Haute route du mont Blanc

Haute route du mont Blanc

Monter en haut du mont Blanc était pour moi un rêve d’enfant. Et j’ai eu la chance de pouvoir le réaliser très jeune, à 24 ans, ce qui m’a sans nul doute ouvert la porte pour d’autres aventures.

En 1993, donc, j’étais étudiant en première année de thèse, je faisais de la physique fondamentale dans un laboratoire très académique. Mais comme j’avais signé avec la Défense, j’avais ma chance de disposer d’un salaire bien supérieur à la plupart de mes collègues doctorants. J’ai donc pu m’offrir pour mes premières vacances d’adulte, l’ascension de ce sommet mythique dans le cadre d’un séjour organisé à la montagne. Ce voyage (vendu par l’agence Terres d’Aventure, que j’avais d’ailleurs déjà expérimentée une fois avec mon père, et avec laquelle je repartirai ensuite pour la plupart de mes voyages internationaux) comprenait une semaine d’acclimatation en haute montagne, dans le massif du mont Blanc, avant de se terminer par l’ascension par l’itinéraire dit des « trois monts Blancs ». Le tout encadré par deux guides de haute montagne.

Je suis parti la dernière semaine de juillet, et j’étais très inquiet pour la météo. Le temps avait été (comme bien des années) pourri pendant tout le début de l’été. Mais j’ai eu la chance d’avoir un temps magnifique, non seulement pour l’ascension, mais pendant les jours de trekking qui ont précédé.

Il faisait néanmoins très beau le jour où j’ai pris le train pour Saint-Gervais, j’ai noté que le mont Blanc était bien visible lorsque le train a atteint la gare de Sallanches (la montée par la voie étroite dans la vallée de Chamonix est également magnifique). Par contre, dès le lendemain il pleuvait à verse, et la météo était pessimiste pour les jours à venir.

Le rendez-vous était au gîte des Moussoux, un peu avant Chamonix. Le groupe comprenait dix personnes (dont j’étais naturellement le plus jeune), encadré par deux guides selon la méthode des cordées volantes : chaque guide prend trois personnes sur sa corde, les deux autres, les plus expérimentés, constituant une cordée indépendante (restant sous sa surveillance). Pour la première journée nous ne devions pas faire de randonnée ni d’alpinisme, mais seulement ce que les guides appellent « l’école de glace » : on se rend au bas d’un glacier plat et on apprend à marcher avec les crampons et à utiliser le piolet. En ce qui me concerne j’avais déjà une certaine expérience… Pour cette journée d’apprentissage, le programme parlait du glacier des Bossons : mais il devait sans doute dater de Mathusalem, car le glacier des Bossons, très accidenté et très crevassé, est totalement impropre à ce type d’activité. C’est donc au bas du glacier du Trient que nous nous sommes rendus, sur le versant suisse du massif (et au-delà du col des Montets). N’étant pas motorisé, j’ai dû me faire véhiculer par une personne du groupe, l’agence n’ayant visiblement pas prévu de logistique.

Voici l’une des quelques photos que j’ai prises ce jour là. Le temps n’était vraiment pas engageant (nous avons dû nous abriter sous un rocher pour pique-niquer, et nous avons fait l’école de glace sous la pluie).

École de glace sur le glacier du Trient, le 25 juillet 1993

Le trekking d’acclimatation commençait le lendemain : cinq jours de marche sur glacier avec nuits en refuge, avant l’assaut final. Nous devions pour commencer monter au refuge Albert Ier, au-dessus du Tour au fond de la vallée de Chamonix (un refuge où je suis retourné en 2010). Le temps était encore très bouché au petit matin, et mais il s’est ensuite et contre toute attente bien dégagé : la météo n’est pas toujours très fiable en montagne. Nous avons pour ce début de trek (et contrairement au Chamonix-Zermatt que j’ai effectué en 2010), boudé le télécabine du col de Balme, démarrant du village du Tour, à la dure. Ici le mont Blanc photographié pendant la montée.

Le mont Blanc vu du sentier du col de Balme, le 26 juillet 1993

L’arrivée au refuge offre une magnifique vue sur l’aiguille du Chardonnet (3824 m), ce jour là parfaitement dégagée.

L’aiguille du Chardonnet vue du refuge Albert Ier, le 26 juillet 1993

Pendant que nous attendions l’heure du repas (le refuge Albert Ier est toujours très populeux et il y a deux services de dîner), nous avons eu tout loisir d’observer une cordée partie faire une école de glace assez extrême sur les séracs du glacier du Tour. Cela laissait nos guides dubitatifs…

École de glace extrême sur les séracs du glacier du Tour, le 26 juillet 1993

Nous ne sommes pas partis extrêmement tôt le lendemain matin (lever à 5h). Nous avons bénéficié toute la journée d’un temps très acceptable, en contradiction totale avec toutes les prévisions météo.

Le programme de la journée était l’itinéraire dit des Trois cols (comme dans le bassin de Hongu…) : nous avons d’abord remonté la partie supérieure du glacier du Tour, jusqu’au col du même nom (3282 m). Nous sommes de là passés en Suisse sur le vaste plateau glaciaire du Trient (c’est la partie haute du glacier du Trient). Après une facile traversée nous avons rejoint la fenêtre de Saleina (3267 m) qui nous a permis de passer sur le glacier du même nom, toujours en Suisse. Ce glacier est plus pentu que le précédent, et l’accès au troisième col, le col du Chardonnet (3323 m), comporte un petit raidillon. Nous sommes alors repassés en France pour une longue descente jusqu’au glacier d’Argentière, d’où nous avons gagné le refuge d’Argentière.

La montée sur le glacier du Tour offre quelques vues sur l’aiguille du Chardonnet, l’aiguille Verte et même le mont Blanc (mais ma photo est floue). Par contre du col, seul le sommet de l’aiguille Verte est encore visible. On pardonnera l’amateurisme de la photo avec le visage en bas, mais j’étais vraiment un débutant (c’est sur ce col que j’ai effectué mon tout premier changement de pellicule, et j’avais très peur que l’appareil se bloque et que je ne puisse plus faire de photos ensuite).

L’aiguille Verte vue du col du Tour, le 27 juillet 1993

Quelques photos prises pendant la traversée du plateau du Trient (d’un blanc immaculé), avec au fond, je pense, les sommets de l’Oberland (on reconnaît sur cette autre photo les grands sommets du Valais : de gauche à droite, le Weisshorn, la dent Blanche et même le Cervin tout à fait à droite).

Traversée du plateau du Trient, le 27 juillet 1993

Les nombreuses cordées que l’on aperçoit sur la cinquième des photos précédentes montent à l’assaut de l’aiguille du Tour (3542 m), l’un des seuls sommets du massif du mont Blanc qui soit coté « F » (facile). Je n’y suis jamais monté.

Le glacier de Saleina et le Tour Noir, le 27 juillet 1993

Le glacier de Saleina est plus raide, même si cela ne se voit pas sur la photo. J’ai notamment noté que le guide avait dû nous assurer pour quitter la fenêtre de Saleina et descendre vers le glacier. Le sommet qu’on aperçoit au fond sur la photo est le Tour Noir, 3837 m (et non le Dolent comme je l’ai longtemps cru). Ce glacier offre également de beaux plans rapprochés sur l’aiguille d’Argentière (3900 m) ainsi qu’à l’horizon sur le Grand Combin.

C’est lors de la traversée de ce glacier que j’ai commis une faute de débutant dont je me souviens très bien. Alors que nous progressions encordés, j’ai voulu prendre une photo. Mais j’étais assez embarrassé avec mes gants (je n’avais pas encore appris à photographier avec des gants !) et je les ai sans doute mal rangés dans ma poche. Toujours est-il que l’un d’entre eux est tombé et parti sur la pente, poussé en outre par le vent. Le glacier à cet endroit n’était pas très raide, le gant s’est arrêté après 150 m de glissade d’après ce que j’ai pu noter. Toujours est-il que le guide a préféré que nous allions le chercher. Et comme on ne se décorde pas sur un glacier, c’est toute la cordée de quatre personnes qui a dû par ma faute effectuer ce petit dénivelé supplémentaire (bel exemple de solidarité montagnarde n’est-ce pas ?).

En tout cas je fais depuis cette aventure toujours très attention à mes gants quand je prends des photos !

La traversée du glacier de Saleina se termine par une montée beaucoup plus raide (quoique assez brève) pour atteindre le col du Chardonnet. Plusieurs de mes compagnons de cordée, plus âgés, peinaient pas mal dans cette montée. J’ai en outre noté dans mes tablettes qu’il y avait une difficulté technique pour le franchissement de la rimaye (il a fallu passer par le rocher tout en conservant les crampons au pied, le genre de manœuvre que je n’ai jamais tellement apprécié).

Montée vers le col du Chardonnet, le 27 juillet 1993Montée vers le col du Chardonnet, le 27 juillet 1993

Le col du Chardonnet offre une très belle vue sur l’aiguille Verte et son célèbre couloir Couturier. Malheureusement un nuage passait à ce moment là et le fond du ciel était laiteux (cela s’est dégagé ensuite mais j’ai noté que le sommet de l’aiguille Verte est resté voilé pendant deux jours). La descente vers le glacier d’Argentière (d’abord par un glacier assez crevassé, puis par les éboulis et des névés) est assez longue.

Descente vers le glacier d’Argentière, le 27 juillet 1993

La remontée du glacier d’Argentière vers du refuge du même nom n’est pas très pentue, mais le glacier est assez crevassé. Pourtant, et bien qu’il y ait des névés recouvrant certaines crevasses, le guide n’a pas jugé utile de nous encorder. (Je n’ai sans doute pas tout compris à la logique de la sécurité en montagne). Le fond du glacier d’Argentière est fermé par un ensemble de parois à pic dominées par le mont Dolent (le point triple frontalier, 3823 m), c’est assez photogénique.

Halte sur le glacier d’Argentière, le 27 juillet 1993

Nous sommes arrivés assez tôt au refuge et avons eu tout loisir d’admirer le paysage. Nous avons également pu observer une cordée engagée dans la voie dite des Suisses, un couloir de neige très raide sur les Courtes. Ils en étaient aux trois quarts de la montée (après être partis à l’aube) à l’heure où nous sommes arrivés au refuge, et nous les avons vus déboucher sur la crête dans la soirée (mais nous ne savons pas comment ils ont passé la nuit). Notre guide nous a expliqué qu’il est nécessaire d’avoir entrepris plusieurs courses de ce type pour passer la qualification de guide de haute montagne.

Le mont Dolent vu du refuge d’Argentière, le 27 juillet 1993

Si le refuge d’Argentière est situé dans un cadre magnifique, j’ai gardé un souvenir atroce de la nuit que j’y ai passée. Car d’une part le dortoir, placé sous la salle à manger, était particulièrement froid. Mais surtout, les couchettes était tellement étroites qu’il était impossible de se retourner sans réveiller ses deux voisins. Même dans un avion on dort mieux ! Ça a été la pire de toutes mes nuits en refuge.

La journée suivante s’est organisée de manière plutôt bizarre. Au programme initial était prévue une étape très longue : montée depuis le refuge d’Argentière au col des Grands Montets, d’où redescente jusqu’à la mer de glace par le pas de Chèvre, d’où nous aurions gagné le refuge du Requin, après avoir traversé le glacier. Mais les conditions d’enneigement paraît-il mauvaises ont obligé les guides à écourter ce programme. Cela s’est donc traduit par une montée au Grands Montets d’où nous sommes redescendus… en téléphérique ! De là, direction le train du Montenvers d’où nous avons ensuite gagné le refuge du Requin. J’avoue que, toujours 20 ans après, ce changement de programme me laisse dubitatif. D’une part parce qu’il nous conduisait à emprunter deux remontées mécaniques, sans supplément de prix. Et d’autre part parce qu’outre le caractère particulièrement soutenu de l’étape, le programme originel eût sérieusement compliqué la logistique (il aurait fallu emporter la nourriture pour la semaine et non pour trois jours).

Quelques personnes du groupe se sont montrées assez contrariées de ce changement de programme. Et c’est vrai qu’à cause de cela, nous ne pouvons pas dire que nous avons fait le Mont Blanc de façon « éthique » (tout à pied depuis la vallée). (Sachant que nous avons également emprunté la benne au plan de l’Aiguille, le dernier jour à la descente).

La montée jusqu’aux Grands Montets est assez ennuyeuse. Le glacier des Rognons est monotone, le paysage ne change guère et la météo ce matin là était mitigée.

Montée vers le col des Grands Montets, le 28  juillet 1993

Mais le plus pénible de cette montée, c’est d’aller prendre le téléphérique ! Car la station d’arrivée de ce dernier est juchée en haut d’un piton rocheux (l’aiguille des Grands Montets, 3295 m), dont on atteint le sommet par un escalier métallique interminable.

Quelques photos prises de l’aiguille des Grands Montets : le mont Blanc, l’itinéraire d’accès à la Petite Aiguille Verte et les Préalpes (le massif des aiguilles Rouges et le désert de Platé en arrière-plan).

Le Mont Blanc vu des Grands Montets, le 28 juillet 1993

Changement de décor ensuite, avec le petit train du Montenvers, haut lieu du tourisme de masse, des wagons entiers de Perrichon venus siroter un whisky face à la Mer de Glace. Ou pour les plus courageux d’entre eux, entreprendre une descente jusqu’à la grotte de glace.

Les photos du lieu sont du coup assez bateau. Ici la mer de Glace vue du Montenvers (malheureusement à contre-jour vu l’heure). On aperçoit sur l’autre photo, outre l’aiguille des Grands Charmoz, la petite aiguille de la République, dont l’ascension constitue paraît-il, encore de nos jours, un défi (notre guide ne l’avait jamais faite).

La Mer de Glace et les Grandes Jorasses vues du Montenvers, le 28 juillet 1993

Ici le pique-nique que nous avons pris à peine descendus du train (malgré l’heure encore un peu précoce), afin de ne pas avoir à redescendre les ordures.

Pique-nique au Montenvers face à l’aiguille Verte, le 28 juillet 1993

La descente jusqu’au glacier s’effectue par des échelles plutôt impressionnantes ! Ensuite on progresse à même la glace en slalomant entre les nombreuses crevasses. Il y a tellement de passage qu’une sorte de sentier est visible sur le glacier.

Progression sur la Mer de Glace, le 28 juillet 1993

Nous avons remonté la Mer de Glace sans corde ni crampons, ce qui m’a permis de prendre de nombreuses photos (d’ordinaire, je n’osais pas trop stopper la cordée pour prendre une photo).

Arrivée au pied de la cascade du glacier du Géant, le 28 juillet 1993

Ensuite on quitte le glacier pour sa rive gauche. Avec, pour accéder au refuge du Requin, une série d’échelles. Je n’ai pas pu en prendre de photos car j’avais dû mettre l’appareil dans le sac, j’ai noté (avec mon appréciation de vingt-cinq ans) que ces échelles étaient plus épuisantes que vertigineuses. C’est vrai que la journée avait été fort longue, et je n’ose imaginer ce qu’il en eût été si nous avions emprunté l’itinéraire prévu par le pas de Chèvre.

Depuis le refuge du Requin, le 28 juillet 1993

J’ai gardé du refuge du Requin un bien meilleur souvenir que de celui d’Argentière. L’accueil était très convivial (deux jeunes gardiennes qui avaient préparé des tartes maison, succulentes) et les dortoirs bien plus spacieux.

Nous avons fait la grasse matinée le lendemain : lever à 5 h ! Décidément, nous nous laissions aller. Il est vrai que l’étape était assez courte (nous sommes arrivés au refuge pour midi). Nous avons eu, au cours de cette journée, un temps parfait.

Il s’agissait de remonter les séracs du glacier du Géant jusqu’au refuge des Cosmiques (3613 m). En quittant le Requin nous n’avons pas redescendu les échelles, mais abordé tout de suite le glacier en chaussant les crampons. Nous avons utilisé des ponts de neige pour franchir la barrière de séracs (cet itinéraire est paraît-il plus problématique en fin de saison).

En quittant le refuge du Requin, le 29 juillet 1993

Une pause pendant la progression sur le glacier.

Pause pendant la progression sur le glacier du Géant, le 29 juillet 1993

Le cirque glaciaire du glacier du Géant est magnifique. L’endroit m’était néanmoins assez familier car j’y étais déjà venu deux ans auparavant. L’endroit est d’ailleurs très aménagé : pistes de skis, télécabine de la vallée Blanche qui passe au-dessus (très au-dessus, d’ailleurs). Et puis on ne s’en rend pas compte, mais à deux kilomètres sous terre se trouvent les camions du tunnel du Mont-Blanc.

Au pied du mont blanc du Tacul, le 29 juillet 1993

Il y avait une autre raison pour laquelle je connaissais ces paysages par cœur : une émission de télévision particulièrement originale (pour ne pas dire farfelue), mais qui m’avait beaucoup plu car elle conjuguait deux de mes centres d’intérêt pourtant à première vue très éloignés : la montagne et la musique classique. Utilisant selon toute vraisemblance des moyens techniques colossaux, la chaîne (France 3) avait organisé un concert en éparpillant les musiciens sur l’ensemble du massif. L’œuvre interprétée : la Fantaisie chorale op. 80 de Beethoven (à l’époque l’un de mes morceaux préférés). Pour ce faire, ils avaient donc placé l’orchestre dans un pré de la vallée de Chamonix, avec vue sur les aiguilles ; les chœurs, au col des Grands Montets ; le pianiste et son piano à queue, tout seul dans la neige au pied du refuge des Cosmiques (le générique de l’émission montrait d’ailleurs l’hélitreuillage dudit piano). Quant au chef d’orchestre Hugues Rainer, en grande tenue de concert (j’espère quand même qu’il portait un Damart !), on l’avait carrément placé au sommet du mont Blanc. Il avait quand même l’air un peu ridicule à s’agiter tout seul dans le vide, pendant que la caméra héliportée lui tournait autour. En tout cas je ne sais pas comment ils faisaient, mais tout ce monde jouait parfaitement ensemble. Je n’aime pas beaucoup la télé en général (je ne la regarde d’ailleurs presque plus), mais je dois avouer que cette émission (tournée comme prémonitoirement le long de l’itinéraire exact de mon trek au mont Blanc) m’a vraiment scotché. Et ces Schmeichelnd hold sur fond de Grandes Jorasses m’ont hanté pendant toute cette journée.

Beethoven résonne encore ! (29 juillet 1993)

Le refuge des Cosmiques était, à l’époque de mon ascension, très récent (il a ouvert en tant refuge en 1987, c’était auparavant un observatoire). Il est relativement confortable (équipé même de l’électricité, grâce à un raccordement au réseau EDF via l’aiguille du Midi). Seul gros défaut, l’absence d’eau courante, les bouteilles d’eau étant vendues 15 F l’unité.

Arrivée au refuge des Cosmiques, le 29 juillet 1993La voie d’accès au Tacul, le 29 juillet 1993

En tout cas la vue depuis ce refuge (où nous avons passé tout l’après midi) est magnifique. Avec ici comme première image, la montée vers le Tacul (que nous allions emprunter le lendemain, ou plutôt la nuit suivante).

Le Tacul vu du refuge des Cosmiques, le 29 juillet 1993Le dôme et l’aiguille du Goûter (et le glacier des Bossons) vus du refuge des Cosmiques, le 29 juillet 1993
    

Malgré l’altitude je n’ai pas trop mal dormi au refuge des Cosmiques. Mais la nuit a été bien écourtée ! Lever 1h30, départ 2h30 dans une cohue inimaginable. Face à nous, la pente du mont Blanc du Tacul telle un sapin de Noël, illuminée par les frontales des alpinistes qui nous avait précédés. Je ne sais pas pourquoi, mais quand je quitte un refuge pour entamer une ascension j’ai toujours l’impression d’être parmi les derniers.

Nous avons progressé trois bonnes heures dans l’obscurité, le long d’une trace très bien marquée qui décrivait des lacets réguliers, en dehors de quelques crevasses qu’il fallait éviter. Je n’ai évidemment pris aucune photo, et nous n’avons fait aucun arrêt avant le col Maudit (au-delà du Tacul dont nous ne sommes pas passés au sommet), deux heures trente après notre départ.

Le jour a ensuite commencé à se lever, mais j’ai fait la sottise de ne pas sortir tout de suite mon appareil du sac (ce qui n’était ensuite guère possible une fois repartis, encordés et sur une pente parfois marquée). Ce qui fait que je n’ai pas plus prendre en photo le dôme sommital du mont Blanc, lorsqu’il s’est soudain dévoilé à nous par-dessus la brèche du mont Maudit. Une photo qui eût été vraiment magnifique, cette calotte à portée de main comme on n’a pas l’habitude de la voir, éclairée par la lumière de l’aube. C’est là mon plus grand regret dans cette ascension.

Le franchissement de la brèche du mont Maudit puis la descente jusqu’au col de la Brenva (alt. 4350 m) constitue le passage clef de l’ascension par l’itinéraire des trois monts Blancs. C’est lui qui justifie le classement « PD » (petite difficulté) plutôt que « F » (facile). Pour ce passage, nos guides avaient préparé des broches à glace et autre matériel qui aurait pu permettre de nous assurer. Mais ils n’en ont finalement pas eu besoin : la glace était recouverte et la température, exceptionnellement doute, amollissait suffisamment la neige pour nous permettre de passer aisément.

Voici donc les premières photos que j’ai pu prendre du col de la Brenva, c’était malheureusement moins bien que depuis la brèche du Maudit. Le sommet du mont Blanc est au second plan. On peut également voir, sur cette photo, la trace sur laquelle nous venons de passer pour redescendre du mont Maudit.

Le mont Blanc vu du col de la Brenva, le 30 juillet 1993

Il restait encore 500 m à gravir, mais ils m’ont paru extrêmement faciles tellement j’étais enthousiaste. Aucune gêne particulière due à l’altitude, la semaine d’acclimatation préalable avait bien rempli son rôle. Voici quelques photos prises sous le sommet, je pense vers 4500 m (difficile de savoir où exactement, on ne parlait pas de géolocalisation à cette époque !)

Vers 4500 m, le 30 juillet 1993 (vue vers le mont Maudit et l’aiguille Verte)

Tout à coup, alors que nous progression à une allure très régulière, j’ai eu la surprise de découvrir une foule compacte en travers du chemin : c’est comme ça que j’ai réalisé que nous étions arrivés au sommet ! Il faisait beau, très doux, sans pratiquement aucun vent. Du coup, les gens s’éternisaient là haut. Notre guide nous a dit que c’était loin d’être tous les jours comme cela.

Évidemment j’ai pris du sommet une pléthore de photos. Même si, malheureusement, il n’y en a presque pas une où il n’y ait pas une tête dans le champ.

Du mont Blanc en direction de l’aiguille du Midi, le 30 juillet 1993

On peut voir que le sommet est une véritable autoroute !

Certains prétendent que la vue du sommet du mont Blanc n’est pas si belle car les autres montagnes sont écrasées. Je trouve cela discutable. Il est vrai néanmoins qu’on domine toute la moyenne montagne de très haut, ce qui donne un peu l’impression d’être en avion.

Le massif des Aravis vu du sommet du mont Blanc, le 30 juillet 1993

Une fois que nous étions redescendus de quelques centaines de mètres, une personne de groupe a dit qu’elle avait oublié de regarder le versant italien du sommet ! Je ne sais pas si elle y est retournée depuis. En tout cas voici ledit versant, avec l’arête qui mène au mont Blanc de Courmayeur (4748 m), le plus haut sommet d’Italie (puisque comme chacun sait et quoiqu’en dise Wikipedia, le sommet du mont Blanc fait ENTIÈREMENT partie de notre beau pays).

Le mont Blanc de Courmayeur vu du mont Blanc, le 30 juillet 1993

Bien sûr cela n’a rien à voir, mais c’est bien d’Italie que venait le mauvais temps ce jour là… (Le lendemain matin il pleuvait à verse.)

Nous avons ensuite entamé la descente par la voie normale, c’est-à-dire l’arête des Bosses. Comme j’étais le dernier de cordée à la montée, je me suis retrouvé en tête pour redescente, avec le délicat honneur donc de m’engager le premier sur cette voie. Heureusement elle n’a rien de vertigineux, les pentes des deux côtés sont modérées et le passage des alpinistes avait damé une allée d’au moins un mètre de large !

Je n’ai pas photographié l’arête des Bosses, mais j’ai quand même pu prendre quelques belles photos un peu plus bas, à la hauteur du refuge Vallot (j’ai dû faire arrêter la cordée). Ici le mont Maudit, la trace horizontale qui le coupe est celle que nous avions empruntée à la montée.

Le mont Maudit vu du refuge Vallot, le 30 juillet 1993

Nous ne sommes pas redescendus par l’itinéraire normal de l’aiguille du Goûter et son fameux couloir, mais par le glacier des Bossons et le refuge des Grands Mulets. Il s’agit de la voie historique qui est plus facile, mais bien plus dangereuse, car il y a des séracs suspendus qui ne demandent qu’à partir. Notre guide nous a demandé à cet endroit de nous taire et de marcher le plus vite possible. Ensuite le glacier des Bossons qu’il faut traverser est lui aussi très crevassé et très tourmenté.

Début de la descente vers les Bossons (au fond, l’aiguille du Midi), le 30 juillet 1993

Nous ne sommes pas véritablement passés par le refuge des Grands Mulets, qui est construit sur un promontoire rocheux donc qui aurait nécessité un détour. Pourtant, le programme de Terdav prévoyait d’y dormir ! En réalité, sauf en cas de mauvais temps et de retard important, les guides ont l’habitude de redescendre à Chamonix dans la journée. Donc, nous avons achevé la difficile traversée du glacier. Une fois sur la berge, nous nous sommes retrouvés dans une improbable friche industrielle : on trouvait les restes tout rouillés d’un ancêtre du téléphérique de l’aiguille du Midi, le téléphérique des Glaciers. Ce téléphérique fut fermé après la guerre.

La descente n’était néanmoins pas tout à fait terminée : il restait 1h30 de marche jusqu’au plan de l’Aiguille, incluant même la traversée d’un petit glacier, le glacier des Pèlerins (tout plat et sans crevasses). Arrivés au téléphérique à 16h30 (après 14 de marche et 2500 m de dénivelé négatif) il nous fallait encore… faire la queue, puis nous entasser dans la cabine tel le parisien moyen dans une rame de métro. Que nous ne nous soyons pas lavés depuis une semaine ne nous gênait pas le moins du monde, mais nous avons entendu des passagers se plaindre des odeurs.