Forêt de Compiègne

Compiègne, Pierrefonds, Morienval

Le premier week-end CAF de l’année 2018 est aussi le plus proche de Paris : moins d’une heure de train pour arriver à destination ! L’endroit serait tout à fait accessible pour une randonnée dominicale (même s’il est situé en dehors de l’Île-de-France). L’année 2018 était celle de la grève « perlée » anti-macronnienne, mais ce week-end prolongé d’une journée (hors jours fériés) avait le bon goût de tomber entre deux périodes de grève.

Le programme du week-en comportait bien évidemment de la marche, pour l’essentiel dans la très belle forêt de Compiègne. Par cet aspect il se rapprochait de ce que pourrait être un dimanche à Fontainebleau. Mais il comportait également plusieurs visites culturelles très intéressantes. D’abord le wagon de l’Armistice en clairière de Rethondes ; ensuite le château de Pierrefonds (château médiéval restauré par Viollet-le-Duc au XIXe) ; et enfin, la très ancienne (XIe - XIIe s.) église abbatiale du village de Morienval. Sans compter une église autre abbatiale du XIIIe s., située à Saint-Jean-aux-Bois, étonnant village solitaire de la forêt. Bref, un programme non seulement culturel mais qui recouvrait des époques historiques très variées, du Moyen-Âge à la première moitié du XXe s. Par ailleurs nous avons eu un temps magnifique, ce qui n’était pas un luxe après l’hiver difficile que nous avions connu. Bref, une réussite. Dommage qu’il y ait eu dans le groupe une personne que je n’ai pas trop apprécié…

La randonnée n’a pas débuté de la gare de Compiègne, mais de la clairière de l’Armistice que nous avons rejointe en bus. Non pas en bus public (les bus de la ville de Compiègne sont certes gratuits mais ne vont pas jusque là), mais par un car de 50 places spécialement affrêté par François notre organisateur. Nous avons dû l’attendre une bonne heure car nous étions arrivés plus tôt que prévu, par crainte de soucis avec la SNCF. Le chauffeur du bus était un ancien légionnaire qui était en pleine préparation la commémoration de Camerone, prévue à Compiègne quelques jours plus tard (le 30 avril). Mais compagnons de voyage n’avaient guère entendu parler de la bataille de Camerone, ni même d’ailleurs de l’empereur Maximilien. En ce qui me concerne, cela m’a rappelé le film de Cheyenne-Marie Carron que j’ai récemment été voir près des Champs-Élysées.

Nous sommes après ce court trajet restés dans l’ambiance des commémorations militaires… puisque nous avons visité (dès l’ouverture du site, à 10 h) la clairière de Rethondes et le musée de l’Armistice. C’est là que fut signée le 11 novembre 1918 l’armistice entre le général Foch et un groupe de généraux plénipotentiaires allemands. Le wagon appartenant à la Compagnie des wagons-lits et qui avait initialement servi de wagon-restaurant, avait été réquisitionné par l’armée française ; le lieu de l’armistice avait été choisi tant pour son caractère isolé que sa facilité d’accès ferroviaire (aujourd’hui la voie qui permet d’arriver dans cette clairière n’existe plus). Ensuite après la guerre, le wagon fut un temps exposé à Paris, puis revint en clairière de Rethondes où fut construit un musée pour l’abriter, à quelques mètres de son emplacement initial.

L’histoire ne s’arrête pas là ; lors de la défaite de juin 1940, les Allemands exigèrent le nouvel armistice fût signée dans le même wagon ; le musée fut éventré et le wagon reprit la place qu’il avait occupée le 11 novembre 1918. Hitler en personne vint sur place et s’assit à la place de Foch. Après la signature le 22 juin 1940, le wagon fut finalement emmené en Allemagne où il sera détruit à la fin de la guerre. Furent également dynamités par les Allemands tous les édifices commémoratifs de la clairière, exception faite de la statue de Foch. Le site fut reconstitué après-guerre, un wagon de la même série que l’original fut racheté à la Compagnie des wagons-lits et réaménagé tel qu’il était en novembre 1918. C’est donc une copie qu’on est a amené à contempler dans le musée.

Outre le wagon, le musée contient un certain nombre d’objets et document commémoratifs de la Première guerre mondiale et du début de la Seconde. Le plus interessant est la collection de stéréophotographies d’époque que l’on peu visisionner à l’aide de dispositifs binoculaires. On peut ainsi apprécier en relief des tranchées, des hopitaux de campagne, des villages éventrés. Tout cela donne à ces visions parfois morbides un étrange aspect, à la fois concret et irréel, concret par le relief mais irréel par le statisme et l’absence de couleurs. On apprend au passage que la stéréophographie était une pratique universellement répandue à cette époque et jusqu’à la moitié du XXe siècle, avant de tomber complètement en désuétude (excepté un très récent renouveau avec le cinéma 3D ; je ne parlerai pas des tentatives que j’ai faites sur ce site il y quelques années).

Sortis du musée (dont la tenancière avait consenti du bout des lèvres à ce que nous déposions nos sacs dans un coin), nous avons été voir d’un peu plus près la statue du Foch.

Ensuite c’est le départ en forêt (j’ai trouvé mon sac assez lourd), d’abord sur des routes en ligne droite où avons un temps longé (mais sans en atteindre les rives) la rivière l’Aisne. Nous ensuite gagné le relief dit des Beaux-Monts, relief auquel aboutit une grande perspective à la française (l’avenue des Beaux Monts), tracée à partir du château de Compiègne, mais que nous n’aurons pas le loisir d’admirer.

Une fois sur le relief, nous avons effectué sac léger (nous avions planqué nos sacs sous un fourré) une boucle autour de monticule, espérant bénéficier d’un quelconque paysage mais les trouées dans les arbres sont exceptionnelles. Principal intérêt de cette escapade, le carrefour dit du Liban avec un magnifique cèdre.

En redescendant des Beaux Monts, j’ai pu photographier ces spectaculaires parterres de jacinthes sauvages.

Nous avons pique-niqué au bord de l’étang de l’Ortille : carrément dans une propriété privée mais, en ce jour de semaine, les propriétaires n’étaient pas là. D’ailleurs, nous n’avons quasiment rencontré personne ce jour là en forêt, exception faite du site d’accro-branche près duquel nous sommes passés à un moment.

J’ai pris très peu de photos au cours de l’après-midi. Nous avons gravi puis longé le sommet de deux reliefs, le mont Saint-Mard et le mont Collet. J’ai trouvé le sentier plat un peu fastidieux (notre guide, lui, distait que cela lui rappelait le sentier Stevenson dans les Cévennes). Ensuite il y a eu un peu de cafouillage, il a fallu redescendre au carrefour des Étangs, puis remonter.

Nous avons gagné Pierrefonds par le hameau de la Pisselotte. La vue sur le château était malheureusement à contre-jour.

Avant de gagner notre hôtel, nous avons pris un (traditionnel) pot dans un très agréable endroit, au bord de l’étang de Pierrefonds avec une vue imprenable sur le château. L’établissement louait également des pédalos, mais l’histoire ne dit pas s’ils étaient munis d’un capitaine.

Quant à notre hôtel, l’hôtel Beaudon, c’était un hôtel de charme à la française qui datait de 1830 !

Le lendemain était programmée la visite du château de Pierrefonds. Comme ce dernier n’ouvrait qu’à 10 h, j’ai eu loisir de me promener dans la bourgade, essayant de refaire sous un meilleur éclairage les prises de vues de la veille au soir, mais le résultat n’est pas si convaincant que cela.

Montée ensuite vers le château. Pierrefonds était un château médiéval, détruit à l’époque de Richelieu (tours éventrées), puis « outrageusement » restauré par Viollet-le-Duc dans le but d’en faire une résidence impériale (mais Napoléon III ne vivra jamais ici). La restauration a quelque peu dénaturé le monument, introduisant de nombreux anachronismes.

L’entrée du château (avec une statue de Saint-Georges) et la cour intérieure.

Quelques vues de la chapelle du château.

Exposés au premier étage, quelques moules en plâtre de statues du château, ainsi que des copies de sculptures diverses faisant partie de la « collection Monduit ».

La visite du château proprement dite ne comprend que les pièces décorées du 1er étage. Il n’est pas possible, à notre grande déception, d’accéder aux tours. Ici la salle de réception, située dans le donjon.

La spectaculaire salle des Preuses (en fait une galerie). Nous étions entrés dans le château dès l’ouverture, à une heure où il y a encore peu de monde, et j’ai eu la chance d’avoir ces salles pour moi tout seul !

Le « bal des gisants » situé à la cave, présenté dans une scénographie macabre. Il s’agit en fait de copies d’époque Louis-Philippe des gisants de grands personnages de l’Ancien Régime. Ces copies étaient à l’origine exposées à Versailles.

Ci-dessous une photo exposée montrant le château tel qu’il était avant sa restauration (le château en ruines plaisait beaucoup aux romantiques du XIXe siècle). Également, les tours où il n’a pas été possible de grimper.

Après la visite, la randonnée, effectuée ce jour là sac léger car nous avons dormi au même endroit le soir.

Nous avons quitté Pierrefonds en suivant le tracé d’une ancienne voie ferrée qui conduisait de Rethondes à Villers-Cotterêts (déferrée semble-t-il depuis les années 1970). Nous sommes passés près du village de Palesnes.

Ensuite, quittant la voie, nous avons coupé à travers champs en direction de Morienval. C’est la seule partie du week-end où nous avons marché en rase campagne et non en forêt.

Arrivée à Morienval.

Morienval est une ancienne abbaye bénédictive des XI et XIIe siècles. Elle fut fermée en 1745 et détruite (excepté l’église) pendant la Révolution. L’église romane du XIe est l’une des plus anciennes de la région.

(Nous avons pique-niqué sur le parvis avant de visiter l’église). On aura remarqué à l’intérieur le tombeau de Florent de Hangest, mort en 1191 pendant le siège de Saint-Jean d’Acre (3e Croisade). Que son corps ait pu être rappatrié ne laisse pas d’étonner…

Encore quelques photos du village (ainsi que d’une ancienne ferme située sur ses hauteurs). Devinette (seulement pour ceux qui sont sur ordinateur) : qu’ai-je fait à la photo présentée à gauche en fond de menu ? Et pourquoi ?

Nous avons ensuite à nouveau traversé quelques champs pour très vite retrouver la forêt de Compiègne. Avec ensuite quelques petits déboires dans la forêt. Tout d’abord au carrefour Valon, présence d’un tas de déchets métaliques, déposés sans doute non pas par des particuliers mais plutôt par une petite entreprise (garage ? atelier ?). Mes bobos de compagnons de voyage de s’indigner contre les « salauds » qui ont fait ça. Certes ce n’est pas bien, mais à force de pressurer les gens et surtout les PME, d’imposer le tri des ordures et de faire payer des sommes exorbitantes pour laisser les déchets à la décharge, n’arrive-t-on pas à ce genre de situation perverse où il devient plus simple de s’en débarrasser en douce en forêt domaniale ? (Et encore ne nous plaignons pas trop, en Italie du sud c’est la mafia qui s’occupe de la gestion des ordures !)

Second déboire : notre organisateur nous amène au Four d’en haut, petit hameau isolé dans la forêt et paraît-il intéressant. Mais voilà, alors que nous approchons, un chien menaçant et nullement attaché ni enfermé sort de sa propriété et s’approche de nous en aboyant furieusement. Il se trouve que dans ce groupe je n’était pas le seul loin s’en faut à avoir peur des chiens… Les propriétaires étant présents, mes compagnons s’adressent à eux mais en des termes, il faut le reconnaître, peu diplomatiques. Du coup, les maîtres ne font rien pour retenir le chien, la situation devient critique. Personne n’est mordu finalement, nous repartons et François enverra au retour à la mairie de Morienval une lettre de protestation avec entête du CAF. Du coup, nous ne verrons pas le Four d’en haut et nous devrons quitter les lieux, hors sentier, par une pente quelque peu escarpée (n’exagérons pas tout de même, nous ne sommes pas en montagne).

Nous avons ensuite gagné la maison forestière de Saint-Nicolas-de-Courson, ancien prieuré aujourd’hui propriété privée, celle d’un sculpteur dont certaines des œuvres (que je n’achèterai pas…) sont exposées dans le jardin (jardin lui aussi gardé par un chien fort peu sympathique, mais cette fois-ci fort heureusement clos).

Retour à Pierrefonds avec panorama sur le château en arrivant, mais finalement un peu décevant. L’étape s’est terminé au bistrot comme la veille mais à l’intérieur du bourg, c’était moins agréable qu’au bord du lac. D’autant qu’il y avait pas mal de motards qui faisaient pétarader leurs engins.

Dernier jour. Un orage s’est abattu sur Pierrefonds à la fin de la nuit, mais le beau temps est ensuite revenu ! Néanmoins, les sols seront passablement détrempés, du moins pendant la première partie de la journée. Après un démarrage en fanfare pas un escalier urbain, on pénètre en forêt où se déroulera la plus grosse partie de la journée.

À un endroit, une exceptionnelle percée dans les arbres permettant de visualiser l’étendue de la forêt.

Contrairement à l’avant-veille, la forêt était en ce dimanche très fréquentée. Enfin, surtout le long des routes, par des automobilistes et des motards, ou alors comme ici par des solex.

Nous arrivons à Saint-Jean-aux-Bois, village (commune) isolé dans la forêt.

Saint-Jean-aux-Bois vaut pour son église abbatiale des XIIe — XIIIe siècles. L’office était en cours quand nous sommes arrivés (bien qu’il n’y ait plus ici qu’une seule messe par mois), nous avons en attendant visité la salle capitulaire, puis exploré les rues alentour.

L’intérieur de l’église est fort intéressant, notamment les vitraux en partie d’époque et plus particulièrements les grisailles, motifs géométriques dépourvus de couleurs (certains commentateurs y voient un avant-goût de l’art abstrait du XXe ; bof).

Il y avait aussi dans cette église un orgue hybride (mi acoustique et mi numérique) de facture toute récente, financé par souscription.

Nous avons quitté Saint-Jean-aux-Bois après avoir pique-niqué dans le parc public. Quant au café au restaurant du village, il eût été très compliqué (et surtout très long) de nous le faire servir.

Ci-dessus, un ancien lavoir. Nous arrivons ensuite à l’étang puis à la maison forestière de Sainte-Périne, un très joli endroit.

Quant à ce château, le château de la Brévière, notre guide pourtant originaire du coin ne le connaissait pas, et c’est par hasard que nous sommes passés devant !

J’ai trouvé assez fastidieuse la fin de la randonnée jusqu’à Compiègne. Nous sommes passés par un carrefour « octogonal », le carrefour du Puits du Roi. Le roi en question était François Ier qui chassait dans cette forêt. Ensuite, nous avons atteint Compiègne par la route du moulin, désaffectée (ouverte seulement aux piétons et cyclistes). Pendant la traversée de la ville j’ai à tout hasard consulté les affichages des arrêts de bus ; mais il n’y en a aucun le dimanche.

Le parvis du palais impérial de Compiègne (place du Général de Gaulle).

Puis la mairie de Compiègne, magnifique bâtiment du XVIe s. Devant sur la place, une statue de Jeanne d’Arc.

Nous terminons en traversant l’Oise sur l’ex pont Louis XV. Notre organisateur a raconté avoir assisté depuis cet endroit à l’éclipse du 11 août 1999 : il paraît que les trains étaient ce jour là pris d’assaut à un point inimaginable (moi j’étais ailleurs).

En tout cas, pas de cohue pour nous dans les trains, qui circulaient tous en dépit de la reprise de la grève dès le lendemain matin.