méroé, désignant apparemment la civilisation des Pharaons Noirs), ainsi que des fresques coptes. Une statue d’Auguste égarée dans ce musée, a suscité des commentaires détaillés de la part de notre guide transalpin, car sa présence incongrue en ces lieux n’est pas expliquée et donne lieu à un certain nombre de théories. Il semblerait qu’elle soit arrivée jusqu’ici à l’occasion d’une bataille antique. Le musée se trouve non loin du confluent du Nil Blanc et du Nil Bleu. Petit rappel de géographie, le Nil Blanc qui provient d’Afrique équatoriale assure au Nil un débit continu tout au long de l’année. Le Nil Bleu, lui, subit des variations saisonnières très importantes, il est quasiment à sec pendant l’hiver (donc à l’époque de mon voyage) ; mais son débit moyen est plus important que celui du Nil Blanc (et c’est de lui que provient la fameuse crue du Nil). En aval de Khartoum le Nil reçoit un dernier affluent, la rivière d’Atbara, elle aussi soumise à de fortes variations saisonnières. Après le musée, nous nous sommes rendus à Omdourman, la partie ancienne de l’agglomération de Khartoum située sur la rive gauche du fleuve. On peut y visiter le tombeau d’un marabout, le Mahdi (qui s’est battu contre les Anglais et est mort en 1885). Son tombeau, détruit par les Anglais, fut reconstruit en 1947, d’où son aspect un peu trop neuf. La maison attenante contient des objets d’époque et sert aussi d’école coranique. Nous avons ensuite quitté l’agglomération de Khartoum, prenant la route vers le nord le long de la vallée du Nil. Les routes au Soudan sont très surveillées, à plusieurs reprises des barrages tenus par des policiers en civil contrôlent minutieusement la liste des passagers. (À un moment l’un de mes compagnons de voyage s’est avisé de prendre une photo, je ne vous dis pas l’incident diplomatique). Nous nous sommes arrêtés au niveau de la 6e cataracte du Nil, pour un déjeuner au restaurant suivi d’une petite balade en bateau. Autre rappel géographique, les cataractes du Nil sont au nombre de six, numérotées à partir de l’aval. Ce ne sont pas véritablement des chutes d’eau mais plutôt des rapides (rendant la navigation difficile mais pas impossible), toutes situées à la hauteur d’un massif granitique. La première d’entre elles qui se trouve un peu en amont d’Assouan en Égypte, n’est plus que partiellement visible en raison de la présence du barrage. La seconde, située en basse Nubie, était la plus spectaculaire (on l’appelait la Grande Cataracte), elle était située dans un secteur au passé très riche et renfermant pléthore de trésors archéologiques (dont le temple de Buhen faisait partie). Elle est aujourd’hui engloutie sous les eaux du lac Nasser. Parmi les autres cataractes, une autre a également disparu, la quatrième, tout récemment absorbée par la mise en eau du barrage de Merowe. Elle était pourtant au programme de ce voyage et j’aurais pu la voir si j’étais parti un an plus tôt ! J’ai regretté car j’avais longtemps mûri ce voyage au Soudan avant de me décider. Pour ce qui est de la sixième, nous n’avons vraiment fait que l’entrevoir. Nous sommes montés sur une barque qui a remonté le fleuve sur une centaine de mètres, franchissant un tout petit rapide. Nous avons ensuite rebroussé chemin. D’après le guide, deux heures de navigation eussent été nécessaires pour atteindre véritablement la cataracte. Je ne sais pas si cela valait vraiment le coup (les rares photos que l’on peut trouver sur Internet ne permettent guère de répondre à cette question). Cela étant, ce que nous avons vu du paysage était assez remarquable. La barque est vide sur la photo car nous avions débarqué sur une île pour qu’elle remonte le rapide plus facilement, à vide. Une technique de progression qui n’était pas me rappeler la remontée de la rivière Tuichi en Amazonie bolivienne, un voyage que j’avais effectué la même année. Nous avons terminé la journée par plusieurs heures de route pour atteindre le clou de ce voyage, le magnifique site archéologique de Méroé, situé à 200 km de Khartoum environ. Il n’était prévu de le visiter que le surlendemain, mais nous allions profiter (pour trois nuits !) du luxueux hébergement qui s’y trouve, un camp bâti aménagé par des Italiens (un peu comme à Dar Aouïs en Libye), avec confort meublé à l’intérieur des tentes et des bâtiments en dur pour la toilette et la restauration ; le tout à 100$ la nuit car idéalement placé dans l’axe des pyramides au crépuscule (du moins pendant la période des fêtes). Le lendemain, nous sommes retournés plus au sud afin de visiter nos deux premiers sites archéologiques de la région, Naqa (النقعة) et Musawwarat (المصورات الصفراء). Avant la visite, nous nous sommes arrêtés dans la bourgade de Shendi (شندي) pour y visiter le marché. J’ai noté que m’y étais un peu ennuyé (en plus, au Soudan les photos des marchés sont interdites). Par contre, en arrivant à Naqa, nous avons pu assister à une scène de vie quotidienne qui m’a beaucoup impressionné. Des nomades présents tiraient de l’eau d’un puits en utilisant des ânes et un système de poulies. Lequel puits semblait particulièrement profond (deux cents mètres ?) au vu de la longueur des cordes. Nous étions les seuls touristes sur place et les nomades ne paraissaient pas trop gênés qu’on les prenne en photo. Le site de Naqa est l’un des mieux conservés des sites koushites (ou méroïtique, il semble que ce soit la même chose). Il comprend deux principaux temples, le temple d’Amon à l’ouest et le temple des Lions. Les décorations sont dans le style égyptien mais avec des spécificités et des originalités, comme la présence de cobras. On sait en fait assez peu de choses sur ce site. Il y a des inscriptions méroïtiques, pas toujours déchiffrables (il semble que parfois ces inscriptions ne fassent qu’imiter les hiéroglyphes et ne veuillent rien dire), ainsi qu’une écriture indigène cursive qu’on ne sait pas déchiffrer. Le royaume méroïtique a prospéré car il se situait sur la route des caravanes. Il y avait des échanges avec l’Égypte, mais aussi avec l’Éthiopie. D’abord le temple d’Amon qui obéit au plan traditionnel des temples égyptiens : allée des sphinx, salle hypostyle et sanctuaire. Le second temple (temple des Lions) était en cours de fouille par des archéologues allemands. Après un déjeuner dans le désert (sans doute un pique-nique, mais je ne m’en souviens plus du tout !) nous nous sommes dirigés vers le second site de la région, celui de Musawwarat. Il y a là aussi deux temples principaux, le Grand enclos et le petit temple des Lions. Comme on trouve sur ce site beaucoup de statues d’éléphants, on suppose que des éléphants étaient élevés dans le sanctuaire pour les cérémonies (la région étant à l’époque beaucoup plus humide qu’aujourd’hui). Les nombreuses rampes que l’on peut observer dans les temples étaient vraisemblablement utilisées pour faire monter les éléphants. Quelques photos du Grand enclos (ainsi que du temple dit des « 300 » et du musée). Le temple des Lions de Musawwarat (un peu trop restauré à mon goût…) Et pour terminer la journée, en avant-goût de la visite de Méroé qui nous attendait le lendemain matin, cette photo du coucher de soleil dont nous avons pu profiter pendant le dîner. Nous avons intégralement consacré la journée suivante à cet exceptionnel site archéologique qu’est Méroé (مرواه). L’idée de venir au Soudan m’était venue de très nombreuses années auparavant, au cours d’un voyage en Égypte que j’avais effectué avec mes parents. Mon père avait acheté dans une boutique de souvenirs des souks du Caire l’un de ces ouvrages illustrés sur papier glacé que l’on trouve dans tous les pays touristiques du monde, consacré à l’Afrique du Nil ; lequel décrivait donc par le menu tous les les pays peu ou prou localisés entre le lac Victoria et la Méditerranée, du Rwanda et au Burundi à l’Égypte en passant par le Soudan et l’Éthiopie (pas mal d’endroits, soit dit en passant, où les touristes ne se bousculent guère au portillon). On trouvait dans ce livre des photos de forêts tropicales, de chutes d’eau, de tribus africaines peu habillées (ça existe encore ?), d’églises orthodoxes coptes ou éthiopiennes, et puis bien sûr les incontournables pyramides et temples de haute et de basse Égypte. Mes parmi toutes ces illustrations, il y en avait une qui avait interpellé plus que les autres l’amateur de désert en herbe que j’étais : c’était celle de Méroé au Soudan et de cette multitude de pyramides, certes de petite taille mais aussi beaucoup plus raides que les pyramides égyptiennes, et surtout envahies par les sables du désert ce qui confère à ce site un caractère unique. Notre camp aménagé était situé à environ un kilomètre du site, et pour nous y rendre le matin l’organisation avait prévu non pas des véhicules, mais des dromadaires. Idée pour le moins baroque, ce en quoi j’ai tout de go décrété que je ne voulais pas monter sur un chameau et que j’entendais me rendre sur les lieux à pied. Après s’être renseigné auprès des locaux pour s’assurer que cela ne posait pas de problème, le guide a finalement acquiescé. Mon attitude a quelque peu étonné mes compagnons de voyage italiens (il faut dire que chez les Italiens et contrairement à beaucoup de Français, la randonnée n’est pas une chose naturelle), mais finalement une bonne partie d’entre eux ont imité mon exemple. J’ai n’ai compris (et noté) que très peu des explications du guide sur Méroé. Ces pyramides, au nombre d’une quarantaine en tout, sont construites en grès, sur la rive est du Nil (contrairement aux nécropoles d’Égypte qui sont toujours sur la rive ouest). On n’y a guère trouvé de corps ni d’objet. Les chambres funéraires n’étaient pas situées à l’intérieur de la pyramide mais devant, sous terre. Notons aussi que Méroé a souffert d’un vandalisme criminel de la part d’un « archéologue » italien, Giuseppe Ferlini. Venu sur les lieux en 1834, il a carrément démoli un grand nombre des pyramides à la recherche d’un trésor. (Il a d’ailleurs fini par trouver quelque chose). Voici un sélection (déjà imposante !) de la bonne centaine de clichés que j’ai pris des pyramides de Méroé. Nous avons débuté la visite par le cimetière sud, le plus ancien. Nous n’étions pas les seuls touristes ce jour là à Méroé. Était également présent un très grand groupe de jeunes Soudanais, en fait des étudiants en archéologie venus de Khartoum. C’est la seule fois au Soudan où nous verrons des « locaux » sur un site archéologique. Nous arrivons maintenant au cimetière nord, le plus important (et aussi le mieux conservé). Comme on peut le voir, quelques pyramides ont été restaurées (je n’ai rien compris de l’explication à ce sujet). On trouve aussi un temple funéraire avec des gravures et des inscriptions méroïtiques. Dernières photos de la nécropole royale (du moins avant que nous y retournions au coucher du soleil). Après une matinée passée dans la nécropole royale, nous sommes allés voir les autres vestiges de Méroé, situés dans la vallée du Nil (et pour la plupart bien moins intéressants). On peut y trouver des thermes (témoins d’une vague influence romaine, en tout cas les Romains ne sont jamais arrivés jusqu’ici), ainsi qu’un temple. Il y a aussi une nécropole des Nobles, elle aussi constituée de petites pyramides, mais bien moins étendue que la nécropole Royale (sur laquelle on a par ailleurs une vue intéressante). Dommage quand même que l’endroit soit jonché de détritus. Nous avons terminé la journée par une nouvelle balade dans la nécropole Royale pour profiter du coucher du soleil. Cette balade s’est terminée par un retour à pied au camp, que tout le groupe sans exception a cette fois-ci effectuée. Comme quoi mon idée de Français avait peu a peu fait son chemin. Nous avons le lendemain repris la route pour dans un premier temps gagner la ville d’Atbara (عطبرة) qui se trouve au nord de Méroé. Atbara est connue pour être l’emplacement du dernier confluent du Nil. La rivière d’Atbara, provenant des hauts plateaux d’Éthiopie, a un débit très irrégulier et maximal pendant l’été boréal. À l’époque de mon voyage, il n’y avait pratiquement pas d’eau dans la rivière. Nous avons franchi le Nil à Atbara par un bac : il y avait certes un pont en construction (par les Chinois…) mais non encore terminé. La traversée a été assez longue car les cinq véhicules de notre expédition ne tenaient pas dans un seul bac. Nous nous sommes mêlés aux locaux ce qui a donné l’occasion de photos pittoresques. La route quitte ensuite la vallée du Nil pour traverser en diagonale le désert de Bayuda : on nomme ainsi la région délimitée par la grande boucle du fleuve située entre la 4e et la 6e cataracte. À mon grand regret, il n’y a pas de beaux paysages désertiques le long de ce trajet, du reste le plus souvent effectué au fond des oueds (présence d’acacias). Ici, quelques photos d’un puits (le puits d’Abu Domm ?) près duquel nous nous sommes arrêtés : Bien plus tard dans le trajet, nous avons fait halte pour visiter les ruines d’un monastère. Il semble que le lieu s’appelle Ghazali (nom issu de recherches sur Internet car je ne l’avais pas noté pendant mon voyage). Je n’ai rien compris à ce qu’a pu en raconter le guide. Je ne pense pas que ces vestiges soient plus vieux que quelques siècles. Le trajet de ce jour s’est achevé à Karima (كريمة), au pied du djébel Barkal, un promontoire de grès totalement isolé, situé au bord du Nil (rive droite) en aval de la 4e cataracte. Cette petite montagne était sacrée dans l’antiquité et le secteur recèle de nombreux vestiges archéologiques, dont le site de Napata situé juste au pied. Nous avons logé à Karima dans un hôtel très luxueux tenu par des Italiens. Le soir était organisé un réveillon auquel je ne suis pas resté très longtemps (ce n’est pas folichon de se retrouver avec des personnes dont on ne parle pas la langue). Le lendemain, 1er janvier 2009, la journée à été consacrée aux sites archéologiques du djébel Barkal. Une fois n’est pas coutume, il y avait foule sur tous ces sites : c’est que les (nombreux) expatriés chinois qui travaillent dans la région sont en congé le jour de l’An, et en dehors de la visite des sites il n’y pas beaucoup matière à loisirs dans le coin… Notamment le musée (où l’on trouve une momie qui n’est malheureusement qu’une reconstitution) était assez bondé. Le site de Karima fait partie du royaume de Napata. De tous les rois qui régnèrent ici, le plus important est Taharqa qui assit sa domination sur toute l’Égypte : c’est la 25e dynastie pharaonique, dite dynastie nubienne (VIIe siècle avant J.-C). Parmi les ruines (que j’ai trouvé un peu décevantes), on trouve tout d’abord un temple d’Amon. Plus remarquables sont ces deux colonnes, vestiges d’un temple de Moût. Une partie de ce complexe est souterraine. Il y a également quelques pyramides au pied du djébel Barkal (côté ouest). De taille et d’allure comparable à celles de Méroé, leur aspect (leur couleur, leur environnement) est toutefois beaucoup plus banal (il faut dire que le vent de sable qui soufflait ce jour là rend les photos un peu laiteuses). Il y a d’ailleurs une route importante qui passe juste à côté ce qui défigure un peu l’endroit (même si cela nous avait permis de les apercevoir avant d’arriver à l’hôtel la veille au soir). Notons que cette nécropole n’est pas la plus importante de la région, la plupart des pyramides (dont celle de Taharqa) ayant été construites à Nuri, sur l’autre rive du Nil. Nous nous sommes rendus l’après-midi à El-Kourrou, un site situé à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Karima, près du Nil. On trouve là une grande pyramide assez délabrée, la pyramide de Piye ; et surtout, deux tombes souterraines décorées très intéressantes (l’une, je crois, étant celle d’un neveu de Taharqa, Tanwatamani). Le site est peu touristique, la gardienne ouvre les tombes spécialement pour nous et la descente y est un peu acrobatique. J’imagine que cela devait être comme ça au début du (XXe) siècle quand les premiers touristes visitaient la vallée des Rois, où ça a malheureusement bien changé ! La journée s’est terminée par un petit détour dans le désert, pour admirer des troncs d’arbres grésifiés. Le processus de grésification (qui peut prendre plusieurs millions d’années) passe par une immersion de l’arbre sous l’eau. C’est très curieux, et les cernes des arbres sont encore visibles. La journée suivante commençait par une halte au marché de Karima : aucun intérêt, tout étant fermé en ce vendredi. Nous avons passé le temps à errer autour de la gare de Karima (elle aussi interdite de photographie), dans laquelle aucun train ne passait plus depuis deux ou trois ans (je n’ai pas compris si c’était parce que les eaux du barrage avaient noyé la voie ou bien pour une autre raison). Mais tout une équipe de cheminots et un chef de gare continuaient d’être employés à ne rien faire. Le barrage, celui de Merowe auquel j’ai déjà fait allusion, nous nous en sommes donc ensuite approchés, en lieu et place de la (magnifique) 4e cataracte que nous aurions dû admirer et qui se trouve dorénavant submergée. (Tout juste peut-on en apercevoir quelques blocs de granit épars dans le désert). Nous avons suivi des traces de 4×4 jusqu’à arriver au lac sous lequel elles disparaissaient. Les eaux devaient d’ailleurs encore un peu monter : superposé à des images Google Earth récentes le point GPS que j’ai pris à l’époque se trouve maintenant sous l’eau. Nous avons aussi fait halte dans une gare en plein désert, Amraho. Elle aussi totalement désaffectée, le guide s’est amusé à faire joujou avec un chariot de voie (comme dans les westerns). Nous avons achevé cette matinée (un peu stérile il faut bien le dire) par un passage sur le barrage proprement dit. Là aussi, photos strictement interdites. Nous avons repris l’après-midi les choses sérieuses avec la visite du site de Nuri qui se trouve sur l’autre rive du Nil (donc, la rive sud). Ces pyramides sont moins belles que celles de Méroé, la coloration du site est plus terne, elles sont moins bien conservées (mais elles sont plus anciennes). On y trouve la pyramide du fameux Taharqa, c’est la plus grande. Comme à Méroé le site est en partie envahi par le sable. Nous avons ensuite profité du crépuscule pour une ascension (facile) du djébel Barkal. Une petite balade qui offre un magnifique panorama sur la région, sans oublier les vestiges archéologiques situés au pied. Nous étions loin d’être seuls pour cette petite balade : un grand nombre d’habitants s’y était donné rendez-vous ! C’était un peu leur promenade du dimanche. Nous étions néanmoins les seuls touristes étrangers. Fait relativement rare en pays musulman, on trouvait parmi ces promeneurs également pas mal de femmes, mais elles restaient strictement entre elles. Certains des locaux étaient d’ailleurs beaucoup plus téméraires que nous, n’hésitant pas à s’aventurer sur des surplombs, voire à escalader une partie de la paroi ! Quant à la descente, elle s’est effectuée très facilement le long d’une grande dune accolée à la montagne. Le voyage se terminait par deux jours passés plus à l’ouest, aux alentours de la ville de Dongola. Cette partie du voyage était en option, le supplément étant d’ailleurs conséquent pour un intérêt somme toute bien moindre que ce qui avait précédé. Nous nous sommes rendus à Dongola en coupant par la piste à travers le désert. Par endroits, nos chauffeurs dépassaient pourtant les 70 km/h sur le reg. Nous avons retrouvé la vallée du Nil à l’ancienne Dongola. Nous coucherions le soir aux alentours, sous tente mais dans un camp très bien aménagé. Notons qu’une route en construction compliquait la progression aux alentours du site et avait d’ailleurs obligé nos organisateurs à déplacer le camp. Nous avons déjeuné au bord du fleuve, sous les palmiers à un endroit dépourvu de culture. L’ancienne Dongola était la capitale du royaume copte de Makuria, du 4e au 14e siècle de notre ère. On trouve aujourd’hui sur le site des vestiges coptes et des tombes de marabouts musulmans. Le bâtiment en briques sur la colline est très vraisemblablement un ancien monastère, ensuite transformé par les Mamelouks d’où la présence d’une mosquée. Le plus intéressant à Dongola est quand même ces restes d’églises avec des colonnes en granit qui leur donnent un aspect antique. Comme à Méroé c’est l’invasion des vestiges par le sable du désert qui leur donne cet attrait si particulier. On trouve aussi des restes de fresques coptes sur le site. Malheureusement les plus intéressantes d’entre elles ont été verrouillées par les archéologues polonais qui travaillent sur le site. Une vue du désert près de l’endroit où nous avons dormi : Une dernière journée de tourisme était consacrée à la visite de villages nubiens au nord de Dongola. Des villages aux maisons joliment décorées (avec des peintures naïves d’inspiration islamique, un peu comme en Égypte). Quant aux habitants, ils portaient des costumes traditionnels eux aussi très colorés (comme il sied, les photos n’étaient pas gratuites mais les frais de « droit à l’image », compris dans le prix du voyage, étaient donc réglés par l’agence). Je me suis toujours demandé si ces gens, qui à n’en pas douter accèdent à Internet grâce à leurs téléphones portables, retrouvent les photos d’eux-mêmes diffusées sur des sites comme le mien. Il y avait également et comme on s’en doute, des nuées de mioches particulièrement collants et pénibles, ne cessant de nous réclamer force stylos et montres. Le désastreux résultat du passage de quelques groupes avant nous, dont les touristes avaient cru intelligent de s’acheter un peu d’amour-propre par quelque générosité de bas étage. Il va sans dire que personnellement, je ne fais jamais ça en voyage. (Et j’ai aussi catégoriquement refusé de photographier ces enfants). La journée comportait (outre pas mal de trajet en 4×4 sur le reg permettant aux chauffeurs de se faire plaisir) une petite marche d’une demi-heure dans le désert (que j’ai pu effectuer en dépit de mon état barbouillé de la veille au soir). J’ai noté que nous aurions dû la faire à l’aube, mais que nous l’avons décalée à l’après-midi… à cause du froid ! Décidément, partir dans le désert à Noël (et où que ce soit d’ailleurs) ce n’est pas une bonne idée (et malheureusement c’est à cette période que mon employeur me force à prendre des congés). Donc cette petite marche (dont je n’avais plus aucun souvenir quand j’ai commencé à rédiger ces pages, six ans après !), je l’ai mise à profit pour chercher à photographier les mirages (le résultat est-ce qu’il est). Mine de rien, de tous mes voyages dans le Sahara, c’est l’une des seules fois où j’ai aperçu un mirage. Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas comme dans Tintin… Nous avons été visiter en fin de journée le cimetière musulman près de Dongola. Il y a quelques tombes de marabouts en pisé, assez délabrées et envahies par les chauves-souris. Personne ne sait de quand datent ces tombes, ni qui est enterré ici : c’est triste à dire, mais la mémoire, dans les pays musulmans, nul ne semble en avoir cure. Les dernières photos de ce voyage ont été prises pendant la journée de retour à Khartoum (qui précédait un vol nocturne). Dernière touche pittoresque du voyage, on notera que dans le bac pour traverser le Nil, les véhicules doivent cohabiter avec des… dromadaires. |