Tanzanie : Kilimandjaro, N’gorongoro, trek massaï

Kilimandjaro, N’gorongoro, trek massaï

Ce voyage n’est sans doute pas le plus original que j’aie fait : une destination assez courue et (pour partie) du tourisme traditionnel. Ce séjour de deux semaines en Afrique orientale (région où je n’avais jusqu’alors jamais mis les pieds) débutait par l’incontournable ascension du Kilimandjaro. Ascension par la très classique voie Machame, la plus empruntée par les touristes européens. Ensuite une semaine de tourisme en 4 × 4 avec pas mal de parcs animaliers (dont le fameux cratère du N’gorongoro, véritable zoo naturel où les animaux sauvages se concentrent presque autant que les touristes, l’un des rares endroits au monde où l’on ait une chance raisonnable d’apercevoir des rhinocéros en liberté). Également une visite à une tribu massaï. Et pour terminer, ce qui est finalement ce que j’ai préféré dans ce voyage, le site assez aride du lac Natron, dominé par le volcan Lengaï qui se trouvait au moment de mon voyage être en éruption (circonstance   présentant pour nous à la fois des avantages et des inconvénients).

Nous nous sommes rendus en Tanzanie par une compagnie sur laquelle il est sans doute préférable de ne pas trop se poser de questions : Ethiopian Airlines. Comme bien souvent sur ce genre de compagnies, l’avion effectuant la liaison entre l’Europe et la correspondance (ici Addis-Abeba) est certainement aux normes européennes ; pour ce qui est par contre de la seconde partie du voyage jusqu’en Tanzanie, mystère… Le voyage est assez long car on a le droit en plus de l’escale à Addis-Abeba à un autre arrêt au Kenya.

On atterrit en Tanzanie par un aéroport qui semble avoir été spécifiquement construit à l’intention des touristes et qui s’appelle… Kilimandjaro. Il se trouve néanmoins non loin de la ville d’Arusha, cité de 250 000 habitants environ rendue célèbre par le procès politique qui s’y déroule depuis quelques années. Arusha est située à 1387 m d’altitude, c’est la grande ville la plus proche du Kilimandjaro mais elle est en réalité construite au pied d’un autre volcan assoupi, bien moins connu et aussi beaucoup moins visité des touristes, le mont Méru (altitude 4565 m). Du fait de l’altitude de la région, le climat d’Arusha est davantage tropical qu’équatorial. Il y a pas mal de cultures dans le secteur, notamment de riz.

Quelques mots sur la Tanzanie : le pays, indépendant de 1964, provient de la réunification de l’ex. Tanganyka avec l’île de Zanzibar, d’où le nom. Rappelons que le Tanganyka fut colonie allemande avant d’être anglaise. La principale langue officielle du pays n’est pas l’anglais mais le swahili. Le pays a également subi une assez forte influence arabe, peu visible du côté d’Arusha mais paraît-il très marquée à proximité de Zanzibar. La capitale de la Tanzanie (que personne ne connaît !) s’appelle Dodoma, mais le principal centre économique (et ancienne capitale) est Dar es Salam.

Je m’étais inscrit sur ce voyage via l’agence Terres d’Aventure. Comme c’est maintenant de plus en plus souvent le cas, je n’ai découvert mes compagnons de voyage qu’à la descente d’avion. Nous étions finalement dix, avec un guide tanzanien qui se faisait appeler Victor et qui s’exprimait dans un français appris au contact des touristes et tout de même assez approximatif. Nous avons conservé le même guide pour les deux parties du voyage.

Après une nuit dans un hôtel de la banlieue d’Arusha, nous avons pris la direction du massif du Kilimandjaro, dont seule la base n’était pas masquée par les nuages. Nous aurons du reste eu une météo assez changeante au cours de cette ascension. L’ensemble du volcan est inclus dans un parc national, donc les accès sont très réglementés : on n’emprunte que certains sentier bien balisés, différents d’ailleurs à la montée et à la descente ; les camps ainsi que les repas du midi ne se prennent qu’à des endroits déterminés. Et enfin, l’assistance d’une équipe de porteurs tanzaniens est obligagoire. Bien entendu il y a un permis d’accès au parc, assez onéreux. L’ascension du Kilimandjaro et la redescente dure normalement une semaine. Il existe toutefois plusieurs voies d’ascension possibles, les plus courues étant la voie Marangu (équipée de refuges « tout confort » et pour cette raison préférée des Américains), la voie Machame (celle que j’ai faite), et la voie du plateau de Shira, nécessitant un jour de plus mais rendant plus facile l’acclimatation. Les autres voies (Rongaï et Umbwe) sont bien moins courues. Il existe aussi, pour les grands sportifs, une variante généralement effectuée après un accès par la voie de Shira : au lieu de redescendre immédiatement après l’ascension finale (le dernier camp étant normalement situé vers 4600 m d’altitude), on descend depuis la crête sommitale atteinte à la pointe de Stella, jusqu’au fond du cratère pour y dormir (5700 m environ). Ce qui oblige, petit détail, à l’ensemble des porteurs de monter les bagages à cette altitude ! L’avantage est certainement d’explorer le cratère loin de la foule des autres touristes, mais cela rend « obligatoire » d’arriver au moins jusqu’au col… En tout cas ce n’est pas ce que j’ai fait.

Accès au parc du Kilimandjaro près du village de Machame, le 11 février 2008

Le village de Machame d’où démarre l’ascension se trouve à 1791 m d’altitude. Toute la première journée de montée (jusqu’au camp de Machame-hutte, 2988 m) s’effectue dans la forêt tropicale. Aucun paysage donc, juste quelques plantes exotiques à admirer donc ces caractéristiques fougères arborescentes (on trouve également quelques singes dans cette forêt).

Fougère arborescente sur les pentes inférieures du Kilimandjaro, le 11 février 2008

Mais juste avant d’arriver à Machame-hutte, une trouée entre les arbres nous a permis un premier aperçu des glaciers du Kibo. Et ce, malgré le temps plutôt couvert à cette heure de la journée.

Vue sur le Kibo peu avant Machame-hutte, le 11 février 2008

Nous n’avons pas dormi dans cette hutte (exclusivement dévolue aux rangers qui gardent le parc et contrôlent les permis des touristes), mais dans un camp dont les tentes avaient été montées par les porteurs bien avant notre arrivée. Un camp « grand luxe » avec tente mess, table et chaises munies de dossiers, et même, à l’intérieur de la petite tente à l’écart, un siège transportable dont nous avons mis quelque temps à comprendre comment il pouvait bien fonctionner… Bon, trève de détails.

Deuxième journée : nous quittons définitivement la forêt pour une végétation d’arbustes et de buissons ; c’est que nous avons déjà atteint une altitude conséquente, supérieure à trois mille mètres, et serons juste sous les quatre mille ce soir. Parmi cette végétation, on trouve une espèce endémique très caractéristique, le célèbre sénéçon géant (dendrosenecio kilimanjari), qui fait la renommée de la voie Machame car il paraît qu’on n’en trouve pas sur la voie Marangu. Les sénéçons en tout cas très nombreux de ce côté du massif, tant au-dessus de Machame-hutte que deux jours plus tard au pied de la muraille de Barranco.

Sénéçon géant près de Machame-hutte, le 12 février 2008

La photo suivant montre le massif du Shira. On ne le sait pas toujours, mais le Kilimandjaro n’est pas constitué d’une cheminée volcanique isolée mais de trois volcans : le Shira (3962 m) à l’ouest, le Kibo (5891 m) au centre et le Mawenzi (5149 m) à l’est, les glaciers et neiges éternelles étant confinés au second. Entre le Shira et le Kibo se trouve un vaste plateau, le plateau de Shira, qui est une ancienne caldeira. La voie d’ascension dite de Shira le traverse intégralement et c’est la raison pour laquelle elle nécessite un jour de plus.

Vue sur le mont Shira, le 12 février 2008

Cette seconde étape est relativement courte, nous sommes arrivés au camp de Shira (3886 m) pour le repas de midi. L’après-midi, renonçant à visiter la grotte voisine du camp mais paraît-il sans guère d’intérêt, nous avons poussé en direction du plateau de Shira et de Shira-hutte.

Troisième jour : l’orage éclaté dans la soirée ayant bien nettoyé le ciel, nous bénéficions le matin d’une excellente visibilité. On aperçoit au loin le mont Meru dont j’ai déjà parlé (4565 m), dont le sommet est recouvert d’une fine couche de neige fraîche mais qui disparaîtra assez vite.

Vue vers le mont Meru (4565 m) depuis le camp de Shira, le 13 février 2008

C’est aujourd’hui que commencent véritablement les choses sérieuses. Nous montons en direction du Kibo jusqu’à l’altitude de 4639 m, au niveau d’un petit col, le col de la Tour de lave. Puis nous redescendons pratiquement à l’altitude d’où nous sommes partis, le camp de Barranco (3978 m). Un tel mouvement de yoyo est bien évidemment justifié par les procédures d’acclimatation à l’altitude (montée par paliers et ne pas dormir au plus haut point atteint dans la journée), procédures du reste particulièrement accélérées (pour ne pas dire malmenées) sur cette ascension.

Le Kibo photographié à contre-jour au début de la montée vers le col de la Tour de lave (13 février 2008)Le col de la tour de Lave (dans le mauvais temps), le 12 février 2008

Il faut dire quand même qu’en seulement trois jours nous avons atteint le mont Rose !

Le mauvais temps nous a rattrapés avant le col. Le vent et la pluie nous ont contraints à pique-niquer sous une tente que les porteurs avaient opportunément installée. Puis, toute la redescente jusqu’à Barranco à dû s’effectuer en cape de pluie. C’est au cours de cette descente que l’on rencontre le plus de sénéçons géants. Sénéçons que j’ai quand même pu photographier en dépit des conditions.

Arrivée au camp de Barranco au milieu des sénéçons géants, le 13 février 2008

Le temps s’est dégagé en fin d’après-midi ce qui nous a permis de photographier le Kibo dans la lumière du soleil couchant. Ce n’est toutefois qu’un répit, le temps se recouvrira dans la soirée et nous apprendrons par la suite que les groupe ayant tenté l’ascension dans la nuit, auront dû renoncer.

Le Kibo et le mur de Barranco au coucher du soleil, le 13 février 2008

Le quatrième jour de la voie Machame débute avec le fameux « mur » de Barranco, la fameuse paroi que l’on aperçoit sur la photo précédente. Son ascension est certes un petit peu raide mais il ne faut rien exagérer, le sentier est très bien aménagé et seuls quelques rares passages nécessitent d’y mettre les mains. Mais le problème du mur de Barranco n’est pas tant sa difficulté intrinsèque que le monstrueux embouteillage que cette difficulté engendre, digne de la station Châtelet aux heures de pointe. Une dizaine de groupes campant au même endroit, d’une quinzaine de touristes par groupe et trois porteurs au minimum par touriste, tout le monde démarrant à la même heure et se retrouvant sur un étroit sentier surplombant le vide à 4000 mètres d’altitude, on imagine aisément le tableau. Le petit jeu dans les queues est de laisser passer systématiquement (parce que nous avons reçu instruction pour) les nombreux porteurs qui s’efforcent de passer plus vite sans d’ailleurs toujours y parvenir ; mais de tenter de s’opposer par tous les moyens à ce que le moindre touriste allemand, italien, japonais (enfin il n’y en a pas beaucoup…) ou français nous dépasse… et là non plus nous n’y parvenons pas toujours. Il est du coup difficile que tout notre groupe est ensemble, d’où l’obligation de s’attendre… Bref, une ambiance qui n’est pas précisément ce qu’on attendrait d’une randonnée en pleine nature, à 6500 km de Paris, à haute altitude et loin de toute infrastructure…

Vue générale de la muraille de Barranco, le 14 février 2008

Un moment de répit tout de même dans cette foire d’empoigne, quand nous avons pu admirer le Kibo et ses glaciers. Mais il convenait d’en profiter car cela ne devait plus se reproduire de la journée et en fin de compte avant le sommet.

Le Kibo vu depuis la muraille de Barranco, le 14 février 2008

La journée n’est qu’à peine entamée une fois gravie la muraille de Barranco. Mais la suite est nettement moins mémorable. Il faut dire que très vite, nous nous sommes retrouvés dans le brouillard. Et après le repas de midi pris (sous tente) au camp de Karanga (4043 m), c’est carrément sous la neige que nous avons progressé. Le camp du soir est le dernier avant le sommet : Barafu, altitude 4633 m. Le camp est assez étendu car la place propice au montage des tentes est assez rare ; ayant progressé séparément des autres j’ai eu beaucoup de peine à retrouver mon groupe. On notera, à la faveur de l’éclaircie crépusculaire, le troisième sommet du Kilimandjaro, le Mawenzi (5149 m), que nous apercevons ici pour la première fois.

Sous la neige entre Karanga et Barafu, le 14 février 2008

La nuit avant l’ascension est particulièrement courte : coucher 20h30, lever 23 h ! Et qui plus est, les porteurs, pour qui la montée est terminée, ne se soucient nullement de notre repos et palabrent à haute voix jusqu’à pas d’heure : question serviabilité les porteurs tanzaniens ont encore quelques progrès à faire, en tout cas comparés à leur collègues népalais ! Donc avis aux amateurs, si vous partez pour le Kili, n’oubliez pas les boules quiès !

Départ à la fraîche avant minuit, et en ce qui me concerne donc, sans avoir dormi une minute. Par chance, le ciel cette nuit là était dégagé ; la lune était couchée, l’obscurité était totale en dehors des lumières de la ville de Moshi en contrebas, mais on apercevait, ça et là, les éclairs de quelques orages, lesquels par chance n’ont pas gagné le Kilimandjaro. Nous avons effectué l’ascension à la queue leu leu, montant tous au même rythme (très lent), bien qu’aucune corde ne soit nécessaire. La température était assez glaciale, et les effets de l’altitude assez sensibles (impossible d’avaler une barre de céréale sans la rejeter quelques minutes après ; impression de tituber au cours des dernières centaines de mètres). L’ascension du Kilimandjaro n’est pas une promenade de santé. 

Le jour s’est levé une demi-heure avant que nous atteignions le bord du cratère au niveau de la pointe de Stella (5743 m). Il paraît que certains arrivent au sommet de nuit et sont obligés de redescendre sans rien voir tellement il fait froid : au moins nous avons échappé à ça ! Et la pointe de Stella, c’est quand même le début de la délivrance. Il ne reste plus beaucoup à monter et le chemin est maintenant beaucoup moins raide, et enfin, on peut admirer le paysage ! Certes le temps ce jour là était assez mitigé, nous dominions une mer de nuages nous masquant complètement la plaine, mais heureusement le cratère, les glaciers et le sommet sont tout le temps restés visibles.

Arrivée à la pointe de Stella (5743 m), le 15 février 2008

Certaines personnes de mon groupe ont tout de même trouvé pénible cette dernière heure de montée, au cours de laquelle on contourne le cratère jusqu’au sommet. Mais pas moi qui ne cessait de prendre des photos en ayant (presque) l’impression d’une promenade du dimanche ! Il y a en fait pas mal de monde sur cette crête, assez peu de locaux mais presque uniquement des touristes dont beaucoup sont d’ailleurs français. On marche tout le temps dans la neige, de la neige fraîche rendant quelque peu caduques ces images qui ont fait le tour du monde, de ces quelques résidus glaciaires isolés au milieu d’’un désert de pierre.

L’un des glaciers sommitaux du Kilimandjaro, le 15 février 2008

Je sais que mes petits couplets anti-écolo lassent quelques uns de mes lecteurs. Mais quand même, comment ne pas manquer l’occasion de dénoncer l’escroquerie de certain ancien vice-président, « le Truand » selon Allègre, qui nous montre une photo de 1975 prise après une forte chute de neige, une autre du début des années 2000 faisant suite à une exceptionnelle période de sécheresse, et qui affirme que tout ça c’est-la-faute-du-réchauffement-climatique-dont-l’homme-est-forcément-le-responsable. Au risque d’enfoncer des portes ouvertes mais pourtant scientifiquement prouvées, rappelons la diminution des glaciers sur le Kilimandjaro n’est pas due à la fonte (la température étant toujours négative là haut, réchauffement ou pas), mais à la sublimation de la glace sous l’effet de l’ensoleillement (aggravée par la position équatoriale du volcan qui fait que le soleil attaque à la fois et selon la saison le versant nord et le versant sud), et à la diminution des précipitations dans la région qui serait due, selon les hypothèses en vigueur, à la déforestation par les populations locales des pentes inférieures du massif. En bref donc, rien à voir avec le réchauffement climatique.

Vue partielle du plateau sommital du Kilimandjaro, le 15 février 200

Voici ici une photo du cratère, le seul panoramique que j’aie effectué au cours de ce voyage. Je ne sais plus si le cliché a été pris du sommet ou un peu avant.

Panoramique du cratère du Kilimandjaro, le 15 février 2008

Et voici la toute dernière pente de cette ascension en arrivant au sommet, que l’on repère facilement à l’attroupement de touristes ! Je vous ferai grâce de la photo de de la pancarte en anglais qui s’y trouve nous « félicitant » d’avoir atteint le pic Uhuru. Altitude indiquée : 5895 m. J’avais au cours de ce voyage emporté un GPS de randonnée que je venais tout juste de me procurer, et qui depuis cette date m’indique l’altitude maximale atteinte : 5892 m. Je suis quand même impressionné que ce soit aussi précis !

Arrivée au pic Uhuru (5895 m), le 15 février 2008

Mais la journée était loin d’être terminée : nous attendait encore une descente que l’on peut vraiment qualifier d’interminable. Une fois repassée la pointe de Stella, et contrairement à l’aller, nous nous sommes séparés, chacun descendant à son rythme. Je me suis assez vite retrouvé complètement seul (je pense, devant la plupart des autres). Mais je n’avais pas pris de point de repère pendant cette (si éprouvante) montée nocturne, ce qui fait que, en dehors de l’indication de mon GPS, je n’avais guère d’idée du chemin qui me restait à parcourir ! Et c’était d’autant plus pénible que je marchais maintenant depuis des heures et que je tombais de sommeil.

Arrivés au camp de Barafu vers 10h30, nous avons eu droit à deux heures de sieste avant le déjeuner. Mais pas question de repasser une nuit ici : il fallait, vite, dégager le terrain avant l’arrivée de la horde de touristes du jour d’après ! Donc, en avant pour une nouvelle descente, de pas moins de 1500 m, jusqu’au camp de Mweka qui n’est situé qu’à 3086 m d’altitude. Oui je vous laisse faire le calcul, cela fait pratiquement 3000 mètres de dénivelé négatif dans la journée, faisant suite à 1300 m de montée à l’altitude et après la nuit que l’on sait. Et pour couronner le tout, le temps qui avait été acceptable au sommet s’est franchement dégradé pour tourner à l’averse continue. De cette descente il me reste le souvenir d’une progression dans la boue sur un sentier raviné par des torrents qu’il fallait s’efforcer de contourner.

Descente pluvieuse en direction du camp de Mweka, le 15 février 2008

La dernière journée de ce trek a débuté par une surprise. Nous avons pu, à travers une trouée laissée par les arbres qui entourent le camp de Mweka, apercevoir pour la dernière fois le sommet enneigé du Kibo. Ce qui avaient entrepris l’ascension ce jour là auront certainement bénéficié de conditions météo plus favorables. Mais ne nous plaignons pas non plus.

Le Kibo vu depuis le camp de Mweka, le 16 février 2008

Avant cette dernière journée tout en descente nous attendait le passage obligé de toute fin de trek : la remise des pourboires aux porteurs (accompagnée du discours soit du doyen, soit de la plus jolie fille, c’est selon ; en tout cas j’ai pour ma part et pour l’instant encore la chance d’échapper à la première catégorie). Et après cette remise de prix était prévue l’exécution de « danses traditionnelles » de la part des porteurs. Donc, dès la veille au soir, nous avons sorti et rassemblé nos billets, et séparé le tout dans le nombre adéquat d’enveloppes qu’une personne a parfois (mais pas toujours) la présence d’esprit d’emporter, sinon il faut se débrouiller. Pour ce qui est de la somme pas de problème : 100 € par personne comme cela avait été conseillé par Terdav et inscrit noir sur blanc sur le programme, le tout résultat sans doute d’un savant calcul relatif au niveau de vie moyen en Tanzanie et la nécessité de ne pas trop favoriser le secteur touristique au détriment d’autres activités économiques potentiellement plus vitales pour le pays (agriculture, éducation, santé etc.).

Mais après la remise de l’argent et les remerciements d’usage, notre guide un peu gêné nous a fait savoir que tout compte fait, nous étions assez pressés en raison l’attente qu’il risquait d’y avoir pour la remise des diplômes (une autre fumisterie dont je reparlerai), et qu’il n’allait malheureusement pas être possible aux porteurs d’exécuter leurs danses mais qu’ils en étaient vraiment désolés. Traduction : puisque vous êtres des rats on ne dansera pas pour vous, na ! Et voilà sans doute pourquoi, ce genre d’incident devant sans doute se répéter assez souvent, on entend régulièrement les médias dénoncer les touristes français comme étant les plus radins, à l’opposé des Américains qui seraient les plus généreux. Mais le sommes-nous vraiment puisque nous n’avons pas nous-mêmes fixé la somme ? C’est que cela ferait mal à ces journaleux d’enquêter un minimum avant d’affirmer quelque chose de façon péremptoire !

Fougères arborescentes sur la voie (de descente) Mweka, le 16 février 2008

Oui alors ce fameux diplôme : encore un attrape-touriste mais bon il faut bien amuser la galerie et justifier la coquette somme demandée par les autorités à l’entrée du parc. Donc, nous avons droit à un joli document au format A4 (puisque la Tanzanie, bon point pour elle, a adopté le système métrique), sur papier glacé et garni de trois signatures de sommités éminentes (le guide, le chef du poste et le directeur du parc mais rassurez-vous il ne se déplace pas en personne) comme quoi untel a gravi avec succès le plus haut sommet d’Afrique le pic Uhuru altitude 5895 m. Mais pour ceux (assez rares en fait) qui n’ont pas réussi à atteindre le sommet est prévu un diplôme pour la pointe Stella. Comme ça (pratiquement) tout le monde a gagné ! Mais malheureusement et comme les touristes ont le mauvais goût d’arriver tous en même temps à Mweka (1684 m), le terme du trek, il faut attendre une bonne heure avant d’être servis. Soit une heure de plus avant la douche et une heure de moins passée dans la piscine de l’hôtel. Et oui c’est comme ça. Quand au fameux diplôme, tout le monde est bien embêté avec car rares sont ceux qui trimbalent une chemise cartonnée sur le Kili… Ça finit soit plié, soit chiffonné, soit (et de préférence) les deux.

 

La seconde partie de ce voyage était consacrée à du tourisme traditionnel : visite de parcs animaliers, d’un musée (Olduvaï) et de villages massaï. Et tout de même une journée de randonnée. Toutes ces visites ce sont déroulées dans la région du rift, à une centaine de kilomètres à l’ouest d’Arusha ; une région que l’on atteint par une excellente route asphaltée, presque déserte à l’exception des assez nombreux 4×4 conduisant des touristes. Et quand on sait qu’il s’agit là de la meilleure route du pays, et même l’une des seules qui soit goudronnée, on peut se poser de sérieuses questions quand aux priorités de développement en Tanzanie et au rôle positif du tourisme sur la population locale.

Je commencerai, par souci de cohérence, la description par la visite du parc de Manyara, bien que chronologiquement ce soit le dernier que nous ayons visité. Ce parc, situé sur les rives du lac éponyme, contient pas mal d’animaux mais nous n’avons pas eu la chance d’y voir de grands fauves. Il nous a donc fallu nous contenter des nombreux impalas, babouins, hippopotames et innombrables oiseaux

Impalas dans le parc de Manyara, le 21 février 2008

Les éléphants sont tout de même très nombreux dans ce parc. D’ailleurs, nous avons continué à en voir après en être sortis ! Inutile de préciser que lorsque une telle masse traverse une route, les véhicules s’arrêtent à bonne distance pour l’attendre à passer.

Éléphants dans le parc de Manyara, le 22 février 2008

Le cratère du N’gorongoro est le parc le plus célèbre et sans nul doute le plus intéressant de Tanzanie. La configuration particulière de ce lieu (une vaste caldeira d’une vingtaine de kilomètres de diamètres) y favorise une grande concentration d’animaux ; la plupart des grands animaux d’Afrique sont représentés ici (à l’exception des girafes qui ne savent pas descendre dans le cratère), y compris des raretés comme le rhinocéros noir ; et ici, contrairement à bien des endroits, le touriste λ a de bonnes chances de les voir (même si c’est parfois avec l’impression d’être dans un zoo). Notons qu’une partie de ces animaux (dont en particulier les lions) vivent en vase clos dans ce cratère, sans échanges avec l’extérieur, d’où des risques importants de consanguinuité.

Vue générale du cratère du N’gorongoro, le 17 février 2008

Voici maintenant un regroupement de la plupart des animaux que j’ai pu photographier dans ce cratère (la plupart d’assez loin, je le reconnais, mon objectif ne fait que 250 mm). On notera parmi ces photos le rhinocéros noir (pas vraiment de très…), l’éléphant mâle, assez rare dans le N’gorongoro (seuls les mâles d’ailleurs descendent les parois du cratère), le buffle, très dangereux comme chacun sait (c’est le seul que j’aie vu de tous mes voyages), les autruches mâles et femelles que l’on distingue à la couleur de leurs plumes, et le vautour.

Zèbres dans le cratère du N’gorongoro, le 17 février 2008

Et puis bien sûr, il y a les lions. Aucune chance de les rater : dès qu’un conducteur de 4×4 en repère un, il rameute ses collègues avec son téléphone portable. Donc un lion c’est facile à repérer dans le cratère, quand on voit quatre 4×4 agglutinés c’est qu’il y a un lion à côté ! Mais il paraît que dans les parcs du Kenya c’est pire, là bas c’est quinze 4×4 ! Les lions du parc du N’goronogoro sont tous répertoriés, vaccinés, et sans doute aussi baptisés… Ici nous avons eu affaire à un groupe de quatre jeunes mâles, dont l’un est passé assez près de notre véhicule. D’après notre guide ils se préparaient à une chasse au buffle. On les voyait se planquer, avancer pas à pas, en direction de ces mastodontes distants de plusieurs centaines de mètres. Mais les fauves prenaient leur temps ! Certains membres de mon groupe seraient bien restés ici le temps qu’il faut, espérant apercevoir la charge des félins et ainsi réaliser le reportage photographique de leur vie. Mais les règles du parc sont impitoyables : après 18 h tous les véhicules doivent être ressortis du cratère. Nous avons donc bien dû laisser ces animaux à leur chasse et à leur tranquillité, ce dont ils ne se sont certainement pas plaints…

Lion dans le cratère du N’gorongoro, le 17 février 2008

Nous avons commencé le jour suivant par la visite de la gorge d’Olduvaï, un site préhistorique où furent découverts quelques restes d’hominidés. Ce site se trouve à l’est du N’goronogoro dans un environnement assez aride. Malheureusement on ne peut pas se balader sur le site proprement dit, il faut se contenter d’un petit musée où s’entassent tous les touristes (et où les photos sont interdites). Je dois dire que je n’ai pas trouvé tout ceci excessivement intéressant. (Accessoirement, c’est une réflexion qui n’engage que moi mais je suis toujours sceptique sur ces théories qui localisent dans ce secteur d’Afrique le « berceau de l’humanité », théories qui s’appuient en fait sur la découverte d’un très petit nombre de restes humains).

Vue générale de la gorge d’Olduvaï, le 18 février 2008

Près d’Olduvaï se trouve une curiosité : une barkhâne de sable noir, unique (alors que le secteur n’est pas sableux). Elle se déplace vers l’ouest d’année en année. Je n’ai pas très bien compris comment elle s’est formée.

Barkhâne unique non loin d’Olduvaï, le 18 février 2010

Nous avons effectué ensuite un assez long trajet vers le nord, par la piste. Ces paysages de grands espaces ne m’ont pas déplu. Nous avons également pu observer pas mal d’animaux (zèbres, gnous, quelques girafes), mais pas de fauve. (On notera sur l’avant-dernière photo le volcan Lengaï visible en arrière-plan, et sur la dernière le grand panache de fumée émis par l’éruption de ce dernier).

Zèbres au nord d’Olduvaï, le 18 février 2008Girafe à l’ouest du N’gorongoro, le 18 février 2008

La journée se terminait par une petite visite à une tribu Massaï. Là aussi, il y aurait beaucoup à en dire, ou plutôt en redire. La réserve du N’gorongoro (réserve et non pas parc national, notons-le bien, et qui s’étend bien au-delà du cratère éponyme) se présente comme un modèle du développement touristico-économique de la Tanzanie. Y cohabitent en effet des animaux sauvages et des tribus massaï conservant un mode de vie traditionnel (donc vivant dans des cases et portant des habits colorés), pratiquant l’élevage et autorisées à chasser de manière « raisonnée » tout en recevant des revenus des touristes visitant le parc. Ça en tout cas c’est la belle théorie, en pratique d’une part les Massaï ont tendance à se multiplier un peu trop vite, mettant en danger l’équilbre écologique de la réserve tandis que leurs revenus touristiques diminuent dans les mêmes proportions. Et d’autre part, c’est très sensible quand on visite, tout ceci à quelque chose d’artificiel, il est visible que les Massaï conservent ce mode de vie « immuable » uniquement parce que c’est dans leur contrat. Et puis, ils ont ce côté franchement antipathique du « droit à l’image », la moindre photo d’un Massaï se devant d’être rémunérée. On nous a bien mis en garde avant le séjour de ne pas essayer de « voler » de photos, nous nous serions exposés à des palabres à n’en plus finir ! (On est vraiment loin de l’Asie centrale où les femmes kirghizes prennent la pose en souriant devant les appareils photos…). Pour l’unique village que nous avons visité (de toutes façons un seul suffisait bien), une solide rétribution (comprise dans le prix de notre voyage) avait été versée au chef du village en contrepartie des clichés que nous pourrions prendre.

Voici donc (puisque nous y avions droit) quelques photos du village et de ses habitants. Ce que j’en retiendrai, c’est quand même un grand dénuement, choquant quand on sait que ces conditions de vie sont maintenues artificiellement. Les cases sont très basses de plafond (les Massaï ne sont pas grands), très obscures, mais il paraît qu’elles résistent aux intempéries. Nous nous sommes rassemblés dans la case du chef où notre guide a traduit les questions et les réponses du swahili au français. Il paraît évident que ledit chef du village (qui portait sans trop chercher à la dissimuler quelque montre le luxe sous ses habits traditionnels, cherchez l’erreur !) profite bien de sa situation et concentre dans sa poche la plus grande part des revenus du tourisme. Ce chef a plusieurs épouses (quoique officiellement de religion… luthérienne, en tout cas c’est ce qu’il nous a dit) et un nombre incalculable d’enfants. Lesquelles épouses il faut le dire, portant des masses de bijoux à s’en déformer les oreilles, sont vite défraîchies par une succession de maternités rapprochées.

Hommes massaï (18 février 2008)

Une journée de marche nous attendait le lendemain : c’est que Terres d’Aventure c’est « le voyage à pied », nous aurions eu tendance à l’oublier ces derniers jours. Cette randonnée se faisait en pays massaï dans les montagnes de Gol — enfin ce sont plus des collines que des montagnes. Mais bien évidemment, interdiction formelle de photographier non seulement les quelques Massaï que nous pourrions rencontrer, mais aussi leurs troupeaux. Il restait donc le paysage (pas vilain, pas non plus vraiment exceptionnel), quelques rares animaux sauvages (un troupeau de zèbres en l’occurrence ; pas de lion dans les parages, enfin en principe !). Et puis, mais c’est anecdotique, un caméléon.

Trek « massaï » dans les montagnes de Gol, le 19 février 2008

On notera sur les trois dernières photos de la série précédente, la fumée de l’éruption du Lengaï, dont nous n’avons cessé de nous rapprocher.

Ici un baobab photographié le lendemain pendant notre progression en véhicule : les baobabs, dont le tronc est creux, sont souvent utilisés comme planque par les trafiquants d’ivoire.

Baobab, le 20 février 2008

Nous approchons maintenant du lac Natron, un vaste lac salé situé à seulement 350 m d’altitude (le point le plus bas du voyage), dans la vallée du Rift. Le lac est dominé par l’unique volcan actif de Tanzanie (très actif de ce moment !), le Lengaï dont j’ai déjà maintes fois parlé. Comme son nom l’indique le lac est salé au natron, ce carbonate de sodium semble-t-il répandu dans maints endroits d’Afrique. Le niveau du lac Natron est très variable, à la saison des pluies il peut déborder jusqu’au Kenya. Mais en ce moment son niveau est assez bas, ce qui nous permettra le lendemain d’aller presque marcher dessus.

Les rives du lac Natron et le Lengaï, le 20 février 2008

Nous avons passé la nuit dans un camping aménagé non loin du lac : le genre d’infrastructure que je déteste ! (c’est quand même drôlement bien le Sahara où l’on campe au milieu de nulle part). Normalement, nous aurions dû quitter ce lieu à deux heures du matin pour une ascension nocturne du Lengaï, une montée paraît-il très éprouvante, vertigineuse sur ses derniers mètres (au point que Terdav avait prévu une corde), mais offrant au lever du soleil la vision unique de fontaines de lave en fusion au fond du cratère (car ce volcan est en perpétuelle activité). Autre particularité de ce volcan, sa composition chimique qui donne aux laves une fois refroidies une couleur blanchâtre, assez unique et que d’aucuns ont pu prendre pour de la neige. Quoi qu’il en soit, l’activité explosive du volcan au moment de notre visite nous a interdit d’aller admirer tout cela de près, ce qui ne nous a pas empêchés d’assister à quelques explosions assez spectaculaires comme on pourra le voir plus bas. La randonnée quant à elle a été remplacée par une petite visite (avec bain !) dans la gorge et près de la cascade d’Engare Sero, un lieu dont l’intérêt est quand même assez mince comparé au volcan.

Approche du volcan Lengaï, le 20 février 2008

Cette petite approche du volcan que nous avons effectuée en 4×4 à un moment où ce dernier était calme, était à la limite de la sécurité : c’est ce que m’a confirmé un volcanologue belge avec qui j’ai échangé des messages par la suite dont on pourra consulter la teneur sur mon bloc-notes.

Comme promis le lendemain matin, balade depuis les rives du lac Natron et en direction du large : un peu la plage de la Baule à marée basse, quoi ! En moins sableux et plus boueux néanmoins, mais par chance pas de sables mouvants. Outre la vue sur le Lengaï, cette balade nous a permis d’assister à quelques envols de flamants roses qui n’ont rien à envier à ceux de la laguna Colorada.

Marche dans la boue sur les rives du lac Natron, le 21 février 2008

Les photos de ce dernier jour de voyage sont des miraculées : sans doute — était-ce parce que j’avais l’esprit ailleurs ? — suite à une fausse manipulation de la carte mémoire, elles se sont trouvées effacées. J’ai heureusement trouvé sur Internet un excellent logiciel libre (photorec, je vous le recommande chaudement en cas de pépin !) qui m’a permis de tout récupérer in extremis.

Car c’est au cours de ce trajet de retour (en direction du parc de Manyara et par une piste par endroits assez difficile) que nous avons assisté aux manifestations volcaniques les plus spectaculaires. Car alors que tout était parfaitement calme depuis le matin et que le sommet du volcan se trouvait masqué par de petits nuages blancs, d’un seul coup, une épaisse fumée de cendres grisâtres s’est mise à en émerger. Vraiment extraordinaire… et magnifique !

Impressionnante explosion du Lengaï à travers les nuages, le 21 février 2008

Et cette dernière photo aux couleurs résolument minérales, d’un surréalisme encore accentué par la blancheur neigeuse des dépôts de carbonate de soude, est je crois digne de figurer au palmarès de mes meilleures photos de voyage. De quoi me réconcilier (définitivement ?) avec la Tanzanie, que je reconnais avoir quelque peu malmenée dans ces pages !

Gros plan sur une explosion du Lengaï, le 21 février 2008