Arménie et Géorgie (perles du Caucase)
Un voyage de quinze jours effectué en août 2017,
mêlant les randonnées et les visites culturelles. Ce voyage au rythme particulièrement
rapide nous vus parcourir (très rapidement) des anciennes républiques soviétiques :
l’Arménie tout d’abord, puis la Géorgie. D’où le sentiment, avec le recul, d’avoir
survolé plus que visité ces deux pays, et d’avoir in fine retenu peu de choses
de ce voyage.
L’Arménie et la Géorgie sont en effet deux cultures radicalement
différentes, malgré l’existence d’un
certain nombre de points communs que je pourrai sommairement énumérer
ici : deux très petits pays,
situé dans le même massif du Caucase, tous deux de religion chrétienne
et de culture européenne, tout en étant
entourés de plusieurs voisins musulmans, deux langues utilisant leur
propre alphabet, tout aussi inintelligible
l’un que l’autre pour le néophyte et n’ayant strictement rien à voir
l’un avec l’autre. Deux pays également rapprochés par l’histoire
récente, la période soviétique qui laisse vraiment peu de nostalgiques,
suivie de l’Indépendance et les relations
toujours compliquées avec Moscou.
Mais le parallèle s’arrête là. Je vais maintenant décrire
successivement ce voyage et ces deux pays dans l’ordre
de leur visite, sans davantage chercher à les comparer. Avec en ce qui
me concerne, je ne le cacherai pas, une sensible préférence pour
l’Arménie.
Arménie
Le vol pour Everan (Երևան), la capitale de l’Arménie, faisait escale à
Kiev en Ukraine. Mais je devrai surtout en retenir sont très
inconfortable horaire de départ (5h30) qui m’a valu de me rendre à
Roissy en pleine nuit. La plupart de mes compagnons de voyage avaient
préféré un autre horaire. J’ai en outre eu la mauvaise surprise de
découvrir que j’étais en surréservation. Épisode qui s’est heureusement
terminé par un surclassement (d’où un petit déjeuner complet et gratuit à
bord de l’avion alors que les autres passagers devaient payer leur
sandwich). À Kiev les choses n’ont pas été faciles non plus, tant pour
récupérer la carte d’embarquement que pour embarquer, un vol pour
Houghada (en Égypte) ayant au dernier moment été jugé plus prioritaire
et ayant pris la place du nôtre. Finalement nous partirons avec retard.
Dans l’avion, énormément de franco-arméniens qui sont donc venus par le
même chemin que moi.
Le second vol à l’instar du premier durait 3 h environ. Le temps,
très couvert à Kiev, a continué à l’être jusqu’à ce que nous atteignions
les rives de la mer Noire. Avant de laisser place au perpétuel beau
temps qui devrait presque ne jamais nous quitter de tout le voyage.
L’avion n’a pas survolé la Turquie mais la Géorgie : la frontière
arméno-turque est en fermée depuis la guerre du Haut-Karabagh, fermeture
qui s’applique également au trafic aérien. Une fois
au-dessus de l’Arménie et avant d’atterrir à Erevan, j’ai pu
apercevoir, sur ma gauche, une
centrale nucléaire. Il s’agissait de la centrale de Metsamor
(Մեծամորի), de type soviétique et fournit 40 % de l’électricité du
pays (alimentant au
passage le métro d’Erevan). Les eurocrates essaient depuis des années
de la faire fermer, ce à quoi se refuse pour l’instant le gouvernement
arménien
faute de solution alternative.
Je n’ai pas contre pas réussi à apercevoir le mont Ararat à mon
arrivée, que la brume rendait invisible malgré sa proximité (60 km) avec
la ville. Conformément à mes attentes (et également à ce que j’étais
venu chercher ici), j’ai trouvé à Erevan une température caniculaire et
une atmosphère très sèche, similaire à ce que l’on peut connaître en
Grèce en été. Après les formalités rapides (pas de visa) j’ai été
accueilli par un chauffeur ne parlant pas français. Nous n’étions que
deux à arriver par cette avion, les autres devant atterrir dans la nuit.
Mon compagnon de voyage était un Belge vivant en Roumanie, et devant
effectuer avec nous uniquement la partie arménienne du voyage.
Avant le dîner pour lequel nous nous étions fixé rendez-vous, je suis
parti me balader à partir de l’hôtel et en direction de la place
centrale d’Erevan (la place de la République, Երևան). L’architecture de
la ville, sous forte influence soviétique, ne m’a pas subjugué (malgré
les tentatives de notre guide le lendemain matin de nous en faire
percevoir les (supposés) attraits). La population est de type européen
avec des femmes en robes estivales élégantes, pas de « diversité » ni
de musulmanes voilées. La France d’il y a trente ans, une nouvelle
conception des vacances… En chemin, j’ai aussi fait un détour
jusqu’à l’église de Saint-Grégoire-l’Illuminateur (Սուրբ Գրիգոր
Լուսաւորիչ Եկեղեցի). Cette église juchée en haut d’une colline
accessible par un escalier monumental est une construction très récente
(1997). C’est la plus grande église arménienne. Les photos sont
malheureusement interdites à l’intérieur.
Pour information, l’église apostolique arménienne est une église
autocéphale qui n’a participé qu’aux trois premiers conciles. Son chef
est appelé le Catholicos et rédige à Etchmiadzin (Էջմիածին) près
d’Erevan. Elle dispose d’une chapelle au Saint-Sépulcre à Jérusalem.
Quant à la place de la République que j’ai
brièvement évoquée, elle n’est pas dépourvue d’attraits. Les bâtiments
qui l’entourent sont construits en tuf volcanique (à l’instar de la
plupart des vieilles maisons d’Erevan remontant à la période tsariste,
au XIXe siècle). Cette place, où se trouve le principal musée
de la ville (que nous visiterons le lendemain) ainsi que quelques lieux
de pouvoir et un hôtel de luxe, est régulièrement le théâtre
d’évènements politiques qui secouent l’Arménie.
Je m’étais levé aux aurores et espérais passer une bonne nuit à
l’hôtel d’Erevan. Mais mon compagnon de chambre, arrivant à 3h du matin,
n’a rien trouvé de mieux que de me faire appeler par la réception pour
que je lui ouvre. J’étais vert. J’avais pourtant laissé la porte entrouverte
(et enfilé des boules quiès et mis un masque pour ne pas être réveillé :
raté !). De quoi commencer le voyage de bonne humeur.
Le groupe s’est constitué au petit matin : nous étions huit. Nous
avons aussi fait la connaissance avec notre guide pour l’Arménie,
se faisant appeler Georges, un homme d’une trentaine d’années fort
cultivé et parlant bien le français. Le voyage commençait par la visite
d’Erevan : il n’était en effet pas prévu d’y repasser à la fin.
Disons-le tout de suite, Erevan n’est pas une ville qui m’a laissé
enthousiaste : les vicissitudes de l’histoire, en particulier
soviétique, ainsi que les tremblements de terre, sont passées par là. Il
reste néanmoins de façon éparse des bâtiments anciens bâtis en tuf
volcanique.
Pendant le court trajet en véhicule précédant la visite proprement
dite,
Georges a commencé par nous montrer, perché au sommet d’une colline, le
monument appelé « Mère
Arménie » (Մայր Հայաստան) qui fut érigé en 1967 en remplacement d’une
statue de Staline (qu’elle a dépassé en hauteur de 5 mètres). Je n’ai
malheureusement pas (véritablement) réussi à photographier
cette statue (ci-dessous, une photo Wikipédia, puis une
photo que j’ai tenté de prendre un peu plus tard depuis une rue
d’Erevan).
La première chose que nous avons visitée à Erevan s’appelle la «
Cascade » (Կասկադ). C’est un « monument » de béton d’époque soviétique,
construit dans les années 1970, constitué de jardins en terrasse et d’un
large escalier. Au sommet de la Cascade trône un monument
célébrant l’Arménie soviétique. À l’intérieur de la cascade, une
succession de galeries d’« art » (d’art moderne, donc). D’autres « œuvres » d’art moderne sont exposées sur les terrasses du monument,
ainsi que dans le jardin situé devant. Certaines de façon permanente,
d’autres dans le cadre d’expositions temporaires.
Parmi ces créations qui ont enthousiasmé mes compagnons de voyage,
cette élucubration du « sculpteur » colombien Botero. Que vient faire ce
Colombien en Arménie, il n’y a apparemment que moi pour me poser la
question. Je dois confesser que je n’avais jamais entendu parler de
Botero avant ce voyage, mais j’ai pu combler cet inqualifiable manque
lors de mon séjour en Colombie six mois plus tard. J’ai ainsi pu
constater combien ce producteur d’étrons jouit de l’inqualifiable
privilège de souiller les plus belles villes du monde de ses collections
de laiderons dénudés, le tout dans l’enthousiasme unanime de la
bobocratie cosmopolite (à défaut du mien). J’ai notamment en mémoire la
très belle église Saint-Domingue de Carthagène des Indes, littéralement
souillée par un Botero placé devant et que mes compagnons déculturés
photographiaient pourtant à la queue leu leu tels des Japonais devant la
Joconde.
On objectera que la cascade d’Erevan n’est pas le centre de
Carthagène et qu’il n’y avait ici pas grand chose à gâcher. Mais
n’empêche.
Continuons avec l’art moderne avec un extrait choisi des objets
exposés dans la Cascade. Avec entre autres débilités, ce feu rouge dont
la valeur paraît-il vient du fait que ses trois lampes sont
allumées en même temps. Ou ces ridicules bijoux en toc tournant autour
de leur mât (je vous épargne la vidéo). Autrefois les artistes
talentueux ne pouvaient réussir sans relations. C’est un fait. Sauf que
dorénavant les relations sont tout et le talent évanescent, et tout
le monde trouve cela normal.
La visite de la Cascade offre toutefois un (unique) intérêt : la vue
sur Erevan qu’offre sa terrasse. La voici, la photo pourra confirmer le
fait qu’Erevan n’est pas une bien belle ville. Il manque quelque chose
sur la photo : la vue sur le mont Ararat qui normalement se dresse en
plein milieu. Pourtant, un visiteur attentif aura remarqué un presque imperceptible
nuage dans le ciel, au milieu du cliché. En fait ce nuage n’en est pas
un, il s’agit bien de la calotte glaciaire du volcan ! La brume de la
saison estivale nous aura malheureusement empêchés de véritablement
apercevoir le mont Ararat, y compris lorsque nous nous trouverons au
plus près, au monastère de Khor Virap.
(En seconde position, une version outrageusement retouchée de la même
image, sur laquelle on peut deviner le profil complet du volcan, avec
même sur la gauche le petit Ararat).
À côté de la cascade, un musée (que nous n’avons pas visité) est
consacré au chanteur franco-arménien Charles Aznavour. Encore en vie à
l’époque de mon voyage (il est décédé le 1er octobre 2018),
Charles Aznavour était une véritable icône dans le pays. Il venait à
Erevan chaque année et avait fait baptiser sa petite-fille au monastère
de Tatev, dans le sud du pays (nous visiterons ce monastère quelques
jours plus tard).
Nous nous sommes ensuite dirigés à pied vers le centre d’Erevan.
Ci-dessous la place de France, où trône une statue de Rodin offerte par
Sarkozy.
Ensuite, la place de la Liberté, haut lieu de contestation
anti-soviétique au moment de l’Indépendance. S’y dresse l’Opéra avec en
devant, une statie d’Aram Khatchatourian (Արամ Խաչատրյան) (1903-1978), qui est LE compositeur classique arménien. Il a composé un tube, la Danse du sabre (Սուսերով Պար) extraite de l’opéra Gayaneh. Je me suis empressé de l’écouter sur Youtube à mon retour.
Je vous aurais bien mis un lien en streaming vers la fameuse Danse du sabre, mais la Stas… pardon, le CSA risque de me tomber dessus !
Le Lac des Cygnes
d’Erevan (ainsi nommé, bien sûr, en référence à l’œuvre de
Tchaïkovski), qui se trouve derrière l’Opéra, prend la forme du lac
Sevan, l’unique lac important du territoire arménien et jouant le rôle
de mer intérieure (nous en longerons les rives quelques jours plus
tard). L’hiver, ce lac urbain est gelé et sert de patinoire.
Voici maintenant quelques immeubles anciens du centre d’Erevan. Ils datent en général de la période tsariste (XIXe
siècle), et certains d’entre eux sont particulièrement délabrés. Un loi
interdit dorénavant de détruire entièrement des bâtiments anciens,
toute rénovation devant conserver leur façade (comme cela se faisait pas
mal à une certaine époque à Paris, notamment sous l’ère Chirac/Tibéri,
cela me semble un peu passé de mode mais je me fais peut-être des
illusions).
Nous avons ensuite (re)gagné la place de la République, évitant la
rue Abovian (les Champs-Élysées) d’Erevan pour d’autres rues plus
typiques.
C’est sur la place de la République que nous attendait le gros
morceau de la visite d’Erevan : le musée historique (les photos étant
interdites à l’intérieur, j’ai essayer de trouver des photos sur
Internet). La visite, très dense, a duré 2h, assurée par une guide
francophone spécialisée, plus âgée que Georges. Elle a commencé par un
aperçu géographique de la région où se trouve l’Arménie. Caractérisée
notamment par la présence de trois grands lacs, dans l’ordre décroissant
par la taille ceux de Van, d’Ourmia et Sevan, tous emblématiques de
l’Arménie historique mais dont seul le troisième se trouve toujours en Arménie
(les autres étant aujourd’hui respectivement en Turquie et en Iran).
Région également caractérisée par trois grands volcans, l’Ararat (5165
m), le Sipan (4058 m) (?) et enfin le mont Aragats (4095 m), point
culminant de l’Arménie actuelle.
Nous avons eu droit ensuite à un aperçu de l’histoire de l’Arménie,
pays qui lors de son apogée, au cours du règne de Tigrade II, s’étendait
jusqu’à la Méditerranée, incluant une bonne partie de l’actuelle Syrie.
L’Arménie connut une brève domination romaine au début du 1er millénaire, sous le règne de Néron. Pratiquant historiquement le culte de Mithra, le pays fut le premier christianisé, au 3e
siècle après J.-C. (conversion du roi Tiridate IV par Grégoire
l’Illuminateur). Vers l’an Mil, des Arméniens se sont établis sur les
rives de la Méditerranée, en Cilicie (sur l’actuel territoire turc
autour de la ville d’Adana) où exista pendant quelques siècles le
royaume arménien de Cilicie. On peut aussi évoquer l’invasion de
l’Arménie par les Mongols (13e s.) puis par les hordes de Tamerlan (14e s.).
La période moderne se caractérisa par la domination ottomane (16e
s.), puis russe à partir de 1813 en ce qui concerne l’Arménie
orientale. On évoquera bien évidemment le génocide arménien de 1915,
perpétré par les Ottomans dans l’Arménie occidentale et au cours duquel
périrent plusieurs centaines de milliers de personnes. À ce propos et
selon notre guide Georges, la plupart des Arméniens sont aujourd’hui
convaincus que la véritable finalité de ce génocide était la création
d’une grande Turquie allant d’İstanbul à l’Asie centrale en passant par
l’Azerbaïdjan actuel, et auquel le seul obstacle était constitué par la
présence de l’Arménie qu’il convenait donc d’éliminer.
Peu après cet épisode tragique, l’Arménie orientale connut une très
brève période d’indépendance (1918-1921) avant d’être de nouveau envahie
par les troupes soviétiques. Et ce, jusqu’à l’indépendance en 1991. Il
est à noter que c’est l’URSS qui a fait cadeau aux Turcs du mont Ararat,
au grand dam des Arméniens pour qui cette montagne est sacrée.
De nombreux objets sont présents dans ce musée, dont notre guide nous
a fait une description plus ou moins détaillée mais dont j’ai peu
retenu de chose, l’interdiction de prendre des clichés étant en cela
assez pénalisante. L’un des plus emblématiques est la « plus vieille
sandale de l’humanité » (5500 ans), découverte en 2008 dans la grotte
d’Areni-1 près d’Eghegnazor, que nous aurons la possibilité de visiter quelques jours plus tard.
J’ai par ailleurs retenu la maquette du site archéologique d’Ani
(Անի), l’ancienne capitale arménienne (autour de l’an mil), cité depuis
bien longtemps abandonnée et qui se trouve actuellement en Turquie (tout
proche de la frontière arménienne). Le site contient actuellement les
ruines de plusieurs églises, dont une cathédrale. Notre guide Georges
avait pu la visiter, s’étant rendu en Turquie en passant par la Géorgie
puisque la frontière turco-arménienne est fermée.
Sortant du musée climatisé, nous avons pleinement ressenti la chaleur
à cette heure maximale ! Pourtant, Erevan est à 1000 m d’altitude
environ. Nous sommes allés déjeuner dans un très bon restaurant (le
meilleur que nous trouverons en Arménie) où l’on nous a servi, entre
autres, un plat à base d’écrevisses (le guide nous fait deviner de quoi
il s’agissait, ce à quoi nous ne sommes pas parvenus).
Après le déjeuner nous attendait une dernière petite visite avant de
quitter Erevan : celle de l’atelier d’un sculpteur de khatchkar (խաչքար,
pierre à croix ; on prononce quelque chose comme « ratchkar » ).
Emblématiques de l’art religieux arménien, les khatchkars sont des
pierres de tuf rectangulaires, d’environ deux mètres de haut pour un de
large, sculptés d’un coté avec un motif comportant une croix. Il
n’existe pas deux khatchkars identiques dans toutes l’Arménie, seule est
autorisée la reproduction de khatchkars détruits. Les khatchkars sont
dressés (face sculptée vers l’ouest) et sont utilisés soit comme pierres
tombales (pour les notables ou les personnes ayant les moyens de s’en
payer un), soit hors des cimetières pour commémorer un évènement
particulier. Beaucoup des khatchkars que l’on trouve en Arménie sont
anciens, mais l’art est perpétué de nos jours. L’atelier que nous avons
visité donnait directement sur une rue dont beaucoup de maisons sont en
ruines. Le sculpteur a un peu travaillé un peu devant nous, d’autres
khatchkars prêts à être livrés étaient posés sur la benne d’un pick-up garé à côté.
Quittant (définitivement, donc) la ville d’Erevan, moins embouteillée
qu’on aurait plus le craindre, nous sommes partis en direction des
montagnes à l’est la ville pour visiter un monastère, celui de Géghard
(Գեղարդ). Ce monastère en partie troglodyte, aussi appelé Sainte-Lance
de Geghard et classé à l’Unesco, date du XIIIe siècle.
Situé dans la haute vallée de la rivière Azat (Ազատ), dans une zone
montagneuse remarquable, ce monastère est très fréquenté le week-end par
les habitants d’Erevan, qui y viennent tant pour des dévotions que pour
pique-niquer ou se baigner dans la rivière (nous ne serons donc pas
seuls, étant donné que c’est dimanche).
La photo ci-dessus est la seule que j’ai pu prendre du monastère
ensoleillé. Car ensuite, les explications de Georges à propos de ce
monument ont été tellement fournies que le soleil était depuis longtemps
passé derrière la falaise quand nous sommes ressortis. Après une
présentation générale de l’église autocéphale arménienne, Georges a
enchaîné sur l’architecture générale des édifices religieux arméniens. À
l’entrée de l’église une salle spécifique, le gavit (Կավիտ), sorte de
narthex où pouvaient entrer les non baptisés pour écouter la messe. À
l’intérieur des églises il n’y a pas de chaises. L’autel est surélevé et
seul le prêtre a le droit d’accéder au fond de l’église. Un rideau
(dont la présence indique si l’église est toujours en usage) est fermé
pendant une partie des cérémonies ainsi que pendant tout le carême.
Le monastère de Géghard affirme avoir détenu des reliques, un morceau de l’arche de Noé ainsi que la Sainte-Lance. C’est aussi dans ce lieu qu’aurait été conçue l’écriture arménienne au Ve
siècle. L’édifice a été plusieurs fois endommagé au cours de son
histoire, notamment par Gengis Khan puis Tamerlan, ainsi que par
plusieurs tremblements de terre. Originalité du lieu, certaines salles
sont directement creusées dans la roche. On trouve à l’intérieur d’une
de ces salles, une source sacrée, autour de laquelle se pressent les
fidèles.
Il était tard quand nous avons achevé cette visite, au point que la
visite du temple païen de Garni, normalement prévue dans la foulée, a
été repoussée au lendemain. Nous nous sommes tout de suite rendus dans
notre gîte, la grande maison d’une famille arménienne dont plusieurs
personnes (y compris la fillette de douze ans) parlaient le français.
Avant le dîner, nous avons assisté à la préparation par les femmes de la
maison du « lavash (լավաշ) », le pain plat oriental que l’on trouve sur
toutes les tables arméniennes. La cuisson, par application sur les
parois d’un four circulaire en terre au fond duquel sont disposées des
braises, nécessite à n’en pas douter un tour de main (tant pour ne pas
se brûler que pour éviter que la galette ne se décolle !).
Néanmoins, on se lasse assez vite du lavash quand on en a à chaque
repas (sans compter les sandwichs des pique-niques), et le pain géorgien
nous a finalement semblé bien meilleur.
La seconde journée du voyage a débuté par une (petite) randonnée dans
les gorges de la rivière Azat, remarquable par la présence d’une grande
quantité d’orgues basaltiques.
Dans la vallée, des installations de pisciculture (qui nous avaient
valu le poisson au dîner hier soir) ; et aussi, une propriété
appartement à la compagnie française Véolia que nous avons traversée
sans aucune gêne.
La randonnée s’est terminée au temple païen de Garni, dominant
fièrement la vallée depuis le promontoire sur lequel il est juché et vers
lequel il a fallu remonter. Ce promontoire constitue d’ailleurs une
forteresse naturelle, accessible uniquement par un côté qui a été
fortifié par des remparts.
Le temple de Garni est un temple hellénistique dédié au culte de
Mithra. C’est le seul temple païen conservé en Arménie (les autres ayant
été rasés au début du christianisme) ; fortement endommagé par un
tremblement de terre au XVIIIe siècle, il fut (outrageusement) restauré à
l’époque soviétique. (Notons que les Soviétiques ont non seulement
négligé de restaurer l’église voisine, mais ils en ont sciemment fait
disparaître les pierres en prétendant aux villageois qu’elles avaient
été volées).
Notre guide nous a fourni des explications détaillées sur le culte de
Mithra, une religion monothéiste qui s’était répandue dans tout
l’empire romain et qui a failli supplanter le christianisme. Selon notre
guide c’était en fait le soleil qui était adoré à travers le dieu
Mithra. Parmi les symboles du mithraïsme, on trouve le terrassement du
taureau par le dieu Mithra ; et la présence de trois animaux considérés
comme maléfiques, le chien, le scorpion et le serpent.
Il y avait beaucoup de monde sur ce site, comme mes photos ne
l’indiquent pas (je me fixe toujours le défi en pareil cas de
photographier les monuments sans personne).
Nous avons ensuite repris la route en direction du monastère de Khor
Virap, ce qui nous a amenés à repasser par la banlieue (sud-est)
d’Erevan. On remarque beaucoup d’usines abandonnées dans ce secteur, qui
furent fermées à la fin de l’ère soviétique. À l’époque de l’URSS, ces
usines produisaient pour l’Union soviétique tout entière. Le guide nous
raconte le drame des ces bataillons d’ingénieurs, formés à l’école
polytechnique d’Erevan
et qui se trouvèrent sans emploi du jour au lendemain. Beaucoup
travaillent aujourd’hui comme chauffeurs de taxi (les rares ingénieurs
dont on pouvait avoir encore besoin étant tenus de maîtriser l’anglais
et l’informatique). Un drame dont je crains toujours qu’il nous pende
nez aussi en France, une fois que la bulle de la dette publique aura
éclaté ou alors que la chienlit venant des banlieues aura définitivement submergé le pays.
Emblématique de l’Arménie, le monastère de Khor Virap (Խոր Վիրապ) est
situé à quelques kilomètres seulement de la frontière turque. Il est
en outre dominé par la majestueuse silhouette du mont Ararat. Silhouette
qui se trouve aujourd’hui à peine visible, masquée par une forte brume
de chaleur, et dont j’ai tout de même essayé de prendre quelques photos
en m’aidant du filtre polarisant.
Comme je l’ai expliqué plus haut, le mont Ararat, montagne sacrée des
Arméniens (la région d’Arménie où nous nous trouvons s’appelle
d’ailleurs l’Ararat), a été livré aux Turcs par les Bolcheviques au
moment du traité de Kars en 1921 (notons que les rares Arméniens
restés en Arménie occidentale, à l’instar de ceux de la région
pontique ou de Cilicie, ont été obligés d’adopter la langue turque et de
se convertir à l’islam). La frontière est dorénavant marquée par le
fleuve Araxe (Երասխ), laquelle prend sa source en Turquie et se jette
dans la mer Caspienne (en Azerbaïdjan, dans un delta commun avec la
Koura ou Mt’kvari (მტკვარი), le grand fleuve géorgien). On rappelle que
cette frontière est fermée depuis la guerre du Haut-Karabagh. Du
monastère, il est possible d’apercevoir quelques villages turcs (en
fait, kurdes) avec leurs minarets. Le mont Ararat (Մասիս, en turc Ağrı
Dağı, altitude 5165 m) est un stratovolcan recouvert de glaciers et de
neiges éternelles, bien que la taille de cette calotte diminue d’année
en année. Le volcan quoique endormi a connu une petite éruption en 1840.
Au sud de l’Ararat on peut aussi apercevoir un cône secondaire, appelé
Petit Ararat (Փոքր Արարատ, 3925 m).
L’histoire du monastère de Khor Virap nous ramène au IVe
siècle avec Grégoire l’Illuminateur (Գրիգոր Ա Լուսաւորիչ). Au début
conseiller influent du roi païen Tiridate IV d’Arménie, il se convertit
au christianisme ce qui lui valut la perte de confiance du roi, lequel
le jeta aux oubliettes où il resta 13 ans. Le roi ayant par la suite
martyrisé et tué deux vierges chrétiennes venues de Rome (Gayané et
Hripsimé), il tomba soudain malade. Nul médecin ne parvenait à le
guérir. Il apparut alors que Grégoire était la seule personne en mesure
de guérir le roi. Tiré de sa fosse, celui-ci exécuta le miracle, ce qui
entraîna la conversion du roi Tiridate et à sa suite de toute l’Arménie,
premier pays chrétien de l’histoire. Grégoire devint le premier
Catholicos de l’église d’Arménie.
La visite du monastère inclut l’église (dotée d’un gavit ainsi que
d’une coupole à tambour octogonal), mais aussi celle de la fosse où
fut enfermé Grégoire : il faut descendre par une échelle un peu
vertigineuse. Plusieurs moines vivent encore de nos jours dans ce
monastère.
Après la visite, nous avons repris la route vers le sud, laquelle
longe pendant encore quelques kilomètres la vallée du fleuve Araxe et la
frontière turque. Mais la route oblique rapidement vers l’est en
direction des montagnes, du fait de la présence du Nakhitchevan, exclave
azérie coincée entre l’Arménie et l’Iran (mais isolée du reste de
l’Azerbaïdjan). Autrefois peuplée d’Arméniens, cette zone fut concédée
par Staline aux Azéris de sorte qu’il n’y vit plus un seul Arménien de
nos jours. La frontière entre l’Arménie et le Nakhitchevan est fermée,
et la voie ferrée (qui emprunte la vallée de l’Araxe et qui
permettait de communiquer avec l’Iran) et de ce fait inutilisable. Lors
de la guerre du Haut-Karabagh en 1993, les agences de presse
occidentales racontaient que le Nakhitchevan était resté en dehors du
conflit. En réalité, des tireurs d’élite azéris, postés sur les collines
du Nakhitchevan, tiraient sur les véhicules circulant sur la route
(celle que nous empruntons aujourd’hui), laquelle route constitue la
principale voie de communication depuis Erevan avec le sud de
l’Arménie et avec l’Iran. D’où la construction par l’Arménie d’un talus
protecteur toujours visible, ainsi que de guérites aujourd’hui
abandonnées.
Il est prévu aujourd’hui une seconde randonnée dans les montagnes
arides, dans le secteur du village d’Areni (Արենի) et en direction du
monastère de Noravank (Նորավանք). Une randonnée in fine
assez brève, mais il est possible que notre guide l’ait écourtée en
raison de notre retard sur le programme. Notons que là aussi, nous
sommes en vue du Nakhitchevan dont les barbelés sont visibles sur
certaines crêtes. Le sentier que nous suivons constituait la principale
voie d’accès au monastère avant que les Soviétiques ne construisent une
route au fond du cañon (gorge de la rivière Amaghou, Ամաղու). L’endroit
est très sec, on nous dit de prendre garde aux serpents (parfois très
venimeux) mais nous n’en verrons pas.
L’aiguille naturelle que j’ai photographiée à droite se dresse à une
trentaine de mètres en contrebas du sentier. La tradition pour les
pèlerins était de tenter de l’atteindre avec des petits cailloux en
faisant un vœu. Nos deux guides (Georges et le guide local) s’y sont
exercés sans y parvenir. Ci-dessous, le monastère tel que nous avons pu
l’apercevoir à la fin de la randonnée.
Le monastère de Novarank est constitué de deux églises datant des XIIIe et XIVe
siècles. La plus remarquable des deux est l’église secondaire,
Sainte-Mère-de-Dieu (Sourp Astvatsatsin) dont l’architecture à deux
niveaux est très originale. Le niveau supérieur s’atteint par un
escalier fort étroit dépourvu de barrière de protection : il y avait
paraît-il une ou deux chutes par an avant que ne soit installée une
rampe. Je concède que je n’ai pas eu le courage d’escalader cet
escalier, ce qu’a fait une petite moitié du groupe. La salle inférieure
est en fait le caveau funéraire d’un notable des environs. Cette église
est aussi orientée différemment, oblique par rapport à la direction
usuelle en Arménie qui est l’est.
L’église principale du site, Saint-Jean-le-Précurseur (Sourp
Karapet), est quant-à-elle dotée d’un gavit. On notera aussi la présence
de tombes à l’intérieur, disposées de telle sorte qu’il est impossible
de ne pas les piétiner.
Cette journée particulièrement chargée n’était pas encore achevée :
il nous restait encore à visiter la grotte d’Areni-1, celle où fut
trouvée la fameuse sandale préhistorique. Cette
grotte naturelle creusée dans le calcaire est asséchée depuis plusieurs
siècles ce qui explique la bonne conservation des objets préhistoriques.
Les fouilles, commencées il y a une dizaine d’années, sont toujours en
cours (d’autres grottes ont par ailleurs été repérées dans la vallée qui
seront fouillées ultérieurement). On accède à la grotte après une courte ascension, et il y a plusieurs salles à l’intérieur.
La sandale a été découverte à l’entrée de la grotte. Dans les salles
intérieures, on a surtout trouvé des restes de vinification qui
remontent à 6000 ans : ce serait là l’origine de la fabrication du
vin (à rapporter aux feuilles de vigne qu’aurait trouvées Noé en
descendant du mont Ararat).
Nous avons ensuite gagné notre chambre d’hôtes à Eghegnazor
(Եղեգնաձոր), où nos hôtes avaient organisé une dégustation de vin à laquelle je n’ai pas assisté. Le
ciel s’est couvert pendant la soirée, et à la fin du repas, a éclaté un orage
accompagné d’une très forte averse de grêle. Fort heureusement,
le temps sera rétabli le lendemain matin.
Nous avons effectué le lendemain une assez longue et belle randonnée
jusqu’à l’église isolée de Spitakavor (Սպիտակավոր) ; une randonnée en
boucle avec une montée par les vallées et une descente par les crêtes.
On arrive assez rapidement à une gorge avec, sur plusieurs centaines de
mètres, un sentier taillé dans la paroi. Un rumeur circule comme quoi
une riche famille arménienne aurait enterré un trésor dans le secteur,
mais personne n’a jamais rien trouvé.
Nous passons par une petite bergerie isolée habitée par un couple
âgé, après quoi la montée s’accentue (il y a 600 m de dénivelé pour
arriver jusqu’à l’église).
Puis nous approchons progressivement de l’église.
L’église de Spitakavor date du XIVe s. Une partie de son toit à disparu à la suite d’un séisme, et l’édifice a été restauré à l’époque soviétique.
Une particularité remarquable du site est la présence de la tombe de
Garéguine Njdeh (Գարեգին Նժդեհ) (1886-1955), opposant arménien au régime
soviétique. Njdeh avait fondé en 1921 une république sécessionniste,
l’Arménie montagnarde (Հայերեն Հանրապետություն լեռնային) (capitale :
Goris). Cette république dura quelque mois à peine avant d’être écrasée
par l’Armée Rouge. Njdeh vécut ensuite en exil mais finit par être
arrêté par le KGB pour finir sa vie au goulag. Le rapatriement de son
corps par des patriotes arméniens se fit dans des conditions
rocambolesques (en soudoyant le gardien du goulag). Le catholicos
de l’église d’Arménie (lequel ne brillait sans doute pas par son
courage…) refusa pendant plusieurs années d’inhumer le corps près
d’une église, craignant la réaction des autorités soviétiques. Une
inhumation secrète dans ce lieu isolé eut finalement lieu en
1983.
Quelques photos de l’itinéraire de retour par les crêtes, lequel
aurait été plus facile sans le décollage inopiné de ma chaussure
(j’avais déjà eu un problème similaire il y a quelques années,
au cours d’une randonnée dans l’Allier). Heureusement, j’avais
aujourd’hui emporté des sandales en prévision d’un hypothétique torrent,
lesquelles me seront très utiles pour terminer la randonnée. Pour ce
qui est des autres balades du voyage (y compris dans le Grand Caucase),
des tennis feront finalement l’affaire.
Nous avons terminé très tard cette balade, bien plus tard que l’horaire
prévu. Mais il nous restait encore une longue route à faire jusqu’à
Goris dans le sud de l’Arménie, entrecoupée d’une visite ! Dans tout ce
voyage nous aurons couru après le temps, probablement en raison du
rythme de marche du groupe. Pendant le transfert, nous avons tout
d’abord franchi le col de Sissian (Սիսիան), 2346 m. Le col est marqué
d’un monument de style soviétique ; il y a aussi une source aux
propriétés paraît-il bénéfiques (soit-dit en
passant, une source qui jaillit sur un col cela ne paraît pas très naturel). De nombreux camions iraniens font
halte à cet endroit : les échanges entre l’Iran et l’Arménie sont assez
importants, rappelons qu’il s’agit de l’une des deux seules frontières de
l’Arménie qui soit ouverte.
Le col de Sissian donne accès au Syunik (Սյունիք), la région
sud de l’Arménie, frontalière de l’Iran mais aussi du Haut-Karabagh.
Le climat du Syunik est plus tempéré et le paysage plus verdoyant que
le reste de l’Arménie (ces collines me faisaient un peu penser à la
Mongolie). Notre guide a évoqué ce qu’étaient pendant la période
soviétique et dans cette région, les kolkhoses et les sovkhoses ; mais
j’ai trouvé ses explications un peu confuses.
Nous avons effectué une assez longue halte au site mégalithique de
Karahundj (Քարահունջ), aussi appelé Zorats Karer (Զորաց Քարեր). Il
s’agit d’un ensemble de pierres dressées alignées, s’organisant autour
d’un massif qui rappelle un peu les tumulus bretons avec un dolmen au
centre. Néanmoins, il ne semble pas qu’ils s’agisse d’un ensemble
funéraire.
Le fait que certaines pierres soient percées (et que l’alignement des
trous ait une inclinaison proche de la latitude du lieu) a un temps
orienté les chercheurs vers une piste astronomique. Ce serait à partir
de l’alignement de ces trous et la conjonction avec celui de certains
astres qu’on ait pu dater le site, entre 6000 et 8000 ans. La boutique
touristique de Karahundj vend un ouvrage rédigé en russe étayant cette
théorie, Georges qui n’était guère scientifique a dit l’avoir lu mais
n’avoir rien compris. Il semblerait du reste que ces théories datant de
l’ère soviétique, soient maintenant remises en cause.
C’est finalement à Goris (Գորիս) que nous avons passé la nuit dans un
« hôtel de charme ». Aux confins du Haut-Karabagh, Goris est située
dans un site naturel remarquable d’origine volcanique, parsemé de
cheminées de fées où sont percées des cavités troglodytes, donnant au
lieu le surnom de « Cappadoce arménienne ». Il est regrettable
malheureusement, que la visite de la Cappadoce arménienne n’ait pas été
au programme de notre voyage. Nous nous sommes donc ce soir d’une vue
d’ensemble de la ville (l’heure était très tardive et la lumière très
basse, j’ai donc fait ce que j’ai pu).
Nous avons (presque) exclusivement consacré la journée suivante au
plus célèbre monastère d’Arménie et à ses environs : le monastère de
Tatev (Տաթեվ, prononcer Tatief) ; monastère dont la silhouette était d’ailleurs peinte à l’arrière de
notre minibus. Nous avons donc procédé à la visite de l’édifice mais aussi
à une longue descente pédestre dans le très spectaculaire cañon de la
rivière Vorotan (Որոտան) au-dessus duquel est bâti le monastère. Le
monastère est normalement accessible par une route en terre, mais il
semble bien que notre véhicule qui n’était pas 4×4, n’était pas en
mesure de l’emprunter. Aussi notre guide a-t-il réussi à nous convaincre
d’utiliser à l’aller et moyennant un supplément, le tout nouveau
téléphérique qui permet de gagner en quelques minutes le monastère
depuis la rive opposée du cañon. Ce téléphérique, d’une longueur de 5,7
km, est présenté comme le plus long du monde. Il a été mis en service en
2010 et est de conception helvétique.
Nous avons attendu la benne quelque temps ce qui ne nous a pas mis en
avance. La vue sur la vallée depuis le téléphérique est néanmoins très
spectaculaire (on aperçoit notamment une tour de guet placée sur un
promontoire, puis l’ermitage de Tatev construit au fond du cañon et
enfin le site naturel du pont du Diable). Évidemment, la prise de vue à
travers les vitres n’est pas idéale. La benne passe à 260 m au-dessus du fond du cañon.
Une fois arrivés, et avant d’entamer la visite, notre guide nous a
proposé de marcher quelque temps sur la route en terre afin d’admirer la
vue sur le monastère. Une idée pas mauvaise sur le fond mais qui nous a
de nouveau coûté un temps non négligeable. D’autant que la vue était
gâchée par un élément regrettable : la restauration en cours de l’église
de Sainte-Marie (bâtie sur les fortifications), toute bâchée en blanc
ce qui jurait avec les autres monuments. (C’est pourquoi à
l’exception d’une seule, mes photos coupent toutes l’église
Sainte-Marie.
Bâti sur un promontoire qui constitue une défense naturelle, le
monastère est fortifié sur le quatrième côté. On trouve sur ces
fortifications des meurtrières et des mâchicoulis (bien que remise en
cause en Occident, la théorie des jets d’huile bouillante a toujours
cours ici car l’huile était très abondante : cf plus bas le pressoir).
Le monastère date du 14e siècle, il a aussi abrité en ses
murs une université, attirant et faisant vivre à son apogée des
centaines de personnes. Il fut (naturellement) déserté à soviétique.
Le monastère a souffert d’un grave tremblement de terre en 1931. En
particulier, le clocher qui surmontait l’entrée de l’église principale
(l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul) s’est écroulé, de même que le dôme
de cette église. La restauration entreprise par les Soviétiques s’est
éternisée (elle n’est donc pas terminée), et le clocher n’a jamais été
reconstruit.
Quelques moines se sont réinstallés dans ce monastère depuis quelques
années, après autorisation des autorités ecclésiastiques. Ces moines
sont très stricts quant à la tenue des visiteurs, les femmes doivent
revêtir une toile (disponible à l’entrée) par-dessus leur pantalon en
guise de jupe, et un foulard sur leur tête. Les hommes venant en bermuda
sont aussi sommés de rectifier leur tenue, pour un résultat frisant
parfois le ridicule…
À côté de l’église principale, on trouve une église plus petite
(Saint-Grégoire). Autre élément remarquable du monastère, la tour
Gavazan (colonne pendulaire), haute de 8 mètres ; le déplacement de son
sommet en cas de mouvement tellurique, facilement détectable,
constituait un utile avertisseur, tant de l’imminence d’un séisme que de
celle d’une attaque, puisque la plupart des envahisseurs arrivaient à
cheval.
Nous avons également (et longuement) visité les monuments annexes :
logements des moines, garde-manger, réfectoire (comme dans les
monastères en Occident des psaumes étaient lus à haute voix pendant les
repas), les écuries. Pour terminer, à l’extérieur des fortifications,
l’ancienne meule et le pressoir à huile.
Bien que mue par des animaux, cette meule me fait penser au début de l’acte 3 de l’opéra Samson et Dalila.
La visite avait duré plus longtemps que prévu : pourtant la journée
était loin d’être terminée. Avant d’entamer la randonnée, nous avons
déjeuné (notre pique-nique) dans un établissement de restauration situé
non loin du monastère. La marche ensuite (accompagnée comme d’habitude
par un guide local en plus de Georges) consistait à descendre au fond du
cañon de Vorotan par un sentier en lacet. Particularité de cet
itinéraire, il est situé sous les câbles du téléphérique. Si le passage
de la benne est silencieux, les petites roues soutenant le câble
tracteur produisent un très léger grésillement dont on a un temps
l’impression qu’ils proviennent d’une hypothétique nuée d’insectes. Nous
avons rencontré plusieurs personnes au cours de cette descente,
notamment des touristes tchèques.
Au fond de la vallée se trouve un ermitage du XVIIIe
siècle, qui lui aussi est de nouveau occupé depuis quelques années par
un moine qui y vit seul (Il monte chaque semaine au monastère pour
assister à la messe, et retourne voir sa famille deux fois par ans). Les
bâtiments de l’ermitage, qui incluent une église aujourd’hui
désaffectée, étaient à l’époque habités par plusieurs dizaines de moines
(l’ermitage n’en est donc pas vraiment un). Fait remarquable, chaque
cellule de moine était équipée d’une cheminée, il faut dire que les hivers sont rudes en Arménie.
Nous avons terminé la randonnée, d’abord en longeant le fond du cañon pour traverser (facilement) la rivière, puis en remontant jusqu’à la route.
La balade s’achevait au site naturel du pont du Diable, une passage
où la rivière
est souterraine sur une centaine de mètres, et ce bien que la roche soit
de nature volcanique et non karstique. L’endroit est très fréquenté
(surtout par des Arméniens). Nous sommes allés voir cela de plus près,
il y avait des sources chaudes où des gens se baignaient mais ça ne
faisait pas trop envie. Il était également possible de descendre
jusqu’au torrent, en particulier pour se baigner, mais au
prix d’acrobaties qui ne sont plus de mon âge ni de celui des autres participants.
Deux ultimes photos du site prises depuis le minibus. Avec en
particulier la tour de guet que nous avions aperçue plus tôt depuis le
téléphérique.
Pourtant, une longue étape restait encore à parcourir. en minibus,
alors que la journée était déjà très avancée. De fait, nous devions
refaire dans l’autre sens l’intégralité de l’étape de la veille, puis poursuivre au-delà
d’Eghegnazor où nous avions dormi l’avant-veille. Nous avons par
ailleurs trouvé la conduite de notre chauffeur un peu rapide, voire
dangereuse (nonobstant la présence de vaches sur la route). Nous sommes
arrivés à notre hébergement à la nuit tombée. Ce dernier se trouvait à
Hermon (Հերմոն) dans une sorte de village de vacances dont la conception
me paraissait fort soviétique même si notre guide Georges a affirmé le
contraire. L’établissement proposait un certain nombre d’équipements de
loisirs (piscine, terrains de sport, dancing) dont nous n’aurions
nullement le temps de profiter. Le tout pour des chambres exiguës et
fort mal conçues, et un réfectoire rappelant davantage une (mauvaise)
cantine d’entreprise qu’un lieu gastronomique. Petit plus un peu
original tout de même, l’a possibilité offerte d’observer la lune à
travers une lunette astronomique ; mais il n’y avait que moi dans le
groupe que le sujet intéressait un tantinet.
Encore une journée très chargée le lendemain, mais nous avons perdu
une heure d’entrée de jeu, grâce aux talents du chauffeur qui a oublié
le pique-nique et ne s’en est aperçu qu’au bout d’une demi-heure de
route. Nous avons fait demi-tour, ce qui nous a in fine coûté
l’ascension du volcan éteint Armaghan car les nuages avaient monté entre temps.
Nous avons effectué une première halte au caravansérail de Sélim
(Օրբելյանների Քարվանսարա), situé sur la route du col éponyme. Ce
caravansérail arménien date du XIVe s. Il était situé
sur l’une des routes de la soie. Son architecture ne ressemble pas aux
caravansérails turcs que j’ai pu visiter en Turquie et en Ouzbékistan : le bâtiment est linéaire, il n’y a pas de cour. L’intérieur est fort
sombre, il y a une suite de stalles pour les chevaux et des pièces de
vie. Au fond, deux salles obscures étaient paraît-il le lieu d’activité
des filles de joie.
Un marchand de souvenirs ambulant se tenait près du caravansérail,
mais son véhicule m’a davantage intéressé que son étalage : une Jigouli
(Жигули) (Fiat) soviétique datant des années 1970.
Nous avons ensuite franchi le col et sommes rapidement arrivés dans
les parages du volcan Armaghan (Արմաղան լեռ) (2829 m). Cette région
reculée d’Arménie est habitée par une minorité, récemment sous les feux
de l’actualité en raison des exactions qu’elle a subies en Syrie et en
Irak : les yézidis. Les yézidis, qui vivent en marge de plusieurs pays
du Moyen-Orient (Arménie, Géorgie, Turquie, Irak, Iran), pratiquent une
religion qui ne relève ni du christianisme, ni de l’islam. Cette
religion monothéiste serait une survivance du mithraïsme auquel se
seraient mêlés des apports d’autres religions. La transmission de la
culture yézidie est essentiellement orale, et leur société est organisée
en castes. Et pour paraphraser la formule de Georges qui nous a fait
beaucoup rire, le mariage entre castes voire hors de la communauté
yézidie est « strictement découragé ».
Nous avons mis beaucoup de temps avant de démarrer l’ascension du
volcan, notamment parce que nous avons dû faire un détour par les rives
du lac Sevan (Martuni, Մարտունի) pour prendre le guide local chargé de
nous accompagner. Ce délai a permis aux nuages d’orage de monter, ce qui
n’avait pourtant pas l’air d’inquiéter outre mesure nos organisateurs,
tant que durait l’assez longue marche d’approche jusqu’au volcan.
Les choses ont véritablement commencé à se préciser quand nous avons
attaqué l’ascension. Nous avons pourtant continuer à monter jusqu’à
environ 150 m sous le sommet, avant que nos guides commencent à se poser
des questions. En fait le guide local souhaitait continuer (quitte à
aller s’abriter dans la chapelle construite au sommet) tandis que
Georges préférait faire demi-tour. Après une première halte dans un
précaire abri métallique (lequel n’assurait pas la moindre protection
contre la foudre !), nous avons amorcé la descente, face à la pente.
J’étais assez déçu de n’avoir pu mener à bien cette ascension.
C’est dans un endroit très étonnant que nous nous sommes finalement
abrités : un tunnel de lave formant une petite caverne, qui avait
paraît-il servi à l’organisation de réunions anti-bolcheviques. Nous y
avons attendu la fin de la pluie une petite demi-heure, en profitant
pour pique-niquer malgré l’inconfort et l’exiguïté du lieu.
Nous sommes repartis à la fin de la pluie, le temps était de nouveau
complètement dégagé quand nous avons regagné les véhicules ! De quoi
être véritablement écœuré.
La suite de notre itinéraire en véhicule au cours duquel nous avons
longé les rives du lac Sevan. Pour rappel le lac Sevan l’unique réserve
d’eau douce de l’Arménie, jouant le rôle de mer intérieur dans ce pays
dépourvu de débouché maritime. Il est situé à l’altitude de 1900
m, c’est d’après Georges le second lac d’altitude du monde après le
Titicaca. Mais le niveau de son eau a beaucoup baissé à l’ère soviétique
car le cours de son émissaire, le Hrazdan (Հրազդան), a été utilisée
pour la production hydroélectrique. Actuellement la baisse semble
jugulée et le niveau est même un peu remonté, grâce au redémarrage de la
centrale nucléaire de Metsamor.
La visite suivante était consacré au vaste cimetière de Noradouz
(Նորատուսի գերեզմանատուն). Il s’agit du plus vaste cimetière de khatchkars d’Arménie et maintenant du monde. La plupart de ces khatchkars sont historiques, les plus anciens remontant au IXe
siècle (mais on trouve aussi quelques tombes très récentes). Notre
guide nous expliqué en détail les décorations de certaines stèles parmi
les plus anciennes. Ces pierres sont toujours orientées vers
l’est. Le mort a les pieds au niveau du khatchkar de telle sorte qu’il regardera vers l’est lors de sa résurrection, d’où doit revenir le Christ. Sur les khatchkars
on voit toujours une croix, parfois Jésus, mais jamais le Christ sur la
croix (une telle représentation n’existe nulle part en Arménie, excepté
sur des icônes offertes par d’autres églises). Noradouz a été plusieurs
fois saccagé, notamment par les Mongols puis par Tamerlan. On peut voir
des Mongols sur certaines sculptures. Certaines stèles laissent aussi
deviner la profession de la personne qui est enterrée.
Il existait il y a encore peu de temps un cimetière de khatchkars
encore plus vaste et intéressant que celui-ci : le site de Djoulfa qui
était situé sur le territoire du Nakhitchevan, non loin de la frontière
iranienne. Ce site a été entièrement rasé par les Azéris en 2003 (sans
que nos indignocrates islamophiles de service n’en pipent le moindre
mot). La vidéo de cette exaction (pas encore censurée à ma connaissance)
peut être consultée sur youtube : https ://www.youtube.com/watch?v=_gdIDEgDKK4.
Encore quelques photos des rives du lac. Nous y avons même fait une
brève halte où certains (je devrais plutôt écrire certaines) se sont
trempés les pieds. Nous étions à proximité de la ville de Sevan. Le
monastère de Sevanavank (Սևանավանք), bâti sur une presqu’île du lac
qui était autrefois une île, n’était pas au programme de notre voyage.
Quittant les rives du lac, nous avons emprunté un tunnel de 2,5 km de long (le tunnel de Dilidjan)
nous a fait changer de région pour celle de Tavush (Տավուշ). Changement
de région, mais aussi changement radical de paysage, puisque nous avons
trouvé là un univers boisé, à mille lieues du cliché habituel de
l’Arménie. Le Tavush est parfois surnommé la Suisse arménienne, c’est
l’endroit préféré de la plupart des Arméniens mais pas nécessairement
des touristes (un genre de paysage pour nous un peu trop familier, on
pourrait se croire dans le Jura ou dans les Ardennes).
Après une nuit chez l’habitant à Dilidjan, nous avons effectué le
lendemain matin une randonnée sylvestre dans le parc national du même
nom. Je n’ai pas été subjugué par cette balade (exception faite de
l’arrivée en vue du monastère), d’autant que la route pour s’y rendre
était tellement mauvaise que c’est tout juste si notre bus a pu passer,
nonobstant les conséquences dont je parlerai plus tard. La balade,
démarrant d’un petit lac (le lac Parz, Պարզ լիճ) près duquel est
installé une accrobranche, s’élevait doucement en forêt jusqu’à franchir
un col. Cette fois-ci, je n’ai pas pu couper aux haltes botaniques.
Seul élément à retenir (à mon avis) dans ce registre, la présence de
berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum),
une plante à feuille large dont le contact est susceptible de brûler au
second degré. On trouvait aussi des champignons vénéneux.
Après le col, le paysage s’est éclairci. Nous sommes descendus sur
l’autre versant par des routes en terre, laissant apercevoir le
monastère de Gochavank dont la visite était ensuite programmée.
(Ci-dessus à droite, et bâti un peu en hauteur par rapport au
monastère — ce dernier également visible sur la photo — l’ermitage où
termina ses jours Mkhitar Goch (1120-1213) (Մխիթար Գոշ), le fondateur du
monastère. Goch était également un fabuliste qui a rédigé un
livre des Lois et un livre de fables à la manière d’Ésope.)
Endommagé par un séisme, le monastère de Gochavank est actuellement en restauration ; ce qui a valu l’installation de coupoles
en verre, au grand dam des habitants du village, auxquels on a fait
croire que cette installation était provisoire. (Soit dit en passant, je
donne ma main à couper que McRon médite le même genre de méfait pour Notre-Dame).
L’église principale du monastère s’appelle Sourp Astvatsatsin (« Sainte-Mère-de-Dieu »), elle est dotée d’un gavit.
Une partie de l’édifice a réutilisé a réutilisé un mur cyclopéen qui
datait de l’âge de fer (?), construit en blocs jointifs sans
mortier à la manière des murailles de Mycènes.
C’est après le déjeuner suivant la visite de ce monastère, que notre
groupe s’est scindé. L’un d’entre nous, Henri, ne partait pas en Géorgie.
Il a donc terminé sa visite de l’Arménie avec un chauffeur et un guide
pour lui tout seul. Je pense qu’en rentrant à Erevan il a visité
Etchmiadzin (Էջմիածին), le siège de l’église apostolique arménienne,
site classé à l’Unesco ; nous pas. C’est très certainement un manque, la
rançon de la Géorgie sans doute. Peut-être que je n’ai pas fait le bon
choix de visiter ces deux pays en un seul voyage.
Quant à nous, nous sommes tout d’abord retournés à Dilidjan pour en
visiter le vieux quartier. Visite semble-t-il prévue la veille mais
(pour ne rien changer) notre retard sur le planning nous en avait
empêchés. Il s’agit en fait d’un quartier reconstitué et aménagé
en boutiques de souvenirs. C’est joli, un peu bobo, touristique, mais
peu authentique à mon avis.
J’avoue que cette fausse colonnade gréco-romaine m’intrigue…
Nous avons ensuite pris la route de Gyumri (Գյումրի) la seconde ville
d’Arménie. En chemin, le guide nous a évoqué la minorité des Moloques
qui vit dans la région. Les Moloques sont une communauté religieuse
apparue en Russie sous le règne d’Ivan le terrible, adeptes d’une
lecture littérale de la Bible et en rupture avec l’église orthodoxe.
Persécutés sous Catherine II, ils furent obligés de s’exiler, pour
partie en Arménie. À l’instar
des Mennonites que j’ai pu voir au
Mexique, les Moloques refusent tout ce qui se réfère à la modernité : il
va donc sans dire que leur survie sous le régime communiste ne se fit
pas sans heurts. Les Moloques parlent russe, sont de type slave (blonds
aux yeux bleus) et se marient entre eux ; mais contrairement aux yézidis
leur société n’est pas divisée en castes. Notre guide a aussi évoqué
les Vieux-Croyants, encore plus rigoristes que les Moloques (ils sont
évoqués dans l’opéra de Moussorgski la Khovantchina), mais qui ne sont pas implantés en Arménie.
Un orage a soudainement éclaté alors que notre minibus était en train
de franchir le col séparant la vallée de Dilidjan de celle de Vanadzor.
Mais un malheur n’arrivant jamais seul, voici qu’un pneu du véhicule a
soudainement éclaté : c’est que le véhicule n’était pas vraiment conçu
pour la route montagnarde du matin. Le chauffeur devait changer la roue,
dans ce genre de circonstance se trouve toujours d’habitude dans les groupes, quelque
altruiste ostentatoire qui se précipite pour proposer son aide.
Mais là bizarrement, personne n’avait envie d’être mouillé ! Et le
chauffeur n’a même pas osé nous demander de sortir du véhicule. Aidé du
seul guide, il est sorti sous l’averse, a installé le cric et s’est
couché sous le minibus… avec tous les passagers à l’intérieur ! En
vingt ans de voyages c’était la première fois que je voyais ça. Tout
juste nous a-t-on demandé de rester à nos places et de ne pas trop
bouger. Le chauffeur, un homme assez corpulent et semble-t-il peu
sportif, a paru éreinté par cette épreuve. Quant à la solution
intermédiaire qui eût consisté à sortir et à changer la roue, mais seulement
après la fin de l’orage (un quart d’heure à peine !), personne n’y avait
semble-t-il songé.
Nous avons ensuite continué jusqu’à la ville de Vanadzor (Վանաձոր),
où deux roues du véhicule seront finalement changées lors d’une halte au
garage. Nos avons profité de cette halte pour photographier les
immeubles soviétisants des alentours, où les habitants avaient installé
un système de cordes à linge dignes de la vieille ville de Naples.
Vanadzor est la troisième ville d’Arménie (100 000 hab), c’était
autrefois une ville très industrielle mais beaucoup des usines (chimiques) soviétiques sont maintenant abandonnées.
Il va sans dire que, malgré le caractère peu reluisant de ces cours
d’immeubles, nul sentiment d’insécurité n’en émanait. Nous n’étions
pas dans les banlieues françaises ! Il n’y a bien que nos politicards
pour faire semblant de croire que tout n’est qu’une question
d’architecture.
Nous avons finalement gagné Gyumri qui est la seconde ville du pays
(150 000 hab). Nous nous sommes installés dans un hôtel de conception
soviétique, pour en repartir presque immédiatement afin de visiter la ville : une
fois de plus nous n’étions pas en avance. Visite qui a du reste été plus
qu’escamotée car une majorité des participants a préféré faire halte
dans un café. Le centre-ville de Gyumri n’est pas très authentique, la
ville ayant beaucoup souffert d’un tremblement de terre survenu en 1988
de sorte que la majorité des bâtiments sont modernes. Mais d’après le
guide, ce sont les bâtiments soviétiques qui se sont écroulés tandis que
ceux d’époques antérieures ont été préservés. Georges a évoqué sa mère,
née en Arménie occidentale mais qui a vécu dans cette ville. Elle
travaillait comme rédactrice du journal interne d’une usine d’ampoules
électriques, journal que personne ne lisait tellement il était
inintéressant ; ayant été voir sa mère à l’usine, il avait été effaré de
voir à quel point les employées bullaient. L’usine et a fortiori
son journal ont disparu à la fin de l’URSS, un tel système ne pouvant
évidemment pas perdurer, c’était en tout cas l’avis de notre guide. Mais les
similitudes ce que nous connaissons de nos jours en occident sont à mon
avis suffisamment criantes pour provoquer un questionnement.
Ci-dessous les rares photos que j’ai pu prendre de Gyumri ce soir là.
Nous avons parcouru la rue piétonnière, sommes entrés (sans demander
l’avis du tenancier) dans un coiffeur à l’ancienne. Ensuite nous avons
été voir la grande place de la ville (place de la Liberté), pour terminer
par une église (Sourp-Asdvatzadzin), d’obédience arménienne mais
influencée par l’orthodoxie russe.
Nous avions encore un peu de temps à consacrer à Gyumri le lendemain
matin, avant de partir pour la Géorgie. Nous avons commencé la matinée
par ce qui est devenu un grand classique des voyages
Allibert : la visite de la gare quasi désaffectée dans la ville. Il n’y
a bien que les écolos bobos européens pour considérer le chemin de
fer comme un mode de transport d’avenir. Partout ailleurs quand on
voyage, on trouve ces installations désuètes et hors du temps, ces voies
transformées en pâturages et ces convois désespérément introuvables. En
ce qui concerne l’Arménie, le train qui fonctionnait (assez)
bien à l’époque soviétique, a connu un coup d’arrêt avec la guerre du
Haut-Karabagh (la voie qui traverse le Nakhitchevan ne permettant plus
de gagner
l’Iran). Il passerait encore ici à Gyumri, un ou
deux trains par jour, reliant Erevan et la Géorgie. L’histoire ne dit
pas en combien de temps.
Quoique de conception soviétique, ce bâtiment n’est pas dénué
d’intérêt architectural, utilisant le tuf rose à la manière des édifices
arméniens traditionnels.
Autre incontournable des voyages Allibert (ou français en général)
quand on a un peu de temps, le marché. Je n’ai pas grand chose à en
dire.
Nous avons finalement rejoint la frontière géorgienne en
traversant le plateau de Shirak (Շիրակ). C’est un plateau à 2000 m
d’altitude environ, peu boisé : on retrouve les paysages de l’Arménie
traditionnelle. Je n’en ai pas noté davantage. Le guide a traversé avec
nous la frontière afin de nous mettre entre les mains de la guide
géorgienne et lui transmettre quelques informations. J’ai trouvé le
douanier géorgien bien plus suspicieux que l’arménien, en particulier
quant il feuilleté chaque page de nos passeports à la recherche d’une
éventuelle trace de passage en Ossétie du sud ou en Abkhazie.
Géorgie
Nous avons été accueillis à la frontière par notre très jeune guide
géorgienne, qui se faisait appeler Nathalie (de son vrai nom Natuka Bidzinashvili). Nathalie était très
sympathique et dévouée, mais son français était quelque peu perfectible.
Il en était de même de son enthousiasme vis à vis des attraits de son
pays, elle ne nous cachait guère son intention d’émigrer le plus rapidement possible en
France.
Deux premières photos de la campagne géorgienne (nous avions changé
de bus à la frontière et le géorgien était bien plus propice à la prise
de vues en roulant).
Nous avons tout d’abord roulé vers le nord-ouest, dans un paysage
plus accidenté que du côté arménien. Après une courte halte dans la
ville de Ninotsminda (ნინოწმინდა Նինոցմինդա), une ville géorgienne dont
la population est majoritairement arménienne, nous sommes passé par
Akhalkalari (ახალქალაქი Ախալքալաք), également peuplée d’Arméniens.
Nous avons ensuite quitté le plateau volcanique (de Djavakhétie) pour
nous enfoncer dans un long cañon, celui de la rivière Paravani
(ფარავანი). (Toute cette énumération de noms à coucher dehors afin de faire comprendre pourquoi
j’ai tant de peine à retenir le moindre nom de lieu dans ce pays)
Nous avons ensuite atteint la forteresse de Khertvisi (ხერთვისის
ციხე), qu’à défaut de visiter nous avons pu photographier à l’occasion
d’une halte. Pour effectuer ces prises de vue, nous avons traversé le
fleuve Mtkvari (მტკვარი), juste en amont de son confluent avec la
Paravani, par un pont suspendu de type himalayen. Ce genre de pont
semble assez fréquent en Géorgie mais c’est le seul que nous
emprunterons. La chaleur se faisait bien sentir, nous étions pourtant à
1500 m environ.
La forteresse date du 14e siècle, mais le site était déjà fortifié au 2e siècle avant J.-C.
C’est la vallée du fleuve Mtkvari que nous remontons sur quelques
kilomètres pour gagner le spectaculaire site troglodyte de Vardzia
(ვარძია), situé aussi très près de la frontière turque. Au passage, nous
avons pu apercevoir une autre forteresse, celle de Tmogvi, თმოგვი, perchée sur les hauteurs et qui semblait inaccessible.
Avant de visiter le site de Vardzia qui constitue l’un des hauts
lieux du tourisme en Géorgie, nous avons fait halte pour déjeuner dans
un restaurant « biologique » (rien que ça je n’aime pas) qui s’est
révélé être une véritable usine à touristes. Et qui a révélé un état de
fait que nous n’avions pas à l’esprit : alors que l’Arménie est restée
un pays authentique et assez peu touristique, la Géorgie mise à fond sur
cette ressource et les visiteurs y sont très nombreux. Même si, aux dires de certains, cela ne fait que commencer.
Vardzia est une ville troglodyte du XIIe siècle, à
l’origine entièrement souterraine (un peu à la manière de
Kaymaklı en
Cappadoce), creusée dans une falaise dominant la vallée semi-désertique
du Mtkvari. La ville était au début totalement invisible depuis le bas
ce qui la rendait inaccessible aux assaillants éventuels, et ce jusqu’au
séisme de 1283 qui vit s’écrouler une partie de la falaise. Le nom de
Vardzia vient du géorgien « je suis là mon oncle » et se réfère à une
anecdote impliquant la jeune Thamar, perdue en forêt au cours d’une
partie de chasse. Thamar (1160-1213) était une reine dont le règne
correspond à l’âge d’or de la Géorgie.
On accède à Vardzia par une ascension facile de 150 m environ. Puis
on progresse de salle en salle, parfois par des tunnels, on bien par des
passages surplombant le vide mais totalement sécurisés (parfois au
détriment de l’esthétique).
Au centre de Vardzia, l’église de l’Assomption dont les murs sont
recouverts de fresques. La religion géorgienne est l’orthodoxie
(contrairement à l’Arménie où l’église est autocéphale).
D’autres photo prises dans les galeries au cours de la visite
(Natuka avait dû prendre par la main notre compagnon malvoyant, une
scène sans doute touchante mais qui a considérablement allongé notre
visite, au détriment de la suite du programme).
Nous avons ensuite repris le car jusqu’à la ville d’Akhaltsikhé
(ახალციხე) où nous devions passer la nuit. Malgré l’heure assez tardive
(et la lumière déjà crépusculaire), une autre visite était au programme,
celle de la citadelle de la ville (château de Rabati, რაბათის ციხე). Un édifice initialement construit au 9e
siècle, et successivement conquis par les Ottomans et les Géorgiens,
d’où des éléments architecturaux disparates. Sa récente restauration,
que l’on peu qualifier d’outrageuse, donne la part belle aux éléments
mahométans, en particulier la mosquée dorée au centre. Il faut dire que
c’est Saakachvili qui a restauré le monument, on peut penser que la
dhimmitude était aussi une marque de fabrique de ce politicard géorgien
coqueluche des bobos occidentaux (et dont je reparlerai à maintes reprises…). On ne pouvait pas non plus ne pas
remarquer combien les visiteuses voilées étaient nombreuses sur ce site.
La vue sur la ville était le principal intérêt de cette visite. Parmi
les curiosités que l’on pouvait apercevoir, des anciens bains turcs,
ainsi qu’un vaste cimetière juif. Les juifs, nombreux ici jusqu’à la fin
de l’URSS, ont ensuite presque tous émigré en Israël ; il faut croire
que le paradis du progressisme façon Saakachvili n’a pas suffi pour les
convaincre de rester.
Nous avons le lendemain continué notre route en direction du Grand
Caucase où nous devions randonner trois jours. Continuant à suivre la
vallée du fleuve Mtkvari, principal cours d’eau du pays, nous avons
rapidement atteint la ville de Gori (გორი). Gori est une ville de 600
000 habitants qui fut sous le feu de l’actualité en août 2008, lors de
la guerre sud-ossète. La ville fut effet bombardée puis occupée l’armée
russe ; occupation qui comme on le sait ne dura pas, puisque grâce à
l’intervention de notre cher président d’alors M. Sarkozy, les
belligérants acceptèrent de cesser les hostilités. Je me trouvais en Bolivie à
ce moment là et je me rappelle encore la réaction de mon gauchiste de
compagnon de chambre, lequel allumant la télé dans l’hôtel de la Paz au
retour de trois semaines de trek pendant lesquelles nous avions été
coupés du monde, avait soudainement vu apparaître l’image de ce dirigeant honni.
Mais revenons à Gori car la ville peut se targuer d’un motif de
fierté autrement plus légitime que cette malheureuse affaire ossète.
C’est en effet ici que naquit en 1878 l’homme politique géorgien le plus célèbre et le plus influent
de tous les temps, de son vrai nom Iossif Vissarionovitch Djougachvili (იოსებ
ბესარიონის ძე ჯუღაშვილი) : je veux bien évidemment parler de Joseph
Staline. Il faut quand même savoir que cet immonde tyran, peut-être la pire ordure que
la terre ait jamais porté, est toujours considéré comme un héros par une
bonne partie de la population de la ville. Mieux, le musée Staline qui avait
été aménagé à l’époque soviétique (après la mort du dictateur) autour de
sa maison natale, est pour l’heure resté intact. C’est dans ce musée que nous avons effectué une courte halte.
La visite commence par une maison de brique : la maison natale de
Staline. Elle était à l’époque partagée par plusieurs familles, et
faisait partie d’un quartier aujourd’hui rasé. La maison est conservée
sous un vaste hangar protégé de la faucille et du marteau.
Quelques autres photos prises dans le musée (nous n’avons pas été voir
les étages du bâtiment principal). Je n’ai pas non plus osé acheter ces
tasses à l’effigie du dictateur, elles auraient pourtant fait sensation le
matin au boulot… À côté du musée, le wagon dans lequel Staline se
déplaçait à travers l’URSS, puisque ce dignitaire communiste paranoïaque évitait de
prendre l’avion.
Un court trajet séparait Gori du site que nous avons visité ensuite,
haut-lieu du tourisme géorgien au nom parfaitement impossible à retenir :
Ouplistsikhé (უფლისციხე). Ouplistsikhé est une cité troglodyte
remontant à la haute Antiquité et dans laquelle on trouve plusieurs
vestiges pré-chrétiens, notamment un théâtre (même s’il est permis
d’être déçu par ce dernier qui est dépourvu des gradins en hémicycle
des théâtres grecs). Le site, moins spectaculaire que celui de Vardzia,
domine la vallée du Mtkvari non loin d’une vaste usine désaffectée. Il
s’agissait historiquement d’une étape sur la route de la Soie. La ville
resta habitée jusqu’au Moyen-Âge, avant de subir les attaques des
Mongols et de Tamerlan.
On trouve à Ouplistsikhé cette salle troglodyte remaquable (au
plafond de type grec), la salle dite de la reine Thamar même s’il n’est
pas prouvé que cette dernière ait mis les pieds ici.
L’église d’Ouplistouli qui domine le site, date du 9e siècle et n’est pas troglodyte. Ses fresques ont été effacées à l’époque soviétique.
Comme à Vardzia, on sort du site par un passage souterrain qui servait de poterne.
Nous avons ensuite repris notre route en direction du massif du Grand
Caucase. Quittant bientôt l’unique autoroute de Géorgie (celle menant à
Tbilissi, limitée à 110 km et où des panneaux indiquent la distance
jusqu’à Téhéran, 1300 km environ), nous avons obliqué pour la route dite
militaire qui permet de traverser le massif pour rejoindre la Russie ;
son édification remonte à l’époque tsariste. La route militaire est
aujourd’hui le seul axe qui permette aujourd’hui de circuler entre la Géorgie et la
Russie. La frontière, fermée lors du conflit de 2008, n’a rouvert
qu’après le départ de Saakachvili (et les Géorgiens ont besoin d’un visa
pour se rendre en Russie). L’itinéraire longe sans y pénétrer la
frontière de la province rebelle d’Ossétie du sud.
La route militaire traverse des paysages remarquables, à commencer
par le lac de barrage de Jinvali (ჟინვალის წყალსაცავი), édifié sur la
rivière Aragvi (არაგვი).
Au-dessus de ce lac se trouve le magnifique monastère d’Ananouri
(ანანური), au programme de notre voyage. Ici aussi, nous n’avons
pas échappé à la foule des touristes assez dense, femmes voilées
comprises.
Le monastère d’Ananouri date du XVIe siècle. L’église
Sainte-Mère-de-Dieu est ornée de fresques, bien qu’elles aient été
partiellement effacées (murs blanchis) à l’époque soviétique.
Nous avons repris la route après la visite. Le paysage devenant de
plus en plus alpin mais (à mon grand regret et exception faite du mont Kazbek
que nous approcherons le lendemain), sans glaciers ni neiges éternelles.
On traverse aussi une station de ski, Goudaouri (გუდაური), où nous
passerons d’ailleurs la nuit dans quelques jours. J’ai essayé de prendre
quelques photos depuis le minibus (en adaptant le réglage de mon
appareil) ; pour ce qui est d’effacer les fils électriques avec
Photoshop, c’est contraire à mes principes.
La route atteint son point culminant (2379 m) au col de Jvari (ჯვრის
უღელტეხილი), également appelé col de la Croix. Ce col marque la ligne de
partage des eaux du massif, mais non la frontière : la vallée du Terek
(თერგი) dans laquelle nous nous rendons maintenant fait toujours partie
de la Géorgie, bien que ses eaux se déversent dans le bassin nord de la
Caspienne. Géographiquement (même si c’est une affaire de
convention), le col de Jvari marque la séparation entre l’Europe
et l’Asie. La Géorgie est à l’instar de la Russie, du Kazakhstan et de
la Turquie, à cheval sur les deux continents et nous pénétrons maintenant
dans le tout petit bout européen du pays. Petit bout qui ne
manquera pas j’en suis sûr de servir un jour de justificatif à
l’engloutissement de la Géorgie par l’ogre technocratique bruxellois,
comme d’habitude sans qu’aucun peuple ne soit consulté au préalable.
Le col de la Croix n’est pas très spectaculaire, ce n’est pas loin
s’en faut le plus bel endroit de la route (mais c’est là que nous nous
sommes arrêtés). On y trouve un
monument assez récent, rédigé en géorgien
et en allemand, commémorant les exactions que firent subir les
Soviétiques aux prisonniers de guerre allemands. Même s’il n’est pas
politiquement correct de le souligner, les quelque deux millions de
prisonniers de guerre français des Allemands (au nombre desquels mon grand-père paternel),
dont la plupart rentrèrent sains et saufs, ont été dans leur quasi-totalité, beaucoup mieux
traités.
Dernière halte de la journée, quelques kilomètres à peine après le
col : cette source (qualifiée par notre guide d’acide) faisant d’un pan de
montagne un petit Pamukkale. Une simple curiosité. Étonamment ces
rochers mouillés ne sont pas du tout glissants.
Nous avons passé les deux nuits suivantes dans la station de montagne
de Stephantsminda (სტეფანწმინდა) (alt. 1740m), plus connue sous le nom
de Kazbegui (ყაზბეგი). Le nom de Kazbegui (employé à l’époque soviétique) est celui
d’un poète géorgien du XIXe siècle originaire de la ville, Alexandre Kazbegui
(1848-1893). Une anecdote raconte qu’il croisé Alexandre Dumas au cœur
des montagnes et lui aurait parlé en français. Le poète a également
donné son nom à la montagne qui domine la ville, le mont Kazbek (5047 m)
(ყაზბეგი). Couvert de glaciers et de neiges éternelles, le mont Kazbek
est le second sommet de la Géorgie. Il s’agit en réalité d’un volcan
assoupi, son ascension n’est paraît-il pas très difficile mais ce
n’était pas à l’ordre du jour (et du reste ce genre d’équipée n’est sans
doute plus de mon âge). Le sommet du mont Kazbek est bien visible
depuis la station, je pouvais même l’apercevoir depuis la fenêtre de
notre hôtel ! Voici les photos que j’en ai prises au petit matin.
Était prévue ce jour là une balade en direction du camp de base du
Kazbek (plus précisément le col Arsha, 2940 m, lequel offre une vue sur
le glacier). Une magnifique balade, très certainement l’une des plus
belles de tout le massif du Caucase. Mais revers de la médaille, nous
n’étions pas seuls loin s’en faut. La plupart des randonneurs démarrent
leur progression depuis l’église de la Sainte-Trinité de Gergéti
(გერგეტის სამების ეკლესია) à 2170 m : c’est l’église qu’on aperçoit sur
la butte à gauche, sur la photo précédente, et qu’ils rejoignent en 4×4
par une piste très poussiéreuse. Mais ce n’était le choix d’Allibert, qui
pour une raison qui m’a échappé, je ne sais si c’est par
idéologie ou simplement pour faire des économies, nous a fait démarrer
directement de l’hôtel. Et le problème n’était pas tant les 1200 m à
gravir (cela se fait) que les conditions de progression dans la première
partie. Car il n’existe semble-t-il pour gagner l’église, aucun sentier
en dehors de la piste carrossable. Il est certes possible de couper
certains lacets, mais la pente est assez raide (encore plus à la
descente quand on est fatigué). Du coup, c’est pas la piste que nous
avons effectué l’essentiel de la progression, endurant le passage d’un
véhicule en moyenne toutes les deux minutes.
Quelques photos pour commencer du tout début de la balade. Une fois
sortis de la zone urbaine, nous avons quand même d’abord eu droit à
quelques prairies bucoliques et peu fréquentées, aux alentours du
village de Gergéti (გერგეტი).
Ensuite pendant la montée (mais j’ai évité de photographier la route, afin de préserver mon appareil).
Lorsque nous sommes arrivés au parking en contrebas de l’église, nous
y avons trouvé une foule dantesque. Beaucoup de gens ne viennent ici
sans monter plus haut, ou à la rigueur uniquement pour visiter l’église.
Nous avons fait halte, sans rejoindre l’église dont nous avions réservé
la visite pour le retour. La balade continue par un assez long replat
(toujours d’ailleurs le long de la piste poussiéreuse laquelle rejoint
l’église en traversant ce plateau). Puis, la montée reprend, mais beaucoup moins
raide que dans la première partie.
L’église photographiée vers l’arrière :
Une dernière photo du Kazbek avant d’entamer véritablement la montée.
La montée se fait tout d’abord sur une ancienne moraine puis par
paliers dans un vallon. Elle n’est jamais très raide, mais (pour qui
n’observe pas bien le terrain) on a l’impression de n’être jamais arrivé
car il y a toujours une butte derrière. Le mont Kazbek, qui était
visible depuis l’église, ne l’est plus ensuite jusqu’au col. Le sentier
est très fréquenté, on voit beaucoup de gens très chargés qui effectuent
l’ascension du sommet. On trouve parmi eux un certain nombre de
francophones.
Arrivée au col, lequel m’a un peu déçu. Le glacier notamment, plus
petit que ce à quoi je m’attendais. Il est par ailleurs manifeste qu’il a
ces dernières années beaucoup reculé (bla bla bla réchauffement
climatique…). Le paysage s’en trouve un peu trop caillouteux à mon
goût. On notera la couleur rougêatre de la roche, l’origine volcanique
du massif est à présent évidente, ce qui n’était pas le cas avant
d’arriver jusqu’ici.
Je suis arrivé au col le premier avec le guide local, j’ai ensuite
attendu assez longtemps mes compagnons. Il faut dire qu’il y avait quand
même des gens un peu poussifs dans ce groupe (ce qui explique en partie nos retards et
arrivées nocturnes à répétition). Ci-dessous, un panoramique du paysage.
On peut apercevoir sur la rive droite de la vallée glaciaire (donc à
gauche sur la photo), un vaste camp de base. Il est prévu de construire
prochainement à cet emplacement un refuge.
Après le pique-nique qui a duré fort longtemps, nous avons entamé la
descente (je ne sais si le programme prévoyait de continuer au-delà
du col en direction du camp de base, en tout cas il n’en a pas été question). Je suis une fois encore
descendu avant tout le monde pour attendre trois bon quarts d’heure en
contrebas, sur la crête de moraine (j’ai préféré éviter les parages
populeux de l’église de la Trinité). Ci-dessous, quelques photos de
l’église prises au cours de la descente, l’éclairage était devenu plus
favorable qu’à l’aller. Le temps s’était d’ailleurs maintenu toute la
journée, en dépit de quelques passages nuageux.
La foule avait malheureusement peu diminué lorsque nous avons regagné
le parking de l’église. Comme prévu, nous avons procédé à ce moment à
la visite de l’édifice, à l’exception de trois d’entre nous qui n’ont
même pas eu le courage de remonter cinquante mètres pour l’atteindre
(j’ai préféré ne pas retenir leurs noms). C’est vrai qu’en ce qui me
concerne, j’ai peu écouté de ce qu’a pu raconter Nathalie au sujet du
monument. L’église date du 14e siècle, elle est semble-t-il
également désignée sous le nom de Tsminda Sameb, (წმინდა სამება) (mais
c’est peut-être la même chose en géorgien). L’horrible bâtiment sur la
droite (photo ci-dessus) n’est manifestement pas d’époque, qu’il s’agisse d’un méfait des
Soviétiques ne me surprendrait pas.
Nous sommes davantage restés groupés pour la pénible descente qu’il
restait à effectuer, alternant au gré des humeurs des uns et des autres
les raccourcis escarpés et la piste poussiéreuse, tout aussi fréquentée
malheureusement que le matin.
Nous avons effectué le lendemain une autre balade dans le massif du
Grand Caucase, cette fois-ci dans la vallée de Sno (სნო) qui se trouve à
l’est de Stephantsminda. La balade démarrait du village de Djouta
(ჯუთა) (alt. 2100 m), lequel se revendique comme deuxième plus haut village
d’Europe. (Selon ce classement, le premier serait Ouchgouli (უშგული),
autre village géorgien du Caucase situé à l’ouest, au pied du mont
Chkhara ; toutefois, le caractère européen déjà discutable pour Djouta,
est de mon avis totalement usurpé dans le cas d’Ouchgouli ; rappelons que le village
français de
Saint-Véran (2042 m) revendique également ce titre). On se rend à Djouta en 4×4 par
une piste non asphaltée (et impossible cette fois-ci à Allibert de
faire l’économie du 4×4 !). Piste qui n’empêchait par les chauffeurs de
rouler fort vite, mais en prenant la précaution de se signer devant chaque
église ou chapelle rencontrée ; une façon d’éviter l’accident !
Nous avons pour cette journée eu pour guide local… une fillette de
12 ans (en réalité mandatée par sa grand-mère). La balade du jour, assez
facile, consistait à gagner un minuscule lac au pied du mont Chaukhebi
(3688 m). La montée n’était que de 400 m dont la plus grosse partie au
démarrage. Après cette première montée, nous sommes arrivés à un plateau
où se trouvait un chalet ainsi qu’un camp de touristes. C’est là qu’un accident a failli
se produire, notre compagnon malvoyant ayant été entraîné par la corde qui attachait
entre eux deux chevaux arrivant au galop…
Après la traversée du torrent pour laquelle il a fallu se déchausser,
nous avons continué quasiment à plat jusqu’au lac. Nous avons été
rejoint par un groupe d’Israéliens à pied, puis par plusieurs groupes de
cavaliers.
Une vue du lac lequel ne m’a pas subjugué. Il était possible de s’y
baigner, mais personne dans notre groupe ne s’y est risqué (la température
était quand même un peu frisquette).
Nous sommes ensuite redescendus par le même chemin (je suis parti
loin devant le reste du groupe). Lors du trajet du retour en véhicule,
nous avons fait une assez longue halte logistique au village de Sno,
situé à l’entrée de la vallée. On trouve à Sno une remarquable tour
défensive (je n’ai pas noté de quelle époque), mais dont l’accès est
interdit. Autres curiosités du lieu, cette statue à l’entrée du village
qui semble attendre de pied ferme un hypothétique envahisseur russe ; et
ces canalisations à l’air libre distribuant le gaz de ville dans chaque
maison (on voit cela très fréquemment en Géorgie ainsi qu’en Arménie,
le chauffage dans ces villages se faisant au gaz ; j’imagine que le
système doit dater de l’ère soviétique, en tout cas ce n’est pas très
esthétique).
Nous avons ensuite gagné notre hôtel situé dans la station de
Goudaouri, après donc avoir de nouveau franchi le col de la Croix. Nous
sommes arrivés très tôt à l’hôtel, vers 16 h, c’est la seule fois du
voyage où nous avons eu une aussi longue soirée.
Notre troisième et dernière balade dans le Grand Caucase était une «
exclusivité Allibert », dans un secteur pratiquement déserté des
touristes y compris géorgiens : la vallée de Khada. Un endroit très
sauvage et finalement assez dépaysant, même s’il ne s’agissait que de «
montagne à vaches ». Nous avons démarré de la station même de Goudaouri
(quoique pas directement de notre hôtel), les premières centaines de
mètres dans la zone des pistes étaient donc un peu pénibles. Autre
circonstance assez inhabituelle dans ce voyage, il s’est mis à pleuvoir ;
mais cela n’a guère duré, seules quelques gouttes sont tombées et le
beau temps s’est rétabli en une heure à peine.
Nous avons commencé par une courte montée qui nous a permis de
rejoindre une crête herbue. Il y avait bien un sentier, mais à peine
marqué. Après avoir atteint un sommet secondaire, le sentier a continué
quelque temps en balcon. La suite de la balade était tout en descente
(900 m environ).
Il y a quand même quelque chose que je n’ai pas du tout aimée dans
cette randonnée. Après avoir franchi le col, nous avons aperçu sur
l’autre versant un troupeau de moutons, gardé par des gros chiens que nous
entendions déjà aboyer. Je confesse avoir une saine horreur des chiens,
et j’avais de surcroît lu sur Internet avant mon voyage, que les chiens
de berger pouvaient constituer un danger sérieux en Géorgie. Les chiens
au départ étaient éloignés, mais cela n’a pas duré et quatre molosses
ont bientôt rejoint notre groupe. Je n’étais vraiment pas rassuré, mais
il y avait une femme dans le groupe qui aimait beaucoup les chiens et
qui les a caressés. De ce fait les clébards ont principalement tourné
autour d’elle, je me suis donc efforcé de m’éloigner d’elle le plus
possible. Cette situation fort inconfortable pour moi a duré une bonne
demi heure (je m’imaginais déjà qu’il soit question de ramener les cleps
au point de départ).
Finalement, peu ou prou au moment où nous avons changé de versant et
cessé d’être en vue du troupeau, les molosses se sont rappelés à
leur devoir professionnel et ont fait demi-tour.
Nous avons atteint le village de Korogho, qui se caractérise par la
présence d’une demi-douzaine de tours défensives, espacées sur les pentes
alentour, tant au-dessous qu’au-dessus du village.
Nous avons bientôt gagné le fond de la vallée (la vallée de Khada),
par endroit encaissée de manière assez spectaculaire. Nous avons
pique-niqué près d’une source en apparence ferrugineuse. Avec cette vallée,
nous retrouvions la « civilisation » sous la forme d’une route en
terre, empruntée par quelques véhicules. Mais il nous restait encore
plusieurs kilomètres à parcourir à pied jusqu’au terme de notre balade,
le village de Kvesheti (ქვეშეთი). Le guide local qui nous avait
accompagnés tout au long de cette excursion en aller simple, est reparti
sur un cheval qui l’attendait attaché à cet endroit ; l’histoire ne dit
pas comment le cheval avait été amené jusqu’ici…
Enchaînant avec cette randonnée, la visite de l’un des lieux les plus
emblématiques de Géorgie, situé en plaine au confluent de la rivière
Aragvi et du fleuve Mt’kvari : la ville de Mtskheta (მცხეთა), qui
était entre les IIIe et Ve siècles la capitale de
la Géorgie. Mtskheta renferme une magnifique église, l’une des
importantes du pays : la cathédrale de Svétitskhovéli (სვეტიცხოვლის
საკათედრო ტაძარი), datant du XIe siècle. La cathédrale est entourée de murailles qui la séparent d’un quartier ancien, bâti en bordure de
fleuve et constitué d’un ensemble de ruelles, évidemment très touristiques (mais qui ne m’ont inspiré aucune photo).
J’avoue que j’ai peu retenu de ce qu’a pu raconter Natuka à propos de
cet édifice. Édifice dont je suis d’ailleurs incapable de citer le nom
de mémoire, au même titre que la ville où il est situé. L’église suit un
plan en croix grecque avec une coupole traditionnelle. Elle a été
plusieurs fois vandalisée au cours de son histoire (invasion mongoles,
Tamerlan…). Parmi les rares
détails architecturaux que j’ai notés, figure cette sortie de niche anti-sismique : il y en avait une similaire à Gochavank en Arménie
C’est surtout l’intérieur de la cathédrale qui est exceptionnel (et
une fois n’est pas coutume, les photos sans flash y sont autorisées). On
y trouve un grand nombre de fresques, dont un Christ pantocrator
(Natuka disait « pantocrate ») entouré des signes du zodiaque ce qui
constitue une bizarrerie. Il y a aussi une fresque du Jugement dernier,
avec l’Enfer représenté à gauche (le Paradis qui se trouvait logiquement
à droite n’a pas été conservé).
On trouve également à l’intérieur de l’église, une
copie miniature (datant du XIVe siècle) du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
Après une demi-heure de quartier libre dans les ruelles à touristes
(que je n’ai guère mise à profit), nous sommes repartis pour une
dernière visite : le monastère de Djvari
(ჯვრის მონასტერი, ჯვარი) qui
domine la ville. Monastère tout proche à vol d’oiseau du centre-ville,
mais qu’on ne peut atteindre en véhicule qu’en empruntant une
interminable succession de bretelles d’autoroute. Résultat, nous n’avons
pu le visiter qu’au crépuscule ce qui n’est pas l’idéal pour les photos
(la vue sur la ville étant bien évidemment à contre-jour).
Il paraît que par temps clair (ce qui n’est pas le cas aujourd’hui),
on peut même apercevoir le mont Kazbek depuis le monastère !
Le monastère de Djvari date du VIe siècle, on devine bien à
l’intérieur que les pierres érodées sont très anciennes. Son nom
signifie « monastère de la Croix », mais je n’ai pas bien compris s’il
avait ou non un temps recelé un morceau de la vraie croix. Le structure
de l’église est en tétraconque, avec quatre niches majeures et quatre
mineures. La croix est située au centre.
(On trouve encore ce genre de véhicule en Géorgie :
profitons-en tant que la pieuvre bruxelloise n’y a pas écore étendu ses tentacules…)
Nous étions déjà tout près de la capitale géorgienne Tbilissi. La
restaurant du dîner était situé en banlieue du côté par lequel nous
arrivions, et vu l’heure tardive et malgré le fait que nous avions
randonné quelques heures auparavant, Natuka a réussi à nous convaincre
d’y aller directement sans passer par l’hôtel, faisant donc une croix sur la
douche. Chapeau, car il y a tout de même eu de fortes réticences dans le
groupe (quelques jours auparavant à Gyumri dans un contexte similaire,
Georges n’avait pas réussi à se montrer aussi persuasif). Bien que situé
dans un bâtiment moderne et sans charme, le restaurant servait de la
nourriture géorgienne traditionnelle. J’ai pris plusieurs plats en
photo, et j’ai même réussi à retrouver leurs noms par la suite. On peut
ainsi citer le khatchapouri (ხაჭაპური), galette de pâte à pain avec du
fromage à l’intérieur,
et le khinkali (ხინკალი), ravioli géorgien avec de la viande et du
bouillon à l’intérieur. Natuka nous a fait une démonstration sur la
manière de le déguster (faisant d’abord un petit trou par lequel on
aspire le bouillon) : façon de procéder qui ne paraît pas des plus
élégantes mais c’est sans doute une question de culture.
Pour la petite histoire, Tbilissi est jumelée avec une ville
française : Nantes. Qu’une ville provinciale comme Nantes soit
placée sur le même plan que la capitale du pays Tbilissi
peut
surprendre, ce rapprochement date en fait de l’époque soviétique.
Je me souviens qu’à l’époque où j’étais lycéen à Nantes, ce tout nouveau
jumelage était loin de faire l’unanimité,
un syndicat étudiant de droite distribuait à l’envi des autocollants
dénonçant ce jumelage de « Nantes-sur-Loire » avec « Tbilissi-sur-goulag ».
Les temps ont changé, je suis peut-être l’un des seuls à me souvenir de
ce genre de détail ;
j’ignore si les échanges entre les deux villes sont toujours très
actifs, en tout cas je n’ai rien trouvé sur
place qui fasse référence à Nantes.
La dernière journée complète du voyage s’est à nouveau avérée
excessivement chargée, le retard s’accumulant tout le long de la journée ; de fait le programme s’est achevé bien après le crépuscule.
Normalement étaient prévus deux points : le matin, la visite d’un très remarquable site
archéologique situé à 70 km de Tbilissi (à la frontière avec
l’Azerbaïdjan) dans une zone quasi-désertique : David Garedja
(დავითგარეჯის სამონასტრო კომპლექსი). L’après-midi serait alors consacré
à la capitale proprement dite. Dans les faits, l’après-midi a commencé à
18h. Et pourtant, il y avait assez peu de marche ce jour là, la lenteur
avérée de plusieurs personnes du groupe n’était donc pas seule en cause.
Après un petit déjeuner et un départ de l’hôtel un peu poussif, notre
bus a pris la direction de l’est. Dépassant l’aéroport, nous avons
pénétré
dans une région appelée la Kakhétie dont la particularité est de
produire un peu de pétrole (quelques
puits étaient visibles depuis la route). Au bout
d’une cinquantaine de kilomètres, nous avons quitté la route principale
pour ce que Natuka nommait de façon pittoresque le demi-désert, en
l’occurrence la steppe. Bien que toujours asphalté, cet axe secondaire
était en si mauvais état notre bus a progressé extrêmement lentement
(nonobstant plusieurs arrêts photos).
Le monastère de David Garedja est constitué de deux parties : d’abord
un bâti principal (Lavra) édifié au pied d’une colline et facilement
accessible ; puis, un certain nombre d’églises troglodytes creusées au
sommet de ladite colline, sur son versant le plus raide, situé à moins
d’1 km de la frontière azérie (lequel pays revendique d’ailleurs le
site). David Garedja fut fondé au VIe siècle par le moine
éponyme (St David Garedjeli), l’un des 13 missionnaires assyriens qui
évangélisèrent la Géorgie. Il fut agrandi par ses disciples Dodo et
Loukiané (on peut trouver les tombeaux de ces trois personnes dans le
Lavra). Le monastère prospéra ensuite mais fut endommagé par les Turcs
seldjoukides, les Mongols, Tamerlan, et enfin (et surtout) à l’époque
soviétique. Quelques moines ont aujourd’hui réinvesti les lieux.
Quelques photos de l’extérieur du Lavra. Je n’ai pas noté grand chose des explications de Natuka.
Puis quelques photos de l’intérieur. Notre visite s’est trouvée gênée
et ralentie par un très important groupe de Polonais dont le guide
parlait très fort. Parmi d’autres, l’une des causes de notre retard. (Oui je sais que je ne devrais pas dire de mal des Polonais…)
A cette visite a succédé l’ascension du rocher, 250 m environ de
montée, ni très raide ni très difficile certes, mais effectuée en pleine
chaleur (35°C). La montée a duré assez longtemps car le site étant très
fréquenté, nous nous trouvions souvent coincés derrière des groupes de
personnes. En outre, n’écoutant pas les conseils de Natuka, j’étais venu
en sandale et en pantalon léger. Mais sandales ont tenu le coup, mais
pas mon pantalon qui a craqué dans l’entrejambes… Un peu gênant quand
même d’autant que j’ai dû continuer sans rechange, non seulement
l’ascension et la visite de ce site, mais celle de Tbilissi effectuée
dans la foulée et jusque dans la nuit.
Quant aux églises troglodytes, elles sont vraiment remarquables avec
leurs fresques (mais je n’ai pas réussi à noter les noms de ces
églises).
Après la visite était prévu un déjeuner chez l’habitant dans le
village voisin d’Udabno (უდაბნო) : en théorie pour midi, mais nous n’y
sommes arrivés qu’à 15h ! Et (ça c’est une constante des voyages
Allibert et plus généralement je pense des voyagistes français),
quand on est en retard ce n’est jamais sur le déjeuner qu’on
cherche à gagner du temps. Les agapes ont bien dû durer une heure et
demie, c’était certes très bon, très copieux et typiquement géorgien. Le
temps ensuite de retourner à Tbilissi, ce n’est qu’à 18h que nous
étions à pied d’œuvre. Toute la visite de la capitale géorgienne
s’effectuera donc sous une lumière crépusculaire (quand ce n’est pas
carrément de nuit), ce qui bien évidemment n’est pas l’idéal pour les
photos.
Pour des raisons d’organisation (elle devait je pense aller chercher
le soir même un nouveau groupe à l’aéroport), Natuka nous a quittés
avant la visite de Tbilissi. Elle a été remplacée par une femme un peu
plus âgée (la trentaine), dont je n’ai pas noté le prénom, mais qui
s’est avérée beaucoup plus cultivée et s’exprimant bien mieux en
français : il est clair que nous avons beaucoup gagné au change.
Par contre (selon ses dires) elle aurait été bien incapable de nous
accompagner lors de nos randonnées en montagne.
Nous avons démarré la visite de Tbilissi par l’église de
Métékhi de
la Vierge. Cette église, sans doute pas
exceptionnelle
architecturalement et dans laquelle nous ne sommes d’ailleurs pas
entrés,
est par contre bâtie sur un promontoire plein centre-ville, juste
au-dessus du cours du fleuve Mt’kvari. Elle offre de ce fait un panorama
sur l’ensemble de la ville. Sur l’autre rive se trouve la vieille
ville, avec sa cathédrale (Sioni), sa synagogue, son église arménienne
(Soup Kévork), sa mosquée située dans le quartier des bains : présentée
comme étant la
seule mosquée au monde où chiites et sunnites viennent prier ensemble
(pour un peu on nous refaisait le coup de la religion d’amour et de
tolérance…).
Le promontoire de l’église Métékhi permet aussi d’embrasser d’un seul
coup d’œil une série de réalisations pompeuses au modernisme outrancier
qui sont le fruit de l’ère Saakachvili. Ces réalisations, qui ont bien
entendu donné lieu à polémique tellement elles sont proches du
centre-ville, ne sont pas sans rappeler les réalisations à Paris (ainsi que
les polémiques qui les avaient accompagnées) du peu regretté président
Mitterrand, pyramide du Louvre, opéra Bastille et autres. Donc en ce qui
concerne Tbilissi on peut citer : la gigantesque cathédrale Saméba, sur
les hauteurs, vaste complexe religieux dominant la ville et qui est
dorénavant la plus grange église de Géorgie. Le pont de la Paix
(მშვიდობის ხიდი), tout en verre, doté d’une illumination nocturne
rappelant un trafic ferroviaire. Le
télécabine qui permet d’accéder à la forteresse Narikala (ნარიყალა) et
qui survole directement la vieille ville (Santini en avait rêvé,
Saakachvili l’a fait !). Le palais présidentiel
mégalomaniaque que Margvelachvili, le
successeur de Saakachvili, a refusé d’occuper. À mentionner également
quoique invisible d’ici, la statue de Saint-Georges (patron de la
Géorgie) située sur la place de la Liberté. Enfin le meilleur pour la
fin, le parc Riké (რიყის პარკი) et son hideux monument en forme de
double tube, resté inachevé au départ de l’autocrate, prévu pour être un
théâtre et aujourd’hui dépourvu d’utilisation.
Outre la citadelle, la ville est également dominée par la résidence
privée de Bidzina Ivanichvili, milliardaire oligarque ayant fait fortune
à la chute de l’URSS, et mécène d’un grand nombre de réalisations en
Géorgie, à Tbilissi mais surtout dans sa région natale, l’Iméréthie, dont
les habitants percevraient de sa part un salaire. (Ceci explique sans
doute cela, c’est à Koutaïssi, capitale de l’Iméréthie, qu’a été
transféré en 2013 le parlement géorgien).
Après cette brève vue d’ensemble, nous sommes descendus jusqu’au fleuve Mt’kvari afin de le
traverser, de manière à ensuite gagner la vieille ville.
La rue branchée de Tbilissi s’appelle la rue Chardin, du nom d’un
écrivain français (Jean Chardin 1643-1713) qui visita la Géorgie. Nous
sommes ensuite passés devant la synagogue (დიდი სინაგოგა), bâtiment de
briques de la fin du XIXe s (il reste très peu de Juifs à
Tbilissi). Nous sommes ensuite passés devant le séminaire, et la
cathédrale Sioni (სიონის საკათედრო ტაძარი) dans laquelle nous ne sommes
pas entrés.
J’ai déjà évoqué le pont de la Paix vers lequel nous avons en dépit de
l’heure effectué un crochet : il faut dire qu’il y avait dans notre
groupe quelques bobos bien atteints et comme il se doit fanatiques de
ce genre de réalisation.
Les bobos aiment beaucoup le verre d’ailleurs, à l’instar de nos dirigeants (je n’irai pas jusqu’à évoquer de
nouveau la pyramide du Louvre). D’ailleurs il ne m’étonnerait pas
que le petit Néron qui nous tient lieu actuellement de président,
profite de l’incendie opportunément survenu à Notre-Dame,
pour nous réaliser non pas une Troyade mais une flèche à son goût (et
je vous donne en mille qu’elle sera en verre).
De ce parcours express dans la vieille ville de Tbilissi (une partie
du groupe prenait l’avion dès le lendemain matin sans donc avoir la
possibilité d’y retourner) nous n’aurons finalement pris le temps que
pour une unique visite : l’église d’Antchiskhati (ანჩისხატი) qui
daterait du 6e siècle.
Nous avons ensuite retrouvé notre véhicule pour un bref trajet
jusqu’au sommet de la citadelle. Trajet au cours duquel nous avons
brièvement aperçu la place de la Liberté (sur laquelle nous
retournerions le lendemain avec une partie du groupe), qui constitue le
cœur politique de Tbilissi, avec en son centre une statue de
Saint-Georges que j’ai déjà évoquée. Nous sommes également passés aussi
sous la villa d’Ivanichvili et avons aperçu le jardin botanique qui
aurait également bénéficié de son mécénat.
Nous avons atteint la forteresse alors que le soleil était couché et
que certains monuments étaient déjà illuminés. Nous n’avons pas visité
la forteresse (Narikala) mais nous sommes contentés de regagner le centre-ville à
pied. J’ai photographié cette statue gigantesque appelée Kartlis Deda (ქართლის დედა)
et que l’on voit depuis toute la ville (nous avions déjà pu
l’apercevoir un peu plus tôt depuis l’église Métékhi). Une fois n’est
pas coutume, il ne s’agit pas d’un coup de Saakachvili mais d’une
réalisation d’époque soviétique. Le rapprochement avec la « mère Arménie » présentée en début de voyage vient d’ailleurs assez naturellement à
l’esprit, surtout qu’il semblerait que la signification du nom soit du
même accabit. Kartlis Deda fut en l’occurrence érigée en 1958 à
l’occasion du 1500e anniversaire de la ville de Tbilissi.
Quant à savoir s’il existe une réalisation similaire dans toutes les
capitales des ex républiques soviétiques : je n’en sais rien (et je
n’ai pas ce genre de souvenir en ce qui concerne Tachkent ou Almaty).
Quelques photos prises pendant la descente, pour lesquelles j’ai bien
évidemment regretté l’absence de soleil. On notera devant le marchand
de souvenirs le panneau triligue (géorgien russe et anglais) : le fait
est qu’en dépit du conflit récent les Russes forment le plus important
contingent de touristes à Tbilissi, en tout cas depuis le départ
de Saakachvili (ils peuvent d’ailleurs venir en Géorgie sans visa
même si la réciproque n’est pas vraie).
Nous avons regagné la vieille ville par le quartier des bains turcs.
L’occasion pour notre guide de nous raconter que le nom Tbilissi vient
de tpili qui en géorgien signifie chaud ; chaleur qui ne fait référence
ni au climat, ni à la qualité (supposée ?) de l’accueil de ses
habitants, mais bien à la présence de sources sulfurées. La légende
raconte que la source fut découverte au 5e siècle lors d’une
chasse royale au cours de laquelle un faisan et un faucon qui le
poursuivait se noyèrent tous deux dans cette source. Quoi qu’il en soit,
des bains turcs sont maintenant aménagés ici et sont utilisés par les
Géorgiens toutes confessions confondues (et hop un petit coup de
vivre-ensemble !).
La visite s’est achevée dans un café (avec pourboire à la clef pour
notre guide d’un soir). Nous avons ensuite regagné l’hôtel pour ne plus
en sortir, la majorité d’entre nous ne souhaitant pas ressortir dîner.
Le groupe a quitté Tbilissi en ordre dispersé. Mon compagnon de
chambre devait partir à 3h45 du matin, mais nul ne l’avait éveillé !
C’est moi qui, étant éveillé à ce moment, ai dû m’en charger le faisant lever en catastrophe (ce qui a
été épique car il y voyait mal). Le lendemain, notre groupe était réduit
à quatre et il restait une bonne demi-journée pour une nouvelle balade
en ville. Comme souvent en pareil cas, j’avais le choix entre m’y rendre
seul pour un maximum de visites, ou bien accompagner les autres au
risque de perdre beaucoup de temps dans les boutiques. J’ai choisi la
seconde option (comme il s’agissait de trois filles je n’ai pas trop osé
faire l’ours), mais je l’ai un peu regretté. Je m’en souviendrai deux
ans plus tard à Sofia.
Pour commencer, nous sommes partis tard, très tard. Apparemment ce
voyage passé à courir après l’horaire avait pesé à certaines (ce que
l’on peu comprendre). Nous avons donc commandé un taxi pour 10h15…
lequel n’est jamais venu. Le réceptionniste de l’hôtel nous a expliqué
que trouver un taxi à cette heure était compliqué, il valait mieux
essayer d’en héler un dans la rue. J’ai alors suggéré comme alternative
au taxi, de nous rendre au centre en métro. Renseignement pris, ce
dernier se trouvait à 10 min à pied de l’hôtel. Ma suggestion a été
retenue en dépit de quelques réticences, nous avons emprunté le métro (à l’aller comme au retour) et ne l’avons pas regretté.
Il s’agit d’un métro de conception soviétique avec des stations
profondément enterrées et des escalators interminables, similaires à
ceux du métro de Saint-Pétersbourg. Autre point qui n’a manifestement guère changé depuis
l’ère soviétique, la présence au bas de ces escaliers roulants d’une
petite vieille dans une cahute qui surveille en permanence
l’installation, prête à activer l’arrêt d’urgence en cas de pépin. Un
autre détail m’a énormément surpris concernant le comportement des
voyageurs, à mille lieux de ce que l’on peut observer à Paris. Lorsque
nous sommes montés dans la rame, l’affluence n’y était pas excessive,
mais les places assises étaient toutes occupées.
Pourtant un jeune homme qui était assis, en voyant entrer notre groupe
majoritairement constitué de femmes, s’est immédiatement levé, par
galanterie, afin de laisser sa place à l’une d’entre elles ! (Il
semblerait d’après ce qu’on lit dans les guides touristiques, que la
vision de la femme et de la famille reste assez traditionnelle, en
Géorgie comme en Arménie, et ce en dépit des efforts de la
clique mondialiste pour faire changer les choses).
Nous sommes descendus du métro au début de l’avenue Roustavéli
(რუსთაველის გამზირი), artère commerciale qui constitue les « Champs
Élysées » de Tbilissi. C’est un choix de mes compagnes, j’aurais préféré
continuer une station plus loin (les stations étant assez éloignées) ;
j’ai de fait jugé le parcours de cette longue
avenue plus que décevant. D’autant qu’une fois au bout, il était trop
tard pour effectuer des visites (comme par exemple celle de la
cathédrale).
Parmi les bâtiments photographiés dans la série ci-dessus, en pourra
mentionner l’Opéra de Tbilissi, ainsi que l’ancien bâtiment du Parlement
(puisque ce dernier a été délocalisé à Koutaïssi, ainsi que je l’ai déjà signalé).
Au bout de l’avenue Roustavéli se trouve la place de la Liberté (თავისუფლების მოედანი, Tavisuplebis moedani)
que j’ai déjà évoquée dans ces lignes. Nous avons cette fois-ci pu
pleinement admirer la toute récente statue de Saint-Georges, inaugurée en 2006.
Nous avons ensuite eu du temps pour une dernière petite balade dans
les rues de la vieille ville. L’avantage par rapport à la veille au soir
était bien évidemment la lumière.
Seule visite finalement effectuée au cours de
cette matinée : la synagogue de Tbilissi. Je passerai sur ce choix
typiquement bobo de préférer cette synagogue (XIXe s.) à la cathédrale orthodoxe du XIIe
siècle. Une curiosité, sans plus. La visite était en principe gratuite,
mais la personne (je ne sais pas si c’était le rabbin) qui nous a
ouvert la porte nous a clairement fait comprendre qu’une gratification
était souhaitée. Ce dont mes compagnes se sont (a posteriori)
montrées offusquées. Sans doute moins naïf qu’elles, c’est finalement
moi qui ai allongé le bakchich, avec un reste de monnaie géorgienne qui
sans cela et comme à l’accoutumée aurait fini dans un tiroir à Paris,
au profit de facto du Trésor géorgien.
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