Voyage dans le Hoggar | ||
Hoggar (Algérie) : de l'Atakor à la TaessaLe sud algérien est un endroit où je rêvais de me rendre depuis des années. Plus précisément, depuis ces quelques jours que j’avais passés avec mes parents dans le nord du pays et jusqu’en lisière de la zone saharienne : c’était en juillet 1982. J’avais découvert vers cette époque et à la suite de ce voyage, un certain nombre de récits en relation avec l’épopée coloniale, et en particulier les écrits de R. Frison-Roche. Approcher le monde touareg et découvrir les fameux pics volcaniques de l’Assekrem a dès lors constitué pour moi, et pendant toutes ces années, un rêve inaccessible. Inaccessible, notamment en raison des évènements algériens des années 1990 qui, s’ils ne se sont pas déroulés dans le grand sud, en ont tout de même interdit pratiquement l’accès. Je me suis par la suite rendu un grand nombre de fois au Sahara (4 voyages à partir de 1998), mais ce n’est qu’à la toute fin de l’année 2004 que j’ai enfin décidé de mettre le cap sur le Hoggar. Et ce pour un voyage très bref, une semaine pendant les fêtes de fin d’année. C’est le plus court de tous mes voyages, ce que je regrette : on n’a pas vraiment le temps de s’imprégner. La saison n’est pas non plus la mieux choisie : même au tropique du Cancer les nuits sont fraîches en décembre à 2500 m d’altitude. Et essuyer, en plein Sahara, deux jours de pluie et même un orage de grêle, il faut vraiment le faire exprès ! Le voyage en question était une randonnée « chamelière » : nous marchions pendant qu’une petite caravane de chameaux nous transportait les bagages, souvent par un autre itinéraire. Nous étions donc accompagnés par une petite équipe avec un cuisinier, et un guide touareg francophone (il s’appelait Ramrane, et c’était un homme d’expérience). La randonnée démarrait au village de Terhenânet, quelques heures seulement après la descente d’avion (un vol charter) et un court trajet en 4 × 4. On peut voir que la météo n’est que ce qu’elle est… Nous avons bientôt entendu quelques grondements sourds derrière l’horizon, et notre guide a essayé de nous faire croire qu’il s’agissait d’un tir de mine… Mais quelques éclairs ont vite fait de venir mettre un terme à ces douces illusions ! La montagne pointue que l’on peut voir en arrière-plan de la photo est le pic Ilâmane (2739 m), que nous allions pouvoir admirer en long et en large pendant les deux prochaines étapes. Encore derrière sur la gauche, on aperçoit un cône volcanique : il s’agit du mont Tahat (جبل تاهات) (2908 m), le plus haut sommet du Hoggar dont nous ferons l’ascension… sous la grêle ! Je n’ai pas fait d’autres photos de cette première étape (une heure et demie de marche seulement), ni du camp du soir où il fallait creuser des rigoles autour des tentes ! Le lendemain, l’étape a débuté dans de petites vallées du style de celle-ci : avec, en guise de repère, les deux sommets de l'Ilâmane et du Tahat dont nous nous approchons peu à peu.Nous nous dirigions donc maintenant vers ce mont Tahat pour en effectuer l’ascension. En passant tout d’abord par ce col où il soufflait un vent à décorner les bœufs ! C’est pourtant là que nous avons pique-niqué, à l’abri tout théorique d’un gros rocher. Ensuite, ce fut l’ascension de la montagne proprement dite. Presque trois mille-mètres le deuxième jour, on sentait un peu l’altitude… mais je n’ai quand même pas le souvenir que ça ait été si dur que ça. Par contre pour le paysage il faudra repasser ! Enfin, j’aurai quand même la satisfaction d’avoir gravi les points culminants des deux plus grands massifs du Sahara ! Contrairement à l’Émi Koussi, le mont Tahat est dépourvu de cratère. Mais il ne faisait pas bon rester là-haut : l’orage menaçait et il n’a pas fait que menacer. Avec en prime ces grêlons, plus petits certes que des œufs de pigeon mais tout de même assez désagréables ! La météo s’est fort heureusement améliorée à partir du jour suivant et pour le restant du séjour. Ce n’était certes pas la douce chaleur des tropiques, mais au moins le ciel était-il dégagé. Et cela valait mieux, car nous devions atteindre le soir même le célébrissime site de l’Assekrem, celui-là même qui avait constitué ma principale motivation pour entreprendre ce voyage. Et du reste, le ciel était tellement « lessivé » que la vue portait à plusieurs centaines de kilomètres, fait tout à fait exceptionnel en ces contrées. Ainsi sur la photo suivante, on devine au niveau de la ligne d’horizon les contours de la Tefedest, un massif situé à cent cinquante kilomètres au nord du Hoggar et où se trouve la Garet el Djenoun. En alternance, une dernière vue au lever du jour, du mont Tahat dont nous allions maintenant nous éloigner (ces deux photos ont été publiées dans Wikipedia ; la première seulement sur la page anglaise). Pendant cette étape, nous avons progressé à l’intérieur d’une petite gorge… Il y a mieux en fait de gorges, je le reconnais. Mais bientôt, nous avons commencé à dominer le paysage, lequel constituait déjà un avant-goût des pitons volcaniques de l’Assekrem. Nous avons en fait pas mal grimpé, pour atteindre ce plateau qui culmine à 2800 m. C’est le point le plus élevé de la région en dehors du mont Tahat. C’est sans doute encore la Tefedest que l’on aperçoit dans le fond. Et voici maintenant ce célébrissime paysage qui se passe de commentaire : C’est à cet endroit que le père de Foucauld a construit son ermitage en 1911. Il vécut ici et rédigea un lexique de la langue tamachek (la langue des Touareg). Il y a maintenant un petit musée, et quelques religieux vivent encore ici. En tout cas pour ce qui est du paysage, le père de Foucauld avait vraiment eu du nez ! Évidemment question confort ce n’est pas l’idéal : il n’y a pas d’eau dans les parages, et il fait bigrement froid le soir en cette saison (par contre l’été ça doit être assez agréable). Il y a même ici une table d’orientation, construite ici du temps de la colonisation (la dalle est en lave émaillée du Massif Central : c’est sûr que par ici du basalte on n’en trouve pas !). Des dizaines de touristes viennent chaque soir admirer ici le coucher du soleil. Nous ne serons donc pas seuls ! Mais, c’est l’avantage du tourisme à pied, nous arrivons alors qu’il n’y a encore personne. Et un dernier panoramique avant que le soleil ne se couche… Nous nous étions déplacés de quelques centaines de mètres pour mieux voir la descente de l’astre. Outre l’ermitage, le plateau abrite une station de transmission radio, et il y a un camp militaire juste à côté (n’ayant pas le droit de dormir sur le site, ce qui eût d’ailleurs été fort inconfortable, nous avons terminé l’étape par une petite demi-heure à la frontale). La suite du voyage reprend un cours plus normal. Ici, nos chameaux au petit matin : J’ai sans doute très vaguement prétendu rechercher un effet artistique… Notre guide nous avait fait tout un laïus sur les deux types de selles de chameau touarègues : la selle du Hoggar avec une croix à trois branches, et la selle du Mali, plus simple. D’où notre empressement à les photographier quand nous avons découvert côte à côte un exemplaire de chaque espèce. Nous nous dirigeons maintenant vers le site d’Amezroug où se trouvent plusieurs peintures rupestres. Ces peintures se trouvent dans un cadre particulièrement original, un ensemble de falaises et de pitons volcaniques (ça a de faux airs de Cappadoce). On trouve une végétation un peu inattendue dans ce site : des oliviers et des lauriers roses. Mais ça semble en fait assez habituel dans le Hoggar (nous en verrons d’autres ailleurs). Il faut escalader un petit peu les falaises pour admirer les peintures mais ce n’est pas très difficile. Par contre il y a intérêt à bien repérer son chemin pour ressortir, car c’est un vrai labyrinthe… Voici notre guide Ramrane préparant le thé au pique-nique, avant le col d’Êknéouène : Voici une « mosquée nomade » : un alignement de pierres avec une qiblâ (pour indiquer la direction de la Mecque). Nous en avons vu plusieurs pendant ce trek, mais il semble qu’elles ne soient plus utilisées. En alternance, un bien étrange tas de cailloux qui est apparemment naturel. Pourtant on dirait vraiment un tumulus comme au Nemrut Dağı ! Cette montagne (l’Aouknet) présente des orgues basaltiques assez caractéristiques du Hoggar. On trouve à son pied des peintures rupestres. Nous changeons de zone géographique le lendemain. Nous quittons l’Atakor (la région volcanique du centre du Hoggar, qui est aussi la plus élevée) pour la Taessa, un massif granitique. Nous commençons par gravir le petit col d’Imboubouten. Nous avons eu la chance de voir quelques gazelles près de ce col, mais heureusement que notre guide nous les avait montrées ! Quant à les photographier… Il y a aussi des ânes sauvages dans le Hoggar, que l’on aperçoit souvent à proximité des gazelles, pour lesquelles ils servent en quelque sorte de vigies… Nous avons également aperçu quelques mouflons, tout aussi fugaces que les gazelles. Dans ce massif de la Taessa nous avons fait un peu de cañoning… Enfin rien de bien difficile, mais il fallait quand même contourner quelques gueltas. Les roches sont de granite rose, on se croirait en Bretagne ! On rencontre à la sortie des gorges ces deux palmiers isolés. Voici le type de paysage que nous avons rencontré l’après-midi. Il n’y a pas à dire, nous sommes bien dans le désert ! Le camp suivant (Tibouhar) était situé à proximité de la guelta de l’oued Talmest dont nous avons bu l’eau. Avec des pastilles certes, mais c’était la première fois du trek (nous vivions auparavant sur les réserves de Tamanrasset) et nous l’avons senti passer ! (du moins en ce qui me concerne). Les emm… n’arrivant jamais seuls, c’est aussi à ce moment là que la batterie de mon appareil numérique s’est épuisée… et que la seconde, que je n’avais jamais testée, s’est révélée HS. C’était le premier voyage que j’entreprenais avec un APN, donc je sais dorénavant que quatre jours d’autonomie constituent un grand maximum. J’ai maintenant constitué le stock de batteries nécessaire et suffisant. (Enfin heureusement, pour le Hoggar, j’avais aussi apporté mon appareil classique). L’étape du jour, bien plus longue que celle de la veille, commençait par la traversée d’un vaste plateau désertique, passablement froid et éventé (on peut distinguer l’Assekrem en arrière-plan de la photo). Après un passage un petit peu plus accidenté où poussent là encore des oliviers, nous arrivons au-dessus d’un vaste cirque portant le nom d’Edikal, ce qui en tamachek signifie « la paume de la main ». Avec un peu d’imagination, on peut en effet y voir l’intérieur d’une main, les doigts (non visibles sur la photo) étant représentés par quelques gros rochers éparpillés plus loin sur la plaine. La descente dans le cirque, sans être dangereuse, est un peu plus abrupte. Aussi notre guide a-t-il été très surpris de découvrir des crottes de chameau au milieu du passage. Cette portion de reg est assez surréaliste… On peut y voir, selon son inspiration, la baie du Mont-Saint-Michel à marée basse. Ou encore, le centre de l’Islande avec l’Herðubreið devant et Askja au fond ! Cette montagne porte en fait un nom : l’adrar Hedjrine, dont l’ascension n’est semble-t-il pas piquée des vers. Nous étions le jour de la Saint-Sylvestre. La méga-teuf était donc pour ce soir ! Même si moi ça ne m’enchantait guère (eu égard à mes problèmes de la veille). Au menu donc, une mixture de tagueïla (une sorte de pain cuit aux braises, puis découpé en petit morceaux et mélangé aux légumes et à la viande : c’est ce que les nomades mangent tous les jours, et les touristes une ou deux fois par trek…) et de produits spécialement apportés de France : canard, gâteau et champagne. Pour rafraîchir ce dernier il a été mis en œuvre une technique de refroidissement évaporatif que je ne connaissais pas ! Tout cela nous a conduit jusqu’aux alentours de 20h30. Une heure vraiment tardive par rapport aux autres soirs (celui de l’Assekrem excepté) où nous allions nous coucher une heure à peine après le soleil, soit vers 19h… Mais pour le réveillon il fallait bien faire un effort ! Mais quand même il faisait froid, alors attendre jusqu’à minuit ! Nous avons décidé d’un commun accord de nous souhaiter la bonne année à 21 h… Il reste une demi-journée de marche avant les véhicules et le retour à Tamanrasset. Voici mélangées quelques photos de paysage (le petit piton s’appelle Adad, « le doigt », et la montagne derrière est le Tanemrout). Ensuite c’est l’arrivée à Tamanrasset (en arabe ولاية تمنراست, en tifinar ⵜⴰⵎⴰⵏⵖⴰⵙⴻⵜ), ville souvent associée à sa voisine Dunkerque… et où nous n’avions pas encore mis les pieds. Seule grande agglomération du sud algérien, Tamanrasset a beaucoup grossi ces dernières années : il y a 120 000 habitants actuellement. Beaucoup d’Algériens du nord sont venus s’installer ici, attirés à la fois par le moindre risque d’attentats et l’absence de danger sismique. Sans compter que la chaleur estivale n’y est pas si insupportable, grâce à l’altitude (1000 m environ). Néanmoins il y a une chose que je n’ai pas comprise, c’est de quoi peuvent bien vivre ces nouveaux habitants. Nous ne verrons pas grand chose de Tamanrasset : seulement la rue principale avec ses marchands de souvenirs. Nous avons manqué les courses de chameaux qui ont eu lieu dans la matinée. La ville est située dans un site assez intéressant (il y a des montagnes tout autour) mais mes photos ne le rendent pas. La photo en alternance a été prise dans une sorte d’exposition de plein air où toutes les wilayas (préfectures) d’Algérie présentaient leurs principales attractions, notamment touristiques. Il y avait aussi des danses folkloriques (mais pas beaucoup de touristes). Il ne nous restait plus qu’à reprendre notre vol charter, en pleine nuit (comme d’habitude), après une longue attente dans un aéroport glacial (le chauffage étant inconnu sous ces latitudes). Avec pour couronner le tout cette reconnaissance de bagages qu’il a fallu ensuite effectuer sur le tarmac, sous un vent glacial et par une température largement négative. C’est ce qu’on appelle des vacances dans le Sud ! |