Voyage en Éthiopie

Éthiopie : Lalibela, Guéralta et Simien

J’ai effectué ce voyage en janvier 2017 : mon premier déplacement en Afrique depuis sept ans (alors que je m’y étais si souvent rendu par le passé). Je ne reviendrai pas sur la malheureuse et je le crains irréversible dégradation des conditions géopolitiques à l’origine de ce renoncement, ni sur l’évidente responsabilité de nos dirigeants politiques. Seul pays de sa région qui ne soit pas musulman, l’Éthiopie fait toutefois figure de relatif havre de paix au milieu de ce chaos généralisé, et les voyages touristiques y restent possibles.

Avant de décrire ce voyage, je commencerai par évoquer ce que je n’ai pas pu voir. L’Éthiopie est connue pour un site naturel absolument unique au monde : le lac de lave permanent de l’Erta Ale. Encore beaucoup plus spectaculaire, paraît-il, que que ceux du Vanuatu que j’avais eu la chance de visiter il y a quelques années. Mais voilà, l’Erta Ale se trouve dans une zone politiquement instable, proche de la frontière de l’Érythrée avec risques d’incursions des soldats de ce pays et prise d’otages de touristes. La zone est classée «  rouge » depuis au moins 2008, aucune agence touristique française ne s’y rend (à l’exception notable d’Aventures et Volcans qui dispose semble-t-il de passe-droits). Pourtant, d’après le guide français que nous avons rencontré sur place, les groupes de Japonais par exemple continuent de visiter l’Erta Ale sans se poser de questions.

Le voyage Allibert que j’ai effectué s’est donc cantonné au cœur historique culturel de l’Éthiopie, l’Abyssinie, de religion chrétienne (orthodoxe) depuis le 6e siècle. L’Abyssinie renferme de nombreux trésors historiques et architecturaux, dont les plus grandioses sont les églises troglodytes de Lalibela. C’est aussi une région de hauts plateaux (dépassant les 4000 m) et de paysages spectaculaires, souvent comparés à l’Ouest américain. C’est enfin un château d’eau, source du Nil Bleu et de son affluent la rivière d’Atbara, source potentielle de conflits régionaux à venir.

J’ai pris un vol direct de Paris à Addis-Abeba sur la compagnie nationale éthiopienne. À l’arrivée à l’aube, un ciel entièrement dégagé, prélude à un voyage au cours duquel nous ne verrons quasiment jamais de nuage. Quel changement par rapport à Paris ! Après un cafouillage à la réception du bagage (sur lequel je ne m’étendrai pas), nous sommes accueillis par notre fort sympathique guide Ayou, jeune Éthiopien ayant appris le français sur le tas (mais il ne se débrouille pas trop mal). Addis-Abeba (አዲስ አበባ) signifie « nouvelle fleur » dans la langue amharique (langue majoritaire en Éthiopie). C’est une ville qui grossit extrêmement rapidement, 3,3 millions en 2008 mais qui pourrait maintenant avoir dépassé les 5 millions d’habitants. Bâtie à 2300 m d’altitude, c’est le siège de l’OUA ainsi que le pied-à-terre africain d’un certain nombre d’organisations internationales. La ville a récemment été dotée d’un système de transports en communs en site propre intégral (construit par les Chinois), sorte d’intermédiaire entre le tramway et le métro aérien.

Voir le plan du séjour à Addis-Abeba

Après un petit déjeuner à l’hôtel, nous avons entamé la visite de la ville à laquelle nous allions consacrer la première journée. Nous avons pu observer que la plupart des magasins étaient fermés : nous étions le lendemain du Noël orthodoxe et la fête continuait ce jour. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de découvrir qu’il y a énormément de fêtes religieuses en Éthiopie (dont la fête de l’Épiphanie ou Timkat (ጥምቀት), le 19 janvier, dont j’aurai l’occasion de reparler) ; ces fêtes sont très suivies, la religion occupant une place très importante dans la vie des Éthiopiens. Particularité unique au monde, l’Éthiopie suit toujours un calendrier religieux (similaire au calendrier julien), dans la vie religieuse mais également pour la vie civile. Ainsi mon voyage se déroulait au mois de Taḫśaś (ታኅሣሥ) de l’année 2009 du calendrier éthiopien.

Nous avons commencé par nous rendre sur une colline boisée (forêt d’eucalyptus) dominant la ville au nord et servant en quelque sorte de parc urbain, la colline d’Entoto (እንጦጦ). Sans nous rendre jusqu’à son sommet qui culmine à 2800 m, nous sommes descendus de voiture pour admirer le paysage, avant d’entamer une petite marche d’un quart d’heure. La ville comporte beaucoup de nouveaux immeubles et quelques gratte-ciel. Il est par ailleurs manifeste que la population est très jeune.

Addis-Abeba (አዲስ አበባ) vue depuis la colline d’Entoto (እንጦጦ), le 8 janvier 2017

Passage obligé de la visite d’Addis-Abeba, le musée (pré)historique qui renferme une copie (on n’a pas le droit à l’original) des restes de l’australopithèque Lucy, unique individu (datant de 3,2 millions d’années) à partir duquel on été échafaudées tout un ensemble de théories scientifico-politico-correctes sur l’Afrique berceau de l’humanité. Je ne suis pas spécialiste du sujet, mais il semble bien que ces « acquis » soient amenés à évoluer face aux dernières découvertes récentes, au grand dam de nos bien-pensants de tout poil.

Copie de restes de l’australopithèque Lucy, musée d’Addis-Abeba (አዲስ አበባ), le 8 janvier 2017Musée d’Addis-Abeba (አዲስ አበባ), reste d’animal préhistorique, le 8 janvier 2017

Pour mémoire Lucy fut découverte en 1974 dans la vallée du Rift, à l’est de l’Éthiopie.

Le musée contient également un certain nombre de fresques orthodoxes, donnant l’occasion à Ayou de nous introduire brièvement la religion éthiopienne. Retenir quelque chose de telles explications après une nuit dans l’avion et sans prendre de notes, et un exercice auquel je concède ne pas exceller particulièrement. Un détail que j’ai retenu : lorsque les fresques présentent un personnage dont on ne voit qu’un œil, cela signifie qu’il s’agit d’un païen ou d’un mécréant. Autre particularité qui saute immédiatement aux yeux : alors que les Éthiopiens ont la peau noire (sans être tout à fait aussi sombres qu’en Tanzanie ou en Afrique de l’ouest), les personnages des fresques religieuses sont blancs.

Les Éthiopiens sont actuellement chrétiens à 60 % , majoritairement orthodoxes (il y a aussi des protestants dans le sud). L’église éthiopienne est une institution extrêmement puissante (jouant d’égal à égal avec l’état), la religion est d’ailleurs le ciment de l’unité nationale (outre le calendrier orthodoxe et les nombreuses fêtes déjà évoqués, le fait que le pays utilise un alphabet spécifique qui est celui du guèze, l’ancienne langue liturgique). Il existe aussi toute la symbolique autour de l’Arche d’alliance (coffret en or contenant les tables de la Loi), supposément ramenée de Terre Sainte en Éthiopie par le fils de la reine de Saba et du roi Salomon ; ce coffre serait conservé dans une crypte de l’église Sainte-Marie-de-Sion à Axoum, gardé par un unique moine nommé à vie, n’ayant pas le droit de sortir et qui serait la seule personne pouvant voir l’objet ; en tout cas aucun président éthiopien, pas même le féroce Mengistu, n’a osé le faire analyser tellement les Éthiopiens y croient dur comme fer).

L’islam, pratiqué par le reste de la population, est perçu je pense à juste titre comme une menace par la majorité des Éthiopiens (c’est d’ailleurs loin d’être une nouveauté). Notre guide avait beaucoup à dire sur la question. L’Éthiopie est entourée de pays musulmans (exception faite du Kenya), le plus souvent en guerre, et ces guerres amènent des réfugiés qui mathématiquement accroissent le taux d’islamisation du pays. Autre fait dénoncé par Ayou, le fait que les travailleurs éthiopiens envoyés quelques années dans le Golfe rentrent en ayant changé de religion. On voit fleurir des mosquées dans certains villages, preuve qu’il existe une puissance financière derrière. Ayou craint que les problèmes religieux constituent la source principale des conflits à venir (On aimerait qu’en France nos compatriotes fassent preuve d’autant de clairvoyance).

Après le déjeuner, nous avons terminé la journée par un petit tour en ville ; d’abord le marché principal de la ville (Merkato መርካቶ), mais presque tout y était fermé en ce jour de fête, limitant beaucoup l’intérêt de la sortie. Notre guide nous a tellement mis en garde contre les pickpockets que j’ai préféré rester dans le véhicule. Ensuite, direction l’ancienne gare d’Addis-Abeba, terminus d’une ligne qui avait été construite par les Français (le train venait de Djibouti) et aujourd’hui désaffectée. La visite de vestiges ferroviaires tend à devenir un classique des voyages organisés.

Ancienne gare de chemin de fer de la ligne de Djibouti à Addis-Abeba (አዲስ አበባ), le 8 janvier 2017Au centre d’Addis-Abeba (አዲስ አበባ), le 8 janvier 2017

Cette ligne ferroviaire a récemment été remplacée par une toute nouvelle, construite par les Chinois. Cela étant, le transport ferroviaire s’étiole (quand il ne disparaît pas purement et simplement) dans un très grand nombre de pays du monde, comme j’ai pu l’observer au cours de mes récents voyages (Soudan, Albanie, Arménie, Colombie, et dernièrement Madagascar). Espérons que la grève SNCF en cours (2018) ne soit pas le signe annonciateur d’une semblable évolution en France !

De retour à l’hôtel nous avons pu goûter au café traditionnel éthiopien. La préparation est très longue car on fait d’abord griller les grains de café, puis on les passe devant convives pour qu’ils soient humés.

Nous avons pris le lendemain matin un vol pour Lalibela (ላሊበላ), ville religieuse ultra-touristique du nord de l’Éthiopie. Bizarrement notre groupe a été scindé sur deux vols, la moitié (dont je faisais partie) prenant un vol direct et l’autre faisant escale à Gondar. Le survol des hauts plateaux éthiopiens est parfois assez spectaculaire. Refusant à l’arrivée les services des chauffeurs de taxis plus ou moins officiels, nous avons attendu nos compagnons dans une aérogare entre deux vols complètement déserte ce qui laissait une impression étrange.

Voir le plan du séjour à Lalibela

Une grosse journée de visite culturelle nous attendait, les explications de notre guide étaient fournies et mon taux de rétention, comme d’habitude, assez faible. Surnommée la Jérusalem noire et construite selon un plan s’inspirant vaguement de son modèle (un ru à sec symbolisant le Jourdain), Lalibela est connue pour son ensemble d’églises rupestres monolithiques ou semi-monolithiques, classées au patrimoine de l’Unesco. Bâties par le roi éponyme (Lalibela), ses églises dateraient du XIIe siècle. Ces dernières années, au nom de la protection des vestiges, l’Unesco et le gouvernement éthiopien ont délogé les habitants dont les habitations jouxtaient depuis toujours les églises, et ont recouvert ces dernières (à l’exception notable de Biete Ghiorghis, la plus célèbre) de fort hideux hangars de protections : deux points qui ne laissent pas de faire polémique.

Une rue de Lalibela (ላሊበላ), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), rivière asséchée symbolisant le Jourdain, le 9 janvier 2017

Nous avons entamé la visite par la plus grande des églises de Lalibela, Bieta Medhane Alem (ቤተ መድኃኔ ዓለም). Cette église serait la réplique de la cathédrale Sainte-Marie-de-Sion à Axoum, le lieu de culte principal de l’Église éthiopienne, détruit par les musulmans au XVIe s. (Ahmed Ibn Ibrahim Al-Ghazi). L’église Bete Medhane Alem serait la plus grande église monolithique du monde. À l’instar de beaucoup d’églises éthiopiennes, elle possède trois entrées, respectivement pour les hommes, les femmes et les prêtres. Il faut pour y entrer, non seulement se découvrir, mais aussi se déchausser, comme dans les mosquées.

Lalibela (ላሊበላ), église de Bete Medhane Alem (ቤተ መድኃኔ ዓለም), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), église de Bete Medhane Alem (ቤተ መድኃኔ ዓለም), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), intérieur de l’église de Bete Medhane Alem (ቤተ መድኃኔ ዓለም), le 9 janvier 2017

Seule la première partie de l’église est visitable. Le fond de l’église, masqué par un rideau comme dans les églises grecques, contient une copie de l’Arche d’alliance et n’est accessible qu’aux prêtres.

Notre guide, qui connaît bien le prêtre de cette église, obtient de lui qu’il nous montre quelques instants (bien sûr moyennant bakchich) la croix de Lalibela. Cette croix serait en or (en fait, cette scène se répètera dans la quasi-totalité des églises que nous visiterons, mettant fortement en doute que ce soit au bénéfice d’un privilège que nous ayons vu et photographié cette croix).

Lalibela (ላሊበላ), le prêtre de l’église de Bete Medhane Alem (ቤተ መድኃኔ ዓለም), le 9 janvier 2017

L’église voisine de Bieta Maryam.

Lalibela (ላሊበላ), intérieur de l’église de Bieta Maryam, le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), intérieur de l’église de Bieta Maryam, le 9 janvier 2017

L’extérieur de l’église de Bieta Maryam. L’autre photo montre une curiosité, la juxtaposition de tous les types de croix que l’on rencontre sur les églises éthiopiennes.

Lalibela (ላሊበላ), église de Bieta Maryam, le 9 janvier 2017

On trouve au voisinage de ces deux monuments, deux autres églises plus petites : tout d’abord, ci-dessous, Bieta Golgotha-Sélassié (ቤተ ጎልጎታና ሥላሴ የጸሎት ቤት) dont les bas-reliefs représentent sept figures humaines. Et ensuite Biete Debré Sina (ቤተ ደብረሲና) dont je n’ai pas pris de photo. L’une des salles de Bieta Golgotha-Sélassié est interdite aux femmes, pour une raison qui m’a échappé (la salle en question n’est pas non plus la plus intéressante).

Lalibela (ላሊበላ), église de Bieta Golgotha-Sélassié (ቤተ ጎልጎታና ሥላሴ የጸሎት ቤት), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), église de Bieta Golgotha-Sélassié (ቤተ ጎልጎታና ሥላሴ የጸሎት ቤት), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), bas-relief dans l’église de Bieta Golgotha-Sélassié (ቤተ ጎልጎታና ሥላሴ የጸሎት ቤት), le 9 janvier 2017

Deux vues donnant une idée de l’enchevêtrement de passages entourant les églises. Le petit édifice monolithique quasi-suspendu à droite est surnommé le tombeau d’Adam.

Lalibela (ላሊበላ), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), tombeau d’Adam, le 9 janvier 2017

Après le groupe nord-ouest de Lalibela que constituent toutes ces églises, nous avons consacré l’après-midi au groupe sud-est. Avec pour commencer la très originale église de Bete Gabriel Rufael (ቤተ ገብርኤል ወሩፋኤል), qui tout en étant creusée dans le sol trouve le moyen d’être également perchée. Son accès historique (qui n’est heureusement pas celui qu’empruntent les visiteurs !) c’est cette très étroite arête en pente, surnommée la voie du Paradis.

Lalibela (ላሊበላ), église Bete Gabriel Rufael (ቤተ ገብርኤል ወሩፋኤል), le 9 janvier 2017

De l’église proprement dite voici maintenant quelque vues (je confesse que le cliché des deux fidèles éthiopiennes est une photo volée).

Lalibela (ላሊበላ), église Bete Gabriel Rufael (ቤተ ገብርኤል ወሩፋኤል), le 9 janvier 2017

D’autres vues du secteur sud-est. L’église en restauration (la plus vaste) est celle de Bieta Emmanuel (ቤተ አማኑኤል).

Lalibela (ላሊበላ), église Bieta Emmanuel (ቤተ አማኑኤል), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), le 9 janvier 2017

Ayou nous fait ensuite emprunter un tunnel totalement obscur (en ayant volontairement omis de nous suggérer d’emporter nos frontales). Il a fallu progresser à tâtons, en serrant obligatoirement à droite : je me suis demandé si par hasard il n’y avait pas un abîme de l’autre côté, je n’ai toujours pas la réponse. Nous avons in fine débouché dans la lumière (au terme de ce qui constituait bien sûr un parcours spirituel) dans l’église de Bieta Mercurios (ቤተ መርቆሬዎስ). Cette église est l’une des rares à posséder des fresques d’époque (mais ces dernières sont très délabrées).

Lalibela (ላሊበላ), église Bieta Mercurios (ቤተ መርቆሬዎስ), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), église Bieta Mercurios (ቤተ መርቆሬዎስ), le 9 janvier 2017

Dans ces églises s’est reproduit le rituel de la présentation subreptice de la croix par le prêtre… Ici respectivement les croix de Bieta Mercurios puis Bieta Emmanuel, nous aurons encore droit à Saint-Georges en fin de journée.

Lalibela (ላሊበላ), église Bieta Mercurios (ቤተ መርቆሬዎስ), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), église Bieta Emmanuel (ቤተ አማኑኤል), le 9 janvier 2017

Pour ce qui est de l’église de Bieta Emmanuel (la seule du secteur qui soit entièrement monolithique), je n’en présente pas de photo. Elle présente toutefois une originalité : son issue située dans un angle, qui était à l’origine un repère creusé par un ermite et qui s’est avéré de façon imprévue déboucher à l’extérieur.

Lalibela (ላሊበላ), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), église Bete Aba Libanos (ቤተ አባ ሊባኖስ), le 9 janvier 2017

L’église présentée ci-dessus à droite est celle de Bete Aba Libanos (ቤተ አባ ሊባኖስ). C’est une église de caverne, elle a l’air de supporter le rocher qui la surplombe (lequel est pourtant lui-aussi protégé par les structures de l’Unesco). Cette église aurait été bâtie à la demande de l’épouse du roi Lalibela, Maskal-Kébra.

C’est pas sa plus célèbre église que nous avons achevé la visite de Lalibela, celle de Saint-Georges (Biete Ghiorghis, ቤተ ጊዮርጊስ). Signalons au passage que Saint-Georges est très vénéré en Éthiopie dont il est le « patron céleste » (nous verrons à de nombreuses reprises représentée la scène du dragon). Très célèbre du fait de son plan en croix, systématiquement présentée en couverture des ouvrages touristiques sur l’Éthiopie où elle est préférée à l’Erta Ale, l’église Saint-Georges est aussi la seule de la ville qui a pu échapper à ce si inesthétiques protections onuesques (pour paraphraser le Général).

Lalibela (ላሊበላ), église St Georges (Biete Ghiorghis (ቤተ ጊዮርጊስ)), le 9 janvier 2017

Cette église date du XIIIe siècle, elle est donc plus récente que les autres églises de Lalibela.

Lalibela (ላሊበላ), église St Georges (Biete Ghiorghis (ቤተ ጊዮርጊስ)), le 9 janvier 2017

L’intérieur de l’église est d’intérêt moindre. Nous avons encore eu droit à la scène de la croix, mais le prêtre a mis plus de temps à se laisser convaincre. On trouve aussi dans cet église un endroit très… spécial : une petite salle dont l’ouverture grillagée laisse entrevoir des restes humains reposant à l’air libre ! J’ai pris une photo, vous n’êtes pas obligés de la regarder.

Lalibela (ላሊበላ), église St Georges (Biete Ghiorghis (ቤተ ጊዮርጊስ)), le 9 janvier 2017Lalibela (ላሊበላ), église St Georges (Biete Ghiorghis (ቤተ ጊዮርጊስ)), le 9 janvier 2017
Lalibela (ላሊበላ), église St Georges (Biete Ghiorghis (ቤተ ጊዮርጊስ)), le 9 janvier 2017

Après la visite nous avons fait halte dans un café (pour touristes) en plein air, c’est une toute jeune fille qui nous a préparé le café traditionnel éthiopien.

Lalibela (ላሊበላ), préparation du café éthiopien traditionnel, le 9 janvier 2017

Ensuite nous sommes rentrés dîner. La soirée s’est prolongée dans l’arrière-cour de l’hôtel par un feu de camp (l’endroit avait été aménagé pour) autour duquel on nous proposait de l’hydromel (alcool de miel, que j’ai décliné) ; je n’avais jusqu’alors jamais entendu parler d’hydromel en dehors de l’opéra Samson et Dalila (« Dalila […], verse à ton amant l’hydromel ! il videra sa coupe en chantant sa maîtresse ») et je ne pensais pas que cette boisson biblique existât réellement. Cette soirée autour du feu m’a un peu rappelé le Sahara (avec le même sempiternel problème de vent tournant amenant chaque convive à respirer la fumée au moins une fois dans la soirée) ; la température et le ciel étaient par ailleurs similaires. Il n’y avait toutefois pas énormément d’étoiles, la lune étant en phase montante (pleine lune le 12 janvier).

Nous avons le lendemain quitté Lalibela pour Wukro (ውቕሮi), dans la région du Tigré : un trajet interminable de 470 km, qui nous a valu un lever à 5h30 et qui a duré jusqu’à la nuit tombée. Les seules photos que j’ai prises l’ont été à l’occasion de courtes haltes. Étonnamment, nous avons démarré ce trajet en tournant littéralement le dos à notre destination finale (sud-sud-ouest alors que nous allions au nord) : le but était d’éviter une vaste zone de montagnes et aussi de rejoindre plus rapidement un itinéraire asphalté. Après être repassés près de l’aéroport de Lalibela, nous avons franchi la rivière Tékézé (ተከዜ), cours d’eau important en Éthiopie, affluent de la rivière d’Atbara. Puis, nous sommes rapidement montés sur le plateau de Gashena, atteignant l’altitude de 3500 m !

Montée sur un plateau à 3500 m (Gashena), le 10 janvier 2017

Lorsque nous avons fait halte, nous avons aperçu de nombreuses personnes marchant le long de la route (certaines coupant les lacets) : je n’ai pas bien compris s’il s’agissait de pèlerins ou de villageois se rendant au marché.

Montée sur un plateau à 3500 m (Gashena), le 10 janvier 2017

Une fois arrivés sur le plateau (Gashena), nous avons pu rejoindre la route asphaltée récemment construite par les Chinois. Chinois qui placent leur pions partout en Afrique avec une efficacité redoutable, pendant que nous autres occidentaux nous enferrons dans nos erreurs et en particulier celle de vouloir imposer la démocratie (lisez Bernard Lugan et vous comprendrez). Le plateau est pittoresque mais je n’ai malheureusement guère pu le photographier, nous n’y avons fait aucune halte. Et comme toujours en pareil cas, la photo à faire n’est jamais du côté du véhicule où je suis assis…

Route (construite par les Chinois) sur un plateau à 3500 m (Gashena). Route de Lalibela (ላሊበላ) à Wukro (ውቕሮ), le 10 janvier 2017Route (construite par les Chinois) sur un plateau à 3500 m (Gashena). Route de Lalibela (ላሊበላ) à Wukro (ውቕሮ), le 10 janvier 2017

Le plateau cesse brusquement avant d’arriver à la ville de Weldiya (ወልዲያ) : le relief très spectaculaire nous a tout de même donné droit à une petite pause photographique. Malheureusement le soleil n’était pas dans la bonne direction.

Amorçage à Debot de la redescente du plateau, le 10 janvier 2017

Nous avons malgré l’heure un peu précoce effectué la pause méridienne à Weldiya : sans doute le seul endroit de l’étape où l’on pouvait trouver un restaurant. La ville tout entière pavoisait aux couleurs nationales, car elle s’apprêtait à recevoir la visite d’un richissime homme d’affaires saoudo-éthiopien, originaire de la région, Mohammed Al Amoudi. Amoudi, milliardaire ayant fait fortune dans l’immobilier, a beaucoup investi en Éthiopie où il est le premier employeur privé. (NB : il semble qu’Amoudi ait été emprisonné en Arabie Saoudite au début de cette année 2018).

Weldiya (ወልዲያ), ville originaire du milliardaire Mohammed Al Amoudi. Route de Lalibela (ላሊበላ) à Wukro (ውቕሮ), le 10 janvier 2017Weldiya (ወልዲያ), ville originaire du milliardaire Mohammed Al Amoudi. Route de Lalibela (ላሊበላ) à Wukro (ውቕሮ), le 10 janvier 2017

(Les travaux de voirie improvisés que j’ai photographiés ci-dessus à droite, on bloqué la circulation pendant un bon quart d’heure sans que les ouvriers ne semblent s’en soucier).

L’après midi nous a vus traverser de grands espaces qui n’étaient pas sans me rappeler le Serengetti, mais que je n’ai eu loisir de photographier. Nous nous trouvions aux confins de la région Afar (celle qui abrite la dépression du Dallol ainsi que le volcan Erta Ale). Seule halte de l’après-midi, effectuée au marché d’une localité dont je n’ai pu déterminer le nom (12°30’51.18”N 39°38’13.87”E). Très pittoresque, même s’il convenait de prendre garde aux pickpockets. On aura noté le troupeau de zébus ainsi que le dromadaire. Moins sympathique, la présence sur le marché d’un homme armé d’une kalachnikov.

Halte sur un marché d’une localité indéterminée (12°30’51.18”N 39°38’13.87”E), le 10 janvier 2017Halte sur un marché d’une localité indéterminée (12°30’51.18”N 39°38’13.87”E), le 10 janvier 2017

Nous avons ensuite traversé un vaste massif montagneux, celui d’Amba Alage. Des paysages fantastiques, pour un arrêt photo obtenu assez tardivement mais c’est toujours mieux que rien.

Franchissement du massif d’Amba Alage, le 10 janvier 2017Franchissement du massif d’Amba Alage, le 10 janvier 2017

Au cours de cette étape (mais je ne me rappelle plus à quelle occasion) Ayou a également évoqué le régime marxiste de Menghistu, qui a sévi sur l’Éthiopie dans les années 1980 et qui est responsable d’une terrible famine dans ces années-là. Au grand scandale de notre guide (à l’instar je pense de la quasi-totalité de ses compatriotes), cet autocrate sanguinaire n’a jamais été jugé pour ses crimes, il vit aujourd’hui paisiblement au Zimbabwe, protégé par un autre modèle de démocrate, je veux parler de Mugabe. L’Éthiopie l’a condamné à mort par contumace mais n’a jamais pu obtenir son extradition.

En route vers la ville de Mekelé, nous avons aperçu un grand nombre d’éoliennes industrielles paraît-il installées par des Français. Ce qui ne m’a pas réjoui loin s’en faut : autrefois la France fabriquait des trains, des routes, des métros et des centrales nucléaires, maintenant ce sont les Chinois ; notre pays ne fait plus que du vent, voilà à quoi mènent cinq années de Flanby…

Mekelé (መቀሌ), capitale de la région du Tigré, est une ville industrielle sans charme (et dotée d’un aéroport qui constitue aussi le point d’entrée dans la région des Afars). Alors qu’il restait encore deux bonnes heures de route, nous sommes descendus du bus nous dégourdir les jambes le long d’un boulevard, c’était sans intérêt et même dangereux du fait de la circulation. Je crois que l’idée était de nous arrêter dans un bistrot, mais les bars à routiers que nous avons rencontrés ont rebuté Ayou.

Mekelé (መቀሌ) (capitale du Tigré). Route de Lalibela (ላሊበላ) à Wukro (ውቕሮ), le 10 janvier 2017Wukro (ውቕሮ), le 11 janvier 2017

Le trek dans le massif du Gueralta a débuté le lendemain, directement à partir du lodge où nous avons dormi et qui domine la ville de Wukro (ci-dessus à droite). Nous nous sommes dirigés vers les formations de grès rouge, caractéristiques du massif.

Début du trek du Guéralta en partant de Wukro (ውቕሮ), le 11 janvier 2017

Les bâtiments ci-dessus au premier plan et qui semblent abandonnés, constituent une excroissance de la ville de Wukro. Les gens posent les fondations de leurs maisons pour occuper le terrain et poursuivent les travaux quand ils en ont les moyens. Ce terrain était un ancien camp d’entraînement de l’armée.

Nous avons aperçu un peu plus loin cette colonie de singes, mais il n’était guère possible de s’en approcher.

Singes dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Nous avons ensuite quitté la route et la randonnée a véritablement commencé. Pas mal de cactus le long du chemin, des figuiers de Barbarie et d’autres plus filiformes. Nous avons croisé des villageoises portant de grands paniers contenant la galette éthiopienne traditionnelle, l’injera (እንጀራ). Il y a beaucoup de fêtes (religieuses) dans les villages du coin à cette période de l’année et les invités apportent la galette (à l’instar du vin chez nous).

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Une scène de dépiquage de céréales par la méthode traditionnelle, comme on peut en voir (à toutes époques) dans les contrées dont l’agriculture n’est pas encore mécanisée. Différence avec les scènes similaires de mes voyages antérieurs, ce sont ici des zébus (et non des équidés) qui sont utilisés. Leur bouche est entravée pour éviter qu’ils n’avalent les graines au passage !

Dépiquage de céréales par les zébus, le 11 janvier 2017

Une petite montée va bientôt suivre ce prélude à plat :

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Quelques villages sur les hauteurs :

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Nous avons ensuite pique-niqué dans un endroit fort agréable, près d’une source, sous un palmier doum qui était le seul du secteur. Notre pique-nique avait été apporté par un porteur effectuant l’étape avec nous (un « luxe » assez fréquent dans les treks se déroulant sur le continent africains, dont les clients bobos font en général mine de s’offusquer pendant trois minutes. Avant de se résigner, car c’est quand même bien agréable !). Le passage des villageois allant puiser de l’eau a constitué une distraction (réciproque) pendant toute cette halte.

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Quelques scènes champêtres après la pause méridienne :

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017
Trek dans le Guéralta. Dépiquage des céréales, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Grâce à une invitation obtenue par notre guide, nous nous sommes ensuite rendus chez un couple de villageois y déguster un café traditionnel. Le couple vivait dans une maison dont l’architecture n’était pas tout à fait traditionnelle (de par sa pièce principale est assez grande et le toit en tôle). La femme, d’une cinquantaine d’années, nous a préparé le café et nous convié à partager l’injera (il s’agit d’une galette fermentée, on aime ou on n’aime pas). La préparation du café prend une bonne demi-heure (les villageois en boivent entre eux deux fois par jour). C’était la première fois que notre hôtesse recevait chez elle des blancs : les touristes sont en effet assez rares dans ce secteur du massif.

Trek dans le Guéralta. Nous sommes reçus dans une ferme pour déguster le café traditionnel, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta. Nous sommes reçus dans une ferme pour déguster le café traditionnel, le 11 janvier 2017
Trek dans le Guéralta. Nous sommes reçus dans une ferme pour déguster le café traditionnel, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta. Nous sommes reçus dans une ferme pour déguster le café traditionnel, le 11 janvier 2017
Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Les magnifiques paysages de grès rouge que l’on rencontre une fois redescendus du plateau :

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Approchant de l’église Abraha Atsbeha :

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

L’église d’Abraha Atsbeha porte le nom d’un empereur chrétien qui régna avec son frère sur l’empire axoumite au IVe siècle. Cet édifice semi-monolithique daterait quant-à lui du Xe siècle, après le règle de la reine Gudit (ጉዲት), une reine païenne qui s’attaqua à un grand nombre d’édifices chrétiens.

L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

L’intérieur et l’entrée de l’église : les peintures sont beaucoup plus récentes (XIXe siècle).

L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Parmi les peintures, l’un des plus remarquables la fresque d’Adam et Ève (ci-dessous, en bas et au milieu).

L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta, le 11 janvier 2017L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta, le 11 janvier 2017L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta, le 11 janvier 2017L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta, le 11 janvier 2017L’église Abraha Atsbeha dans le Guéralta. Tambour utilisé lors des cérémonies, le 11 janvier 2017

La dernière photo ci-dessus, ainsi que la vidéo ci-dessous, montre l’utilisation par le prêtre d’un tambour, tel qu’il est pratiqué au cours des cérémonies.

Les derniers kilomètres de l’étape ont été effectués le long d’une route en terre sans circulation (nous comprendrions bientôt pourquoi). Une nuée d’enfants du village nous a suivis pendant au moins trois quarts d’heure. Et ce jusqu’à arriver à un pont dont la solidité était tellement douteuse qu’on nous a intimé l’ordre de traverser la rivière à gué. Les enfants eux sont passés dessus sans encombre (avant d’ailleurs de faire demi-tour).

Trek dans le Guéralta, le 11 janvier 2017

Notre premier campement se trouvait encore à quelques centaines de mètres (les bagages avaient été acheminés par véhicule). L’église ici photographiée se trouvait juste au-dessus, mais je n’ai pas pris la peine d’aller la voir de plus près.

Trek dans le Guéralta : arrivée au premier camp, le 11 janvier 2017

Le lendemain nous avons rejoint une colline dont les villages sont actuellement abandonnées, pour une raison qui ne nous a pas été expliquée. Résultat, les sentiers y sont difficilement praticables.

Trek dans le Guéralta : quittant le premier camp, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

La végétation, sèche et épineuse, rappelait les pays méditerranéens.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Trek dans le Guéralta. Progression difficile dans les fourrés, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Parfois il fallait progresser de dalle en dalle.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017
Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Notre destination est l’église de Yohannes Maekedi (ou Maikudi), haut lieu de pèlerinage. On l’aperçoit sur la série de photos suivante (à partir de la seconde).

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017En direction de l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017

En direction de l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017En direction de l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017

Montée vers l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017Entrée de l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017

Nous ne savions pas si nous allions pouvoir visiter l’église : s’y tenait en effet une fête annuelle, avec un office d’une durée totale de quinze heures ! La messe avait commencé la veille à minuit et devait se poursuivre jusqu’au milieu de l’après-midi. En principe l’accès de l’église est interdit aux touristes pendant l’office. Mais notre guide a tout de même pu négocier notre admission à condition que nous restions discrets (photos tolérées mais sans flash). Nous nous sommes déchaussés (comme c’est l’usage dans toutes les églises éthiopiennes) puis sommes entrés à pas de loup en contournant les fidèles. Idéalement, il faut se sentir « pur sur soi » pour assister à cette office, c’est pourquoi de nombreux fidèles restée massés à l’extérieur ; l’entrée des femmes est normalement interdite (nonnes exceptées) ; néanmoins nos compagnes touristes ont également pu entrer. À l’intérieur de cette église troglodyte qui est très petite, nous avons trouvé une cinquantaine d’hommes, plus une dizaine de nonnes.

Cérémonie religieuse interminable dans l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017Entrée de l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017

Pendant toute cette cérémonie, les prêtres sont restés invisibles, ils sont placés derrière le rideau dans le saint des saints de l’église ; on les entendait toutefois psalmodier et chanter, et l’un d’entre eux se montrera à un moment.

 

Cérémonie religieuse interminable dans l’église Yohannes Maekedi, le 12 janvier 2017

Quant au fresques qui décorent l’église et que j’ai pu partiellement photographier, elles dateraient de plus de 300 ans.

Après un quart d’heure environ passé à l’intérieur, nous sommes ressortis et un prêtre nous a invité à partager du pain ainsi qu’une sorte de bière à l’aspect peu ragoûtant : la Tella (ጠላ). Le sol de la pièce étant de terre battue, je me suis arrangé pour renverser discrètement mon verre car je n’avais vraiment pas envie de boire ça. Ce petit détail mis à part, j’ai beaucoup apprécié cette église et cette cérémonie très authentique où nous étions les seuls touristes.

Après cette visite, nous avons quitté l’église en empruntant le principal sentier qui la dessert, lequel est très bien aménagé (et parcouru de nombreux pèlerins).

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Ce sentier qui descend progressivement jusqu’à la plaine évolue en outre dans un paysage magnifique, fait de rocs de grès rouge et de contraste rappelant un peu l’ouest américain.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Enfin ça c’est pour paraphraser les dépliants touristiques, puisque (comme vous avez certainement pu le constater) je refuse catégoriquement d’aller visiter le pays auquel je fais ici référence. Et ne me demandez pas pourquoi !

Une fois au fond de la vallée (un affluent de la rivière Tékézé) nous avons fait halte dans une fort inattendue forêt d’eucalyptus.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta (forêt d’eucalyptus), le 12 janvier 2017

Nous avons découvert une colonie de singes dans cette forêt, que nous avons tenté de photographier.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017
Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Nous avons ensuite traversé un village avec encore de jolies scènes champêtres (dépiquage circulaire des céréales) :

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Ensuite, nous avons remonté une vallée très sauvage et qui m’a bien plu.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

C’est vrai que privé de désert depuis maintenant sept ans, je suis à l’affût de tout ce qui pourrait m’en évoquer (si peu) l’ambiance.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Fin d’étape (un peu longuette…) en direction du camp de Dughum.

Trek dans le Guéralta, le 12 janvier 2017

Le camp était situé au bord d’une petite étendue d’eau, face à un paysage magnifique (les fillettes du village voisin se donnaient un peu en spectacle). La soirée était celle de la pleine lune, il y avait aussi une fête dans le village et nous avons craint d’être dérangés dans notre sommeil (mais je ne me souviens pas que ça ait été finalement le cas). (Le rocher que l’on aperçoit à l’horizon est le rocher de Kohor, qui serait le théâtre de l’éprouvante étape du surlendemain).

Près du camp de Dughum, le 12 janvier 2017

L’étape du lendemain était quant-à elle facile, entièrement plate et plutôt courte. Elle comprenait la traversée de nombreux villages. Certes, il est permis de trouver cela un peu ennuyeux. Pour commencer, deux dromadaires que nous avons eu la surprise de rencontrer après une demi-heure de marche.

Dromadaires près du camp de Dughum, le 13 janvier 2017

Un panoramique du magnifique paysage des environs.

Panoramique des environs du camp de Dughum, le 13 janvier 2017

Au cours de notre progression…

Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Trek dans le Guéralta. Ibis gris, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Ensuite, passage dans une école, paraît-il la seule du Guéralta : les enfants font des kilomètres à pied pour s’y rendre. Entrée dans une classe (mixte), correspondant à peu près au cours moyen chez nous. Les écoliers apprennent simultanément l’alphabet latin (et donc l’anglais), et l’alphabet guèze utilisé dans la langue éthiopienne, qui comprend une cinquantaine de lettres. Les mathématiques ne sont pas non plus ignorées.

École près de Dughum, le 13 janvier 2017École près de Dughum, le 13 janvier 2017
École près de Dughum, le 13 janvier 2017École près de Dughum, le 13 janvier 2017
École près de Dughum, le 13 janvier 2017

À la demande de notre guide, nous nous avons entamé en chœur « Frère Jacques » (un des rares chants que tous participants français connaissent en général, quelle que soit leur génération). Nous n’étions pas enthousiastes mais nous sommes exécutés. Ensuite, tous les enfants ont entamé, au garde-à-vous, l’hymne national éthiopien.

École près de Dughum, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Un peu plus loin dans une vallée latérale :

Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

En direction de l’église de Maryam Papasati.

Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Nous avons ensuite été brièvement reçus chez une femme que nous avons pu photographier en train de préparer l’injera, la galette traditionnelle.

Préparation de l’injera (እንጀራ), le 13 janvier 2017Villageoise du Guéralta, le 13 janvier 2017

Pour ce qui est de l’église (celle de Maryam Papasati), nous avons dû renoncer à sa visite car Ayou n’a pas pu trouver le curé qui en possédait la clef.

Végétation abritant l’église de Maryam Papasati, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

En direction d’un autre village dans laquelle nous avons effectué la pause pique-nique… chez l’habitant. Cette situation me mettait un tantinet mal à l’aise, j’avais l’impression d’envahir. Notre très jeune hôtesse nous a servi un café traditionnel.

Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Pendant la halte ; l’architecture de la maison était plus typique que lors de la halte de l’avant-veille, avec un toit en bois et une pièce unique, très petite et pratiquement pas décorée.

Pause déjeuner chez un jeune couple dans le Guéralta, le 13 janvier 2017Pause déjeuner chez un jeune couple dans le Guéralta, le 13 janvier 2017Pause déjeuner chez un jeune couple dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Le vaste plateau de grès situé derrière le village semble inaccessible, quel que soit le versant par lequel on l’approche.

Plus loin, nous avons à nouveau fait halte (la brièveté de l’étape entraînait un impérieux besoin de « tuer le temps »). Cette fois-ci sous un gros figuier, auquel le porteur éthiopien qui nous accompagnait s’est amusé à grimper. Il semble que c’était à cet endroit qu’était originellement prévu le pique-nique.

Arbre géant dans le Guéralta, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Encore un autre arrêt un peu plus loin, après avoir fait un détour dans un village où se déroulait une fête. Cette dernière était organisé par un couple très âgé, dont le mari nous a affirmé avoir connu l’invasion de l’Éthiopie par les troupes de Mussolini ! Si tel était le cas, il avait largement dépassé les quatre-vingts ans, chose relativement rare (quoique pas impossible) en Éthiopie.

Fête chez un coupe âgé dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

La fin de l’étape (avec le franchissement d’un petit col), nous a vu approcher une zone plus accidentée et bien plus spectaculaire. Mais c’est aussi le début de la partie la plus touristique du massif du Guéralta, et le chantier de construction d’un lodge laissait à craindre que du restant d’authenticité des lieux les jours ne soient comptés.

Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Une magnifique lumière de soleil couchant. On retrouve le fameux rocher de Kohor que j’ai déjà évoqué, et les acrobaties qui nous y attendaient le lendemain provoquaient déjà chez moi une sourde angoisse.

Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017Trek dans le Guéralta, le 13 janvier 2017

Depuis le camp de Korkor où nous avons passé la nuit. L’endroit était magnifique mais bien moins sauvage que les jours précédents.

Vue depuis le camp de Korkor, le 13 janvier 2017Vue depuis le camp de Korkor, le 13 janvier 2017

Et un panoramique pour terminer la journée :

Panoramique des environs du camp de Korkor, le 13 janvier 2017

Le lendemain donc, la fameuse journée de Korkor avec au programme les réjouissances suivantes :

  • une petite heure de marche d’approche pour commencer,
  • ensuite, escalade par le fond d’une gorge,
  • suivie d’une progression le long de dalles glissantes, donnant accès à la première église (Maryam Korkor),
  • pour la seconde église (Daniel Korkor), il faut passer par une vire avec 300 m de vide en-dessous !
  • quant à la descente, elle ne reprendra pas la gorge mais un itinéraire alternatif pour lequel une corde sera nécessaire.

Bref, que du bonheur.

D’abord donc, la marche d’approche ; je me suis demandé pendant toute sa durée où pouvait bien se trouver la fameuse gorge qui allait nous permettre d’attaquer la paroi. En fait elle se trouve sur la gauche (et est invisible sur mes photos).

En direction du rocher de Korkor, le 14 janvier 2017

La gorge était plus facile que je ne l’avais craint. Ci-dessous le début du passage.

Montée par cette gorge au rocher de Korkor, le 14 janvier 2017

Arrivés au col en haut de la gorge, on trouve une petite arche dont je n’ai pas compris si elle était naturelle ou s’il s’agissait des restes d’une église.

C’est à partir de là que les choses ont vraiment commencé à se corser. Avec une montée sur des dalles pentues sur lesquelles j’étais très mal à l’aise. Le passage était très fréquenté par des pèlerins hommes et femmes qui redescendaient du sanctuaire chaussés de sandales. Ils passaient à toute vitesse sans prendre de précaution particulière sur les passages difficiles. Devant moi, deux jeunes femmes elles aussi en sandales, qui avançaient sans s’arrêter de papoter une seconde, ont soudain dérapé. Elles se sont rattrapées, semble-t-il in extremis, mais l’épisode n’était pas pour me rassurer. L’un des guides locaux, me sentant en difficulté, a porté mon sac et mon appareil photo puis m’a encordé dans le passage le plus difficile. Il m’a ensuite soutiré 30 € pour ce service (la moitié du salaire moyen en Éthiopie), bakchich que je n’étais pas en état de discuter. Ayou l’apprenant quelques temps plus tard n’était pas très content.

Le rocher de Korkor vu depuis le col, le 14 janvier 2017

(Les quelques photos des passages difficiles ont été « empruntées » à Thierry Labour.)

Une fois en haut de la montée, nous avons fait halte sur un faux plat pour admirer le paysage, qui faisait penser à un décor de western. Nous avons aussi pris une photo de groupe.

Vue depuis le rocher de Korkor, le 14 janvier 2017

Voici maintenant la première église (Maryam Korkor) qui contient des fresques assez originales du XVIIe siècle. Contrairement aux jours précédents nous n’y étions pas les seuls touristes.

Intérieur de l’église de Maryam Korkor, le 14 janvier 2017

L’autre église, Daniel Korkor, se trouve tout en haut de la falaise qui domine le camp du matin. Le vide est effectivement impressionnant, mais le passage pour s’y rendre n’est pas si difficile.

En direction de l’église de Daniel Korkor, le 14 janvier 2017Vue depuis l’église de Maryam Korkor, le 14 janvier 2017
La vire permettant d’accéder à l’église de Daniel Korkor (photo : Thierry LABOUR)Vue depuis l’église de Daniel Korkor, le 14 janvier 2017

L’église de Daniel Korkor, bien plus petite que la précédente, vaut surtout pour son emplacement exceptionnel. Elle est décorée de fresques naïves (photos 3 & 4 : L. Dailly, 2008).

Intérieur de l’église de Daniel Korkor, le 14 janvier 2017Intérieur de l’église de Daniel Korkor, le 14 janvier 2017Intérieur de l’église de Daniel Korkor, le 14 janvier 2017

Après les visites, nous sommes dans un premier temps descendus au col : nous avons emprunté un itinéraire légèrement différent de l’aller, l’itinéraire dit des femmes, un tout petit peu plus facile (mais plus long). Nous sommes ensuite descendus par l’autre versant ce qui nécessitait une descente en rappel de cinq ou six mètres ; nous avions une corde mais pas de descendeur, les autres ont enroulé la corde « à l’ancienne » pour passer le rappel mais je ne sais pas faire ça. J’ai donc enfilé le baudrier et me suis fait descendre en moulinette (le cliché de Th. Labour montre que je ne suis pas à la fête !). Après ce rappel et une fois dans la gorge, il a encore fallu effectuer un rétablissement sur la droite en direction d’une vire, puis désescalader quelques passages assez glissants : le plus difficile était tout de même derrière nous.

Descente mouvementée du rocher de Korkor, le 14 janvier 2017Descente mouvementée du rocher de Korkor, le 14 janvier 2017

Trois quarts d’heures de marche nous attendaient encore avant d’atteindre la route en terre et les véhicules, au point qui marquait la fin de ce trek dans le massif du Guéralta. Pour nous récompenser de nos efforts, un excellent pique-nique avait été préparé à notre attention. (Ce n’est à ce moment que j’ai véritablement découvert l’équipe qui nous avait préparé la cuisine depuis trois jours ; parmi ces trois personnes, une très jolie jeune femme).

Fin du trek dans le Guéralta, le 14 janvier 2017Fin du trek dans le Guéralta, le 14 janvier 2017

Ensuite, au lieu de dormir une nouvelle fois sous tente comme le prévoyait le programme, nous sommes retournés passer la nuit dans le lodge de Wukro (ce qui représentait une trentaine de kilomètres de route supplémentaires, et la même chose dans l’autre sens le lendemain). Cette fleur nous a je pense été faite en raison de la présence dans le groupe de Frédéric, accompagnateur Allibert, et à la volonté du prestataire local d’amadouer l’agence dans le but d’obtenir à terme des clients supplémentaires. En chemin, nous nous sommes arrêtés au marché de la ville de Sink’at’a (ስንቃጣ) (qui s’appelle aussi Freweyni) où nous avons pu prendre des photos. Non sans que le guide Ayou nous ait sévèrement mis en garde contre les pickpockets (il a même été chercher mon porte-monnaie dans la poche de mon pantalon pour le mettre sous bonne garde).

Halte au marché de Sink’at’a (ስንቃጣ) (Freweyni), le 14 janvier 2017Halte au marché de Sink’at’a (ስንቃጣ) (Freweyni), le 14 janvier 2017

Nous nous étions donc félicités de cette nuit d’hôtel supplémentaire à Wukro obtenue pour le même prix. Pourtant, la nuit ne devait pas être si bonne que cela, nous faisant (presque) regretter la tente ! Car nous avons été réveillés dès minuit par des chants « folkloriques » diffusés à tue-tête. J’ai d’abord pensé que c’étaient les femmes de ménage de l’hôtel qui faisaient la « teuf », avant de me rendre compte que cela provenait de l’extérieur et même d’assez loin. J’ai pensé au muezzin, il y a effectivement des musulmans à Wukro ; mais le muezzin ne s’y met tout de même pas aussi tôt dans la nuit, et ne dure quand même pas aussi longtemps ; car les heures passaient, trois heures, quatre heures, et cette épouvantable sono ne s’arrêtait jamais ! Et absolument impossible de dormir, même avec des boules quiès.

Le guide devait nous expliquer le lendemain matin qu’il s’agissait bien de chants religieux, qu’une fois n’est pas coutume les musulmans n’y étaient pour rien, c’étaient des chants chrétiens éthiopiens (orthodoxes) et que nous avions la malchance de dormir ici le jour de la fête du Timkat (ጥምቀት), l’Épiphanie éthiopienne. Ces chants allaient donc durer 24 heures sans interruption, émis depuis le haut-parleur d’une église située à cinq cents mètres de l’hôtel ! Et de surcroit il n’y a pas que Timkat, il paraît que tous les dimanches matin ce haut-parleur diffuse ses prières, même si cela commence d’ordinaire un peu moins tôt dans la nuit. En tout cas, les projets assez pharaoniques d’investissement hôtelier de notre logeur de Wukro (que ce dernier a tenu à nous faire visiter, au guide et aussi à tout le groupe, afin d’appâter le premier, car je concède que personnellement cela ne m’intéressait guère) devraient à mon avis urgemment tenir compte du léger inconvénient que constitue le voisinage de cette église…

Ce jour devait débuter par une longue route jusqu’à Axoum (አክሱም), la principale destination touristique du nord de l’Éthiopie connue pour ses stèles gigantesques. Nous avons commencé par reprendre (jusqu’à Sink’at’a) l’itinéraire de la veille, avec une petite halte supplémentaire effectuée à la demande expresse de l’un des participants et ce bien que notre guide Ayou y ait manifesté très peu d’enthousiasme. Il s’agit de la mosquée de Nejashi qui serait la plus ancienne mosquée d’Afrique, remontant au VIIe s. c’est-à-dire à l’époque de l’Hégire. Pendant la période où Mahomet était personna non grata à la Mecque, quelques musulmans se réfugièrent en Éthiopie, terre de tolérance, et y bâtirent cette mosquée. On devine que beaucoup d’Éthiopiens se mordent maintenant les doigts de la mansuétude dont firent preuve leurs ancêtres à l’égard de la « RATP » naissante (la religion d’amour, de tolérance et de paix). La mosquée ne se visite pas, car elle est actuellement en réfection, travaux financés par… Erdoğan. Comme par hasard.

Mosquée de Nejashi, la plus ancienne d’Afrique, le 15 janvier 2017

Nous sommes ensuite passés par une ville assez importante, Adigrat (ዓዲግራት). Adigrat est une plaque tournante proche de la région des Afars mais aussi de la frontière de l’Érythrée (fermée en ce moment). Adigrat possède également une assez vaste cathédrale catholique dans le style italien. C’est d’Adigrat qu’était originaire Ayou (enfin pas exactement puisqu’il était en fait né en Érythrée de père inconnu ; mais c’est ici que résidait sa mère). Il a pris un quart d’heure de pause pour (tenter de) voir sa famille tandis que nous attendions dans un café.

Adigrat (ዓዲግራት) et sa cathédrale catholique dans le pur style italien, le 15 janvier 2017Adigrat (ዓዲግራት), le 15 janvier 2017

Après Adigrat la route gravit un col assez élevé, le col d’Alequa (3050 m env.). J’ai tenté de photographier la ville depuis le véhicule mais (comme toujours en pareil cas selon la loi mathématique bien connue) j’étais le plus souvent assis du mauvais côté.

Adigrat (ዓዲግራት) depuis la route du col d’Alequa, le 15 janvier 2017Adigrat (ዓዲግራት) depuis la route du col d’Alequa, le 15 janvier 2017

Ensuite, nous avons rencontré un paysage de cañons que j’ai essayé de photographier depuis le véhicule. La route, assez spectaculaire avec ses lacets au-dessus du précipice, fut bâtie par les Italiens dans le but d’emporter à Rome l’obélisque d’Axoum (en anticipant un peu sur ce qui va suivre).

La route du col d’Alequa, construite par les Italiens, le 15 janvier 2017La route du col d’Alequa, construite par les Italiens, le 15 janvier 2017

Nous avons ensuite traversé une plaine aride (avec quelques inselgebirge) (j’ai fait allemand il faut bien que je m’en serve…).

En direction d’Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017

Nous sommes arrivés assez tard à Axoum, nous avons commencé par déjeuner dans un restaurant traditionnel. Je n’avais pas très faim (et ne me sentais même pas très en forme). La nourriture qu’on nous a servie (avec de la viande cuite dans un pot de terre me rappelant un peu la fondue tibétaine de Tchong-tien) ne m’a pas subjugué. Nous nous sommes ensuite dirigés vers le site. Une mariage en cours dans la ville faisait beaucoup de raffut.

L’après-midi (déjà raccourcie par l’horaire de départ tardif, les kilomètres supplémentaires par rapport au programme et la petite halte à Adigrat) a donc été consacrée à une visite plutôt rapide de la ville d’Axoum (አክሱም), qui constitue l’un des berceaux historiques (ainsi que le centre spirituel) de la culture éthiopienne, inscrite à l’Unesco. J’ai selon mon habitude peu noté des explications de notre guide, et d’autant moins que ce n’était pas mon jour. Nous avons commencé par les tombeaux (en partie souterrains) de Khaleb, situés au nord de la ville et fouillés par les Allemands.

Tombeau de Khaleb à Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017Tombeau de Khaleb à Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017

La pierre d’Ezana est une sorte de pierre de Rosette rédigée en sabéen, en grec et guèze ; elle fut trouvée dans les années 1980 par un paysan dans un champ (Ezana, ዔዛና, était un roi d’Axoum qui a régné au IVe s ; les gravures de la pierre relatent ses campagnes militaires).

La pierre d’Ezana à Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017

Axoum est évidemment remarquable pour les stèles funéraires éparpillées dans plusieurs parcs de la ville. La plupart de ces stèles sont néanmoins de taille assez modeste (2 m environ) et se sont couchées au fil du temps. En voici quelques-unes.

Stèles funéraires à Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017

Le plus grandes stèles d’Axoum mesurent une vingtaine de mètres de haut, toujours debout (ou du moins remises en place). Les deux plus imposantes sont la stèle d’Ezana et la stèle dite romaine, cette dernière dénommée ainsi car ayant été emmenée à Rome en 1937 après l’invasion par les troupes de Mussolini. Ladite stèle était à l’époque brisée et gisait en quatre morceaux. Signalons au passage que les Éthiopiens ont gagné quelque chose à ce rapt puisque pour le transporter les Italiens durent construire une route jusqu’au port de Massaoua sur la mer Rouge (maintenant situé en Érythrée), route qui constitue toujours à l’heure actuelle l’un des seuls axes de communication de la région. La stèle fut érigée à Rome non loin du Circus Maximus où elle demeura jusqu’en 2005, avant d’être restituée à l’Éthiopie et rapportée (du fait de la fermeture de la frontière érythréenne) par avion cargo Antonov, solution particulièrement onéreuse.

La stèle romaine à Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017

À l’adresse des professionnels de la haine de soi, hélas pléthoriques parmi les personnes que je fréquente : rappelons que comparaison n’étant pas raison, l’obélisque de la place de la Concorde n’a pas été subtilisé mais offert par le vice-roi égyptien Méhmet Ali au roi Charles X, et qu’un cadeau n’a pas vocation à être repris. Toute idée de retour de cet obélisque vers Louxor est donc nulle et non avenue.

Pour en revenir à Axoum, voici ci-dessous la plus grande stèle qui mesurait 33 m de haut, mais qui semble s’être écroulée dès son installation (la troisième photo montre une tombe souterraine située sous les stèles qui a récemment été ouverte au public).

La grande stèle brisée d’Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017

On peut deviner une coupole sur la photo ci-dessus, au fond à droite : il s’agit de l’église de Sainte-Marie-de-Sion (ርዕሰ አድባራት ቅድስተ ቅዱሳን ድንግል ማሪያም ፅዮን), l’église la plus importante de la religion éthiopienne, celle-là même qui renfermerait les restes de la fameuse Arche d’alliance. Le bâtiment actuel est moderne (sa visite n’était pas au programme de mon voyage), l’église a de toutes façons été rasée au XVIe siècle par des musulmans ce amène à douter fortement, si tant est qu’elle s’y trouvât toujours à cette époque, que l’Arche ait pu sans encombre résister à cet épisode.

Nous avons terminé cette journée culturelle avec le « palais » de la Reine de Saba, situé à l’extérieur de la ville. Ces ruines (en réalité enfouies à trois mètres de profondeur sous des vestiges plus récents qu’on hésite pour l’instant à dégager) m’ont semblé d’un intérêt plus que limité.

Stèles funéraires à Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017Le « palais de la reine de Saba » à Axoum (አክሱም), le 15 janvier 2017

Le lendemain était une journée de transfert entre Axoum et le parc national du Simien, et où était ensuite prévu un trek de trois jours. Nous avons quitté la région du Tigré pour la région Amhara. Après un début sur le plateau à l’altitude de 2000 m environ, il nous a fallu traverser le vaste cañon de la rivière Tékézé (ተከዜ) que j’ai déjà évoquée dans ces lignes. Une vaste entaille de plus de 1000 mètres de profondeur dont le fond s’atteint par des kilomètres de route sinueuse.

Entre Axoum (አክሱም) et le parc du Simien, le 16 janvier 2017

Lorsque enfin nous avons franchi la rivière, nous n’étions plus qu’à 800 m d’altitude, le point le plus bas de ce voyage. Nous avons trouvé en ce lieu une végétation que nous ne devions pas revoir par la suite, et notamment des baobabs qui nous ont valu un arrêt photo bien mérité.

Franchissement de la rivière Tekezé (ተከዜ) (le principal affluent de la rivière d’Atbara se jetant dans le Nil dans la ville éponyme au Soudan et dont c’est le dernier affluent). Le point le plus bas du circuit à 800 m (16 janvier 2017)

La route a continué sur les crêtes, avec beaucoup de montées et de descentes, se rapprochant peu du gigantesque massif que constitue le plateau du Simien et que j’ai par moments tenté de photographier à travers la vitre et à contre-jour.

En direction du parc du Simien, le 16 janvier 2017En direction du parc du Simien, le 16 janvier 2017
Massif du Simien, le 16 janvier 2017

Quelques photos ont également été prises au cours de rares arrêts, où à chaque fois et en un clin d’œil nous nous retrouvions cernés par une nuée de gosses.

En direction du parc du Simien, le 16 janvier 2017Halte sur la route du parc du Simien, le 16 janvier 2017
Sur la route du parc du Simien, le 16 janvier 2017Sur la route du Simien, le 16 janvier 2017

La route cette d’être asphaltée à l’endroit où elle pénètre dans le parc national du Simien : c’est une pure volonté (politique) de l’Unesco. Elle décrit à partir de cet endroit des lacets serrés, sur un versant particulièrement raide. Puis brusquement, un peu en-dessous des 3000 m d’altitude, on débouche sur plateau, à nouveau dans une zone habitée et cultivée. Nous sommes alors à proximité de la ville de Debark’ (ou Debarq, ደባርቅ), la « capitale » du parc du Simien, ville dépourvue du moindre charme et dans laquelle nous avons déjeuné, pendant qu’Ayou réglait en notre absence les formalités d’accès au parc.

Debark’ (ደባርቅ), porte d’entrée du Simien, le 16 janvier 2017

Le massif du Simien (ስሜን), en partie occupé par le parc national inscrit à l’Unesco, est un vaste plateau s’étageant entre 2200 et 4500 m (au mont Ras Dashan, 4550 m (ራስ ዳሸን), le point culminant de l’Éthiopie). Ce plateau est bordé au nord (et semble-t-il à l’ouest) par une gigantesque paroi rocheuse de soixante kilomètres de long (pouvant par endroits atteindre plusieurs centaines de mètres de hauteur). C’est au-dessus de cette paroi que va s’effectuer l’essentiel de notre trek des prochains jours. Géologiquement, ce plateau est de nature volcanique, même si tous les volcans sont éteints depuis des millions d’années. C’est aussi l’un des massifs montagneux les plus importants d’Afrique.

Après le déjeuner, nous avons, avant de repartir, chargé dans l’autobus plusieurs personnes nécessaires à la logistique de notre trek : un guide local, une équipe de trois cuisiniers (incluant ici aussi une femme, mais moins rayonnante que celle de Guéralta et la tête toujours couverte d’une foulard noir, me laissant à penser qu’il s’agit d’une musulmane). Et puis, deux rangers (gardes) armés qui allaient nous suivre partout, notamment pendant la randonnée, montant par ailleurs la garde du camp la nuit. Ces rangers étaient imposés par l’administration du parc, mais je n’ai pas véritablement compris leur justification exacte. Étaient-il vraiment là pour nous protéger (et si oui, contre quoi ? des bêtes sauvages, des voleurs de grand chemin, des terroristes ?) ; ou alors, pour nous empêcher de faire de travers. Ou enfin, simplement pour offrir quelques emplois aux hommes des environs. Peut-être un peu des trois.

La route a continué à s’élever peu à peu, de nouveau à l’intérieur de la limite du parc, et de nouveau non asphaltée. Nous nous sommes peu à peu approchés de la très spectaculaire paroi limitant au nord le massif (paroi que nous avons de fait gravie en fin de matinée, à un endroit où elle est un peu moins raide qu’ailleurs). Brusquement, sont apparus sur le bord de la route un grand nombre de babouins gélada, ce qui a justifié un arrêt immédiat (même si nous aurions d’autres occasions d’en voir par la suite).

Babouins gélada dans le Simien, le 16 janvier 2017Babouins gélada dans le Simien, le 16 janvier 2017

Les singes, un troupeau d’une bonne centaine d’individus, se sont laissé approcher à seulement quelques mètres (et même encercler par notre groupe), ne s’éloignant de nous que très lentement. Il y a des vieux mâles, des femelles qui portent des petits… En fait, ces animaux vivent en harem, un mâle dominant avec plusieurs femelles et des petits. On les observe en général à proximité de la paroi, ils se nourrissent sur le plateau dans la journée puis descendent dans la paroi à la nuit tombée (comme nous aurons l’occasion de nous en rendre compte le jour suivant).

Babouins gélada dans le Simien, le 16 janvier 2017

Notre bus nous a déposés quelques kilomètres avant le camp du soir, pour nous permettre d’entamer dès à présent la randonnée, pendant que l’équipe installait le camp. Nous avons progressé le long de la falaise, par moments sur le versant exposé mais (pour ce soir en tout cas) ce ne sera jamais vertigineux. Nous ne nous en sommes pas rendus compte sur le moment, mais cette marche nous a permis de couper un très long détour effectué par la route.

Début de trek dans le Simien, le 16 janvier 2017

La vue sur la paroi et sur les reliefs inférieurs est souvent spectaculaire (même si le ciel était ce jour là un peu voilé). Le paysage fait selon certains penser à la Réunion, mais c’est ici beaucoup plus sec ; en ce qui me concerne la comparaison qui me vient plus facilement à l’esprit, ce sont les étages intermédiaires du Kilimandjaro ; notamment les alentours du camp de Barranco. On trouve néanmoins quelques petites forêt de bruyères arborescentes sur le versant donnant sur la falaise, nous donnant de rares occasions de marcher en sous-bois.

Début de trek dans le Simien, le 16 janvier 2017

Le camp (Sankaber) était situé à un endroit particulier du plateau où celui-ci se rétrécit très fortement, coincé entre la paroi au nord et une vallée très encaissée orientée vers le sud. Comme au Kilimandjaro (selon la norme des parcs d’inspiration anglo-saxonne) les camps sont autorisés uniquement dans des endroits prédéterminés. Il y a quelques bâtiments, notamment des sanitaires et des bâtiments circulaires pour cuisiner (mais pas de douche). Ce premier camp s’appelle Sankaber, il est situé à 3240 m environ.

La première véritable étape de ce trek nous a conduits au camp de Geech, autour de 3600 m d’altitude. Ce camp est le seul situé à l’écart de la route, d’où la nécessité des mules pour transporter nos bagages. Le début de la marche prolongeait celle entamée la veille : nous avons longé la falaise bordant au nord le plateau, avec toujours des paysages très spectaculaires.

En quittant le camp de Sankaber, le 17 janvier 2017Trek dans le Simien, le 17 janvier 2017

Ci-dessous les rangers qui nous accompagnaient.

Trek dans le Simien. Les deux gardes du parc dont nous nous demandons toujours pourquoi ils étaient là, le 17 janvier 2017Trek dans le Simien, le 17 janvier 2017
Trek dans le Simien, le 17 janvier 2017Trek dans le Simien, le 17 janvier 2017

Bientôt, nous nous sommes trouvés face à un ravin infranchissable entaillant profondément le plateau. De l’autre côté, en face de nous donc, le secteur où se trouve le camp du soir, au-dessus du village éponyme et abandonné de Geech (le parc était il y a quelques années encore habité avec plusieurs villages, mais l’Unesco a forcé toute la population a abandonner le lieu, tout en leur finançant des maisons neuves à Debark’. Cette décision semble toutefois contestée, pas tant des habitants concernés qui y on trouvé leur avantage que des ONG).

Col routier dans le Simien, le

Le col que franchit la route est l’unique passage permettant de rejoindre Geech et aussi le reste du plateau. Après l’avoir franchi, nous avons fait halte sur un promontoire assez aérien que j’ai moyennement goûté.

Trek dans le Simien (vue depuis la route en terre), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (vue depuis la route en terre), le 17 janvier 2017

On devine une cascade en bas à droite de la photo : elle est particulièrement haute mais peu spectaculaire pendant la saison sèche.

Nous avons ensuite à nouveau rejoint la route, avant de la quitter définitivement et de progresser sur le plateau dans un secteur plus apaisé. Bien que les villages aient été abandonnés, certaines zones du parc sont toujours cultivées ; c’est l’un des paradoxes du Simien.

Trek dans le Simien (champs cultivés à l’intérieur du parc), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (labours à l’intérieur du parc), le 17 janvier 2017

Pique-nique ensuite dans le lit du ruisseau qui alimente la cascade évoquée plus haut. Une participante (une Suissesse d’origine allemande, il faut le préciser) a été jusqu’à se baigner (à 3200 m !), mais personne ne l’a imitée. On aura noté la présence de babouins gélada non loin de cet endroit qui attendaient sans doute que nous eussions terminé nos agapes pour profiter des restes. Situation déjà vécue ailleurs.

Trek dans le Simien (babouins gélada près du pique-nique), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (pique-nique, sieste et bain), le 17 janvier 2017
Trek dans le Simien (babouins gélada près du pique-nique), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (après le pique-nique), le 17 janvier 2017

Nous avons effectué l’essentiel de la montée l’après-midi et l’altitude se faisait sentir. Je suis monté lentement pour conserver du souffle (mais ai refusé que les rangers portent mon sac).

Trek dans le Simien (montée en direction du camp de Geech), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (montée en direction du camp de Geech), le 17 janvier 2017

C’est au cours de cette montée que nous avons commencé à rencontrer la plante endémique et emblématique du Simien, la lobélie géante (une sorte de petit palmier qui vit quelques années et meurt après avoir fleuri). Endémique mais rappelant furieusement les sénéçons du Kilimandjaro. Les lobélies sont pratiquement les seuls arbustes qui poussent sur le plateau, par ailleurs recouvert d’une herbe à cette saison jaunie qui lui donne un aspect dénudé. (il paraît par contre qu’en octobre et novembre le Simien est très vert).

Trek dans le Simien (lobélies géantes près de Geech), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (lobélies géantes près de Geech), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (lobélies géantes près de Geech), le 17 janvier 2017

Voici le camp où je n’étais pas fâché d’arriver. Les porteurs avait déjà monté les tentes et déposé la sélection d’affaires que nous avions préparée pour le trek.

Trek dans le Simien (arrivée au camp de Geech), le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (arrivée au camp de Geech), le 17 janvier 2017

L’équipe cuisine nous a en outre préparé une surprise — même si c’est une surprise d’un genre que je ne goûte que modérément. Un mouton entier a été acheté (à un gamin venu d’un village en contrebas et qui allait passer la nuit avec nous) et égorgé. Nous aurions de la viande pour au moins deux jours ! Conséquence de cela, de gros rapaces (sans doute des buses, mais ce serait à confirmer) attirés par l’odeur du sang, perchaient sur un arbre tout près du camp et se laissaient photographier à loisir.

Trek dans le Simien (rapaces près du camp de Geech), le 17 janvier 2017

Avant le repas du soir était prévue un extra « facultatif » (mais auquel la totalité du groupe a participé) : l’ascension d’un mont situé derrière le camp (en bordure de la falaise) afin d’y observer le coucher de soleil. La montagne en question est le mont Kedadit (3760 m), une bonne demi-heure de montée (150 m) est nécessaire pour l’atteindre. Nous nous sommes mis en route vers 17h30, une heure environ avant le crépuscule. La montée n’est pas raide mais le souffle est assez court et je suis (une nouvelle fois…) arrivé en haut le dernier.

Trek dans le Simien (vue depuis le mont Kedadit), le 17 janvier 2017

La vue sur la falaise était très spectaculaire, mais ce n’aura pas été là le plus inoubliable de cette expédition. Alors que le soleil entamait sa course vers l’abîme, des centaines de babouins qui se trouvaient sur le plateau sont passés à côté de nous avant de basculer vers l’à-pic de la paroi, où le vide ne semblait nullement les gêner.

Trek dans le Simien (babouins gélada au mont Kedadit), le 17 janvier 2017

Nous les apercevions sautant sans aucun problème des mini barres de plusieurs mètres de hauteur et se rattrapant on ne sait comment d’un dévalement de pente qui aurait pourtant été irrémédiable.

Trek dans le Simien (mont Kedadit) : les babouins se réfugient dans la paroi pour la nuit, le 17 janvier 2017Trek dans le Simien (mont Kedadit) : les babouins se réfugient dans la paroi pour la nuit, le 17 janvier 2017

Quant au coucher de soleil proprement dit, il n’a pas été si exceptionnel que cela en raison de la brume. Nous sommes repartis après que le soleil avait disparu, mais (malgré la légendaire soudaineté des crépuscules tropicaux) avons pu regagner le camp avant que les lampes frontales pourtant emportées ne se soient avérées absolument indispensables.

Trek dans le Simien (coucher de soleil depuis le mont Kedadit), le 17 janvier 2017

Voici au commencement de la journée suivante, la photo d’un loup d’Abyssinie qui a été aperçu pendant le petit déjeuner (d’assez loin néanmoins ; j’ai fait ce que j’ai pu et ai dû recourir au « zoom numérique »). Plus petits que les loups européens, dotés d’un pelage roux assez caractéristique, les loups d’Abyssinie sont une espèce en voie d’extinction ; il est néanmoins assez fréquent d’en apercevoir dans le parc national du Simien.

Loup d’Abyssinie à proximité du camp de Geech, le 18 janvier 2017

Cette journée était une longue étape avec l’ascension successive de deux sommets : tout d’abord l’Imet Gogo à 3926 m, puis (après une redescente à l’altitude d’où nous étions partis) un second sommet à 4070 m, l’Inatye (où il était prévu déjeuner). Ensuite, nouvelle descente jusqu’à la route à 3550 m, avant de finalement gagner le camp de Chennek, encore à l’altitude de départ (3600 m). En tout, une assez longue distance (15 km env.), pas mal de dénivelé, et surtout une altitude moyenne très élevée. Ajoutons en cela que je n’étais pas très en forme ce jour là. J’ai néanmoins pu effectuer la quasi-totalité de l’étape, sans confier mon sac, mais à un rythme plus lent que les autres dans les montées (et je n’ai quasiment rien mangé à midi).

Quelques photos du démarrage où la montée était douce mais continue sur la surface du plateau, les lobélies constituant les seules ruptures de la monotonie.

Montée en direction du sommet Imet Gogo, le 18 janvier 2017

Une fois à la paroi, l’ascension de l’Imet Gogo s’effectue en aller-retour. J’ai fait le choix de rester sur place pendant que mes camarades effectuaient l’ascension. J’ai attendu trois quarts d’heure environ, les rangers sont restés avec moi, je me suis endormi et ça m’a fait du bien. Le paysage était déjà assez remarquable de l’endroit où je me trouvais.

À proximité du sommet Imet Gogo, le 18 janvier 2017

La descente nous a ensuite conduits à un col, aux sources du ruisseau dans le lit duquel nous avions la veille pique-niqué (et où l’une d’entre nous s’était baignée). Un col situé lui aussi à la limite de la paroi, dont le sentier s’approchait par endroits, un peu trop à mon goût.

Trek dans le parc du Simien, le 18 janvier 2017

Alors que nous arrivions au col, nous avons eu la surprise de constater la présence de trois ou quatre locaux qui avaient étalé à terre des bouteilles de coca-cola dans l’espoir de nous les vendre. Ce n’est pas la première fois que je découvre du coca-cola dans des endroits improbables, cette invasion sans limite des produits yankee provoque toujours chez moi un haut-le-cœur (pourtant dans l’état qui était le mien ce jour là j’aurais peut-être été inspiré d’en acheter). En tout cas personne dans le groupe ne s’est montré intéressé ; il faut dire aussi que ledit coca n’est pas frais. Il y avait également une mule donc l’objet était de porter un éventuel touriste fatigué, mais là non plus, personne ne s’est fait client.

Trek dans le parc du Simien, le 18 janvier 2017

La montée a ensuite repris, cette fois-ci loin de la paroi ; d’abord en sous-bois puis sur le plateau. Aux deux tiers de l’ascension, j’ai fait une pause supplémentaire en laissant les autres partir devant. J’ai ensuite terminé l’ascension à un rythme plus lent mais régulier, sans qu’il soit nécessaire que les rangers portent mon sac (le groupe s’était de toutes façons étalé et les avant-derniers n’étaient pas arrivés longtemps avant moi).

Montée en direction de l’Inatye, le 18 janvier 2017Fumées (feu de prairie) à proximité de l’Inatye, le 18 janvier 2017

Dépassant soudain au-dessus de la crête, ce que nous avons un temps pensé être le premier nuage de ce voyage, n’en était finalement pas un. J’y reviendrai un peu plus loin.

Au sommet de l’Inatye (premier « 4000 » du trek ; en fait, une antécime), repos bien mérité et copieuse salade de pâtes qu’avait préparée puis transportée notre cuisinier-porteur. Mais je ne lui ai comme je l’ai dit guère fait honneur. J’ai tout de même pris le temps de prendre des photos et même de me faire photographier.

Au sommet (antécime) de l’Inatye, le 18 janvier 2017

Ci-dessous, une cascade de glace que nous avons pu apercevoir côté paroi, dans une zone en cette saison jamais éclairée par les rayons du soleil. Pour prendre ce cliché il fallait se pencher du côté du vide, j’ai essayé de surmonter mon appréhension mais pas au point d’éviter un disgracieux premier plan.

Cascade de glace spéciale Katarina, le 18 janvier 2017

(Autant que je puisse m’en souvenir, le titre de la photo fait référence au fait que la dite Katarina était une pratiquante chevronnée de l’escalade sur glace).

Les « nuages » aperçus quelques minutes plus tôt étaient en fait la fumée d’un incendie de prairie qui s’était déclaré dans les environs ; manque de chance, sur le versant où nous devions ensuite nous rendre. Nous étions assez inquiets par la peu réjouissante perspective de devoir effectuer un long détour pour arriver au camp (voire même, de devoir quitter les lieux en courant devant l’avancée des flammes, ce dont je n’aurais vraisemblablement pas été capable). Dès le début de notre pique-nique, les deux rangers qui nous accompagnaient nous ont promptement quittés pour aller observer l’incendie. Nous entendrons par la suite quelques coups de feu tirés en l’air, paraît-il dans le but d’avertir du danger. Nous avons également aperçu des troupeaux de vaches que leurs bergers éloignaient promptement. Quant à nous, il n’a pas été nécessaire de surseoir à nos agapes, ce qui ne nous empêchait pas d’être inquiets. Nous pouvions très bien apercevoir, depuis le point où nous nous trouvions, l’émission des fumées (redoublant de vigueur à chaque rafale de vent), et même à certains moments des flammes.

Lorsqu’est venue l’heure de repartir, le feu semblait s’être éloigné et ne plus progresser dans notre direction. Ayou (et sans doute le guide local) ont donc décidé de poursuivre selon l’itinéraire prévu. Mais nous sommes très vite arrivés sur le foyer de l’incendie, que nous avons… traversé, comme si de rien n’était !

Traversée d’un feu de prairie (une première je pense pour chacun d’entre nous !), le 18 janvier 2017Les moyens rudimentaires des Éthiopiens pour éteindre les feux de prairie, le 18 janvier 2017
Les moyens rudimentaires des Éthiopiens pour éteindre les feux de prairie, le 18 janvier 2017Traversée d’un feu de prairie, le 18 janvier 2017
Traversée d’un feu de prairie. On se presse n’est-ce pas ? (18 janvier 2017)Le feu de prairie n’était pas petit ! (18 janvier 2017)

Le feu était parti des alentours du sentier pour se diriger ensuite vers l’ouest. Il n’y avait plus de flammes à cet endroit, et il était possible, en restant bien sur le sentier, de progresser sans piétiner les braises ; néanmoins des fumées sortaient encore de l’herbe carbonisée, laissant à penser que l’incendie pouvait repartir à tous moments. À quelques dizaines de mètres de nous à peine, les paysans s’activaient pour éteindre ce qui restait de flammes dans le secteur, et le moins qu’on puisse dire c’est que les moyens qu’ils employaient étaient rudimentaires. Nul canadair, nulle lance à incendie, c’était avec de simples branchages que les Éthiopiens essayaient d’étouffer le feu.

Quant à nous, on nous avait intimé l’ordre de passer le plus vite possible ; j’ai pu prendre ces quelques photos tout en marchant et sans m’éloigner du guide, mais quelques-uns d’entre nous se sont laissés distancer ce qui leur a ensuite valu un sévère rappel à l’ordre. Lorsque nous repasserons le lendemain en véhicule dans le secteur, nous découvrirons que le feu aura détruit un pan très important de montagne, heureusement sans atteindre les villages en contrebas. Quant à l’origine de l’incendie, elle ne serait pas le fait de touristes mais d’enfants qui auraient « joué ».

En tout cas, pour parler comme les djeuns, cette séquence aura été la plus spèce de tout le voyage !

Descente vers le camp de Chennek, le 18 janvier 2017

Après cet épisode, une bonne descente nous attendait encore jusqu’au col. Nous sommes passés à plusieurs reprises près de la paroi où les paysages sont spectaculaires.

Descente vers le camp de Chennek, le 18 janvier 2017

Une fois sur la route, il fallait à nouveau remonter un peu ce qui m’a passablement épuisé. Je suis une fois de plus arrivé le dernier au camp. La route était par ailleurs extrêmement poussiéreuse, au point que j’ai pris une photo de la poussière (les vêtements que j’ai portés au cours de ce trek sont rentrés dans un état innommable…).

Pour donner une idée de la poussière ! (18 janvier 2017)Arrivée au camp de Chennek, le 18 janvier 2017

Après le café vespéral, et sur les conseils d’Ayou et du guide local, nous nous sommes à nouveau rendus au bord de la falaise, à trois cents mètres du camp environ. Il se trouve que je suis parti le premier, et à peine arrivais-je sur le site que j’ai eu la surprise de découvrir ce bouquetin d’Abyssinie qui broutait à quelques mètres à peine en contrebas. J’en ai pris plusieurs photos, pourtant je serai presque le seul à l’apercevoir.

Bouquetin d’Abyssinie, le 18 janvier 2017

Le crépuscule du camp de Chennek avait, comme on peut le voir, été magnifique. J’ai voulu récidiver le lendemain matin et j’ai quitté ma tente très tôt afin de photographier le lever du soleil. Mais j’ai été très déçu car la grande paroi masquait complètement l’apparition de l’astre du jour. En rentrant au camp, j’ai aperçu et photographié au loin ce canidé (affairé à une occupation sur laquelle je ne m’étendrai pas…), dont le comportement m’a intrigué : après m’avoir fixé quelques instant, il a brusquement détalé. Probablement donc un animal sauvage, mais il n’a pas le pelage des loups d’Abyssinie. Je soumets donc cette énigme à la sagacité de mes visiteurs.

Canidé photographié au petit matin près du camp de Chennek, le 19 janvier 2017

(Le panneau publicitaire en arrière-plan est en fait situé en bordure de la route, déserte à cette heure ; il ne représente toutefois pas le loup — ce qui eût constitué une coïncidence amusante — mais le bouquetin d’Abyssinie).

Il restait une demi-journée de randonnée prévue dans le Simien, avant d’entamer le voyage du retour. Il s’agissait de monter jusqu’à un col, autrefois lieu de passage important, le col de Bwahit (alt. 4200 m, le point le plus haut du voyage). L’itinéraire d’ascension emprunte un vallon dans lequel a également été bâtie une route non asphaltée, route qui franchit en fait un autre col situé derrière et qui est paraît-il la plus haute d’Afrique. Heureusement, un sentier existe à côté de la route, et nous n’aurons in fine à emprunter cette dernière que sur quelques centaines de mètres.

Quittant le camp de Chennek (lobélies géantes), le 19 janvier 2017

J’étais bien mieux en forme que la veille : mon indisposition était terminée et mon acclimation à l’altitude s’était parfaite. J’ai donc pu effectuer l’ascension au même rythme que le groupe. Nous sommes assez vite arrivés au col qui n’en est d’ailleurs pas vraiment un : il s’agit juste un endroit permettant au sentier de contourner la paroi rocheuse par le haut avant de redescendre vers un autre versant.

Montée vers le col de Bwahit, le 19 janvier 2017Babouins gélada au-dessus du col de Bwahit, le 19 janvier 2017

L’autre versant du col est habité, on peut apercevoir quelques villages. On aperçoit également dans le lointain, le mont Ras Dashan (4550 m) (ራስ ዳሸን), le point culminant de l’Éthiopie. Son ascension, bien que paraît-il assez aisée, ne figurait pas au programme de notre voyage.

Vue depuis le col de Bwahit. Au fond le mont Ras Dashan (ራስ ዳሸን) (4550 m), point culminant de l’Éthiopie, le 19 janvier 2017Vue depuis le col de Bwahit, le 19 janvier 2017

La pause au col de Bwahit a été très longue car.. c’était depuis deux jours le premier endroit où les téléphones portables passaient ! Tous s’en sont donnés à cœur joie. À commencer naturellement par Ayou, mais pour lui au moins la justification professionnelle était recevable.

Juste au-dessus de nous, à nouveau une colonie de babouins gélada (qui ont même copulé devant nous).

Babouins gélada au-dessus du col de Bwahit, le 19 janvier 2017Babouins gélada au-dessus du col de Bwahit, le 19 janvier 2017

Le programme prévoyait de redescendre au camp par le même chemin, mais Ayou nous a proposé l’option flemmardise que nul d’entre nous n’a songé à contester : le bus est monté nous chercher au point de la route le plus proche du col, réduisant la marche de retour à dix minutes à peine !

Notre trek se termine à plus de 4000 m sur la plus haute route d’Afrique, le 19 janvier 2017

C’est était donc fini du trek et (pour l’essentiel) du voyage. Nous sommes donc d’abord descendus au camp (Chennek), puis (après avoir embarqué notre équipe de cuisine) a commencé un long trajet sur cette route non asphaltée, depuis laquelle nous pouvions une dernière fois visualiser le chemin parcouru les deux jours précédents. Nous avons également pu nous rendre compte de l’ampleur de l’incendie qui la veille avait ravagé la montagne. Gagnant et dépassant le col de l’avant-veille, puis le camp du premier soir (Sankaber), nous avons retrouvé (après un trajet encore beaucoup plus long que nous aurions pensé) les parages du point d’où nous avions démarré la randonnée. C’est là que nous avons fait halte pour un pique-nique dans la forêt de bruyères arborescentes.

Il nous fallait encore une bonne heure de route pour retrouver la localité de Debark. Nous avons fait nos adieux (moyennant pourboires bien sûr…) à l’équipe cuisine et aux deux rangers, que certains auraient trouvé un peu malodorants… Avant de prendre un café éthiopien traditionnel au restaurant où nous avions déjeuné à l’aller.

Nous devions ensuite continuer notre route jusqu’à la ville de Gondar (ጎንደር), mais Ayou était un peu inquiet à ce sujet. Car nous étions un jour assez spécial en Éthiopie, le troisième et dernier jour de la fête annuelle de l’Épiphanie, période au cours de laquelle la copie de l’Arche d’alliance présente dans chaque église d’Éthiopie est portée en procession à travers les villes et villages. Dans ces périodes TOUT le monde (exception faite des musulmans) s’arrête de travailler et se rassemble au cœur de chaque village. D’où des difficultés à traverser ces derniers, la déviation routière étant une notion inconnue en Éthiopie. À défaut de pouvoir facilement circuler, cette circonstance nous permettra de voir un peu de ces fêtes que du fait des dates du trek nous avions manquées ; enfin, juste ce qu’il faut car il aurait été imprudent de descende du bus pour se mêler à la foule (le risque de se faire chaparder quelque chose étant quand même assez grand).

Effectivement les choses se sont déroulées comme l’avait prédit Ayou. Entre les villages, d’abord, nous avons trouvé une chaussée absolument déserte, pas le moindre véhicule qu’il faille croiser ou bien doubler. Personne non plus qui ne circulait à pied ou qui ne travaillait dans les champs. Quel contraste avec les jours précédents ! Et puis, dès le premier village traversé, comme prévu, le rassemblement qui occupait toute la chaussée.

Fête de Timkat (ጥምቀት) (l’Épiphanie éthiopienne) sur la route de Gondar (ጎንደር), le 19 janvier 2017

Impossible donc de contourner. Le bus a donc poursuivi sa route à très petite vitesse, entrant progressivement dans la foule. Les gens étaient particulièrement joyeux, et, chose remarquable, ne manifestaient pas la moindre hostilité à notre égard, malgré les photos que nous ne nous gênions pas de prendre depuis l’intérieur du bus.

Fête de Timkat (ጥምቀት) (l’Épiphanie éthiopienne) sur la route de Gondar (ጎንደር), le 19 janvier 2017Fête de Timkat (ጥምቀት) (l’Épiphanie éthiopienne) sur la route de Gondar (ጎንደር), le 19 janvier 2017

Toutefois, les nombreuses mains tapant sur le tôles du véhicule (sans compter des tentatives, certes peu efficaces, d’ouvrir les vitres depuis l’extérieur) ne laissaient pas de nous rappeler combien notre situation pouvait sembler précaire. Tout s’est finalement bien passé, notre bus a pu fendre la foule sans heurt. La scène s’est ensuite reproduite dans trois autres villages.

Tout ces villages étaient situés sur la partie inférieure du plateau du Simien, et ce n’est que très progressivement que nous avons perdu de l’altitude (Gondar étant à 2100 m). Il nous est d’ailleurs aussi arrivé d’apercevoir, sur notre droite, ce qui semblait encore être un prolongement de la fabuleuse paroi du Simien, sans bien sûr présenter à cet endroit un aspect aussi spectaculaire.

(La région que nous traversions était autrefois habitée par les Falachas, ces juifs éthiopiens qui suivaient des rites judaïques très anciens, laissant à penser que ce seraient peut-être les descendants de ceux qui convoyèrent l’Arche d’alliance ; les Falachas furent «  exfiltrés » vers Israël dans les années 1980 dans des conditions controversées, pour une intégration dans leur pays d’adoption relevant paraît-il de la mission impossible ; il n’en reste en tout cas plus un seul aujourd’hui en Éthiopie).

Nous sommes finalement arrivés à Gondar, ville de 400 000 hab. dotée elle d’un boulevard périphérique en bonne et due forme. De sorte que nous n’avons pas eu l’occasion de connaître le Timkat à Gondar, semble-t-il d’ampleur sans commune mesure avec tout ce que nous avions pu entrevoir dans les villages. Du reste, il est probable, l’heure étant déjà assez avancée, que le gros de ces festivités était déjà terminé. Nous pourrons néanmoins, le lendemain, assister au début d’une dernière fête spécifique à Gondar, la fête de Saint-Michel.

Nous avons donc gagné notre hôtel dont nous ne devions plus sortir de la soirée. L’hôtel (pour ne pas le nommer, l’hôtel The Ruth, en anglais c’est apparemment un faux ami…), situé loin du centre dans un quartier qui semblait encore en construction (du reste beaucoup de quartiers en Éthiopie semblent encore en construction). Bien que doté d’une piscine cet hôtel laissait à désirer : les clefs qu’on nous a dans un premier temps confiées ouvraient des chambres déjà occupées… Après ce premier cafouillage nous nous sommes installés dans des chambres très petites et fort mal conçues (une seule prise électrique dans toute la chambre, des WC tellement mal disposés qu’il était impossible de s’y asseoir sans rentrer les genoux dans son menton…). Et surtout, une sono installée dans la cour de l’hôtel diffusait à tue tête une « musique traditionnelle » fort éreintante. Nous avons dû la subir toute la fin d’après-midi, puis pendant le dîner, avant que le personnel accepte enfin de la couper. Quant au menu, il ne cassait pas des briques, surtout le dessert vendu comme « salade de fruits » finalement remplacée par la papaye dont personne n’avait pourtant voulu. Le petit déjeuner du même acabit, le pire de ce voyage, nous faisant largement regretter la tente.

Voir le plan du séjour à Gondar

La dernière journée du voyage était consacrée à la visite de la ville de Gondar (ጎንደር). La fête de l’Épiphanie était comme je l’ai annoncé, déjà terminée, mais il y avait encore un fête religieuse en l’honneur de Saint-Michel (au cours laquelle les copies de l’Arche d’alliance des églises dédiées à Saint-Michel sont une fois de plus promenées dans la ville). À ce titre, il y avait encore beaucoup de monde en ville, en particulier dans les bains (sacrés) des Fasilades. Pour ne pas totalement manquer ces festivités tout en limitant au maximum les risques d’agression, notre guide nous a organisé une incursion rapide dans ces bains, très tôt le matin, avant qu’il n’y ait encore beaucoup de monde.

Fête de Saint-Michel à Gondar (ጎንደር), le 20 janvier 2017

Les femmes sur la seconde photo portent la tenue traditionnelle, l’habesha kemis (የሐበሻ ቀሚስ). Elles portent en général également un foulard blanc sur la tête, mais sans masquer leurs cheveux de manière aussi rigoriste que les femmes musulmanes.

Nous sommes entrés dans le sanctuaire (à peine gardé, et personne ne nous a rien dit) pour nous diriger vers la « piscine ».

Fête de Saint-Michel à Gondar (ጎንደር). Les bains (sacrés) de Fasilades, le 20 janvier 2017

Comme on peut le voir, il y avait déjà pas mal de monde dans l’eau : surtout des enfants, des hommes et aussi quelques femmes (mais en général tout habillées). Pour mieux voir et photographier la scène, nous nous sommes dirigés vers une estrade de bois (à la solidité très douteuse, nous n’avons pas manqué pas d’évoquer Furiani) sur laquelle nous avons ensuite stationné quelques minutes.

Fête de Saint-Michel à Gondar (ጎንደር). Les bains sacrés de Fasilades, le 20 janvier 2017

Fin de cette brève incursion dans l’Éthiopie festive et populaire (nous étions les seuls touristes présents). Nous avons repris le cours normal de la visite de Gondar, parmi cette fois-ci pléthore d’autres touristes. Visite que j’ai trouvé un peu longuette et pas si extraordinaire que ça (Lalibela est bien plus intéressante). Le gros morceau de cette visite, c’est le fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ). Il s’agit d’une enceinte fortifiée fondée au XVIIe s. par l’empereur Fasilades puis successivement agrandie. L’architecture du premier palais qui se trouve à l’intérieur est fortement influencée par le Portugal. Susneyos, le père de Fasilades, avait en effet sollicité l’aide du Portugal pour combattre les musulmans, et en échange avait promis de convertir son pays au catholicisme (il s’était lui-même converti, mais ses sujets ont refusé de suivre).

Gondar (ጎንደር), fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ), le 20 janvier 2017

Du palais on visite aussi l’intérieur : mais je n’ai pas toujours écouté les explications.

Gondar (ጎንደር), fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ), le 20 janvier 2017

Ci-dessous (à gauche) un « plafond d’époque ».

Gondar (ጎንደር), fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ). Plafond d’« époque » dans le palais de Fasilades, le 20 janvier 2017Gondar (ጎንደር), fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ). Palais de Iyasou, le 20 janvier 2017

Encore d’autres photos du fort et de la Chancellerie de Yohannes Ier, un bâtiment qui se trouve à l’intérieur du fort.

Gondar (ጎንደር), fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ), le 20 janvier 2017Gondar (ጎንደር), sortie du fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ), le 20 janvier 2017Gondar (ጎንደር), fort de Fasil Ghébbi (ፋሲል ግቢ). Chancellerie de Yohannes Ier ; le 20 janvier 2017

Beaucoup plus intéressante que le fort, l’église Debré Birhan Sélassié (የደብረ ብርሃን ሰላሴ) qui constituera le point final de ce voyage.

Gondar (ጎንደር), église Debré Birhan Sélassié (የደብረ ብርሃን ሰላሴ), le 20 janvier 2017

Cette église est célèbre pour ses peintures, parmi les plus belles d’Éthiopie, même si ces dernières ne datent que du XIXe s. (l’église daterait du XVIIe). Le plafond notamment est très remarquable avec ses anges souriants. Les peintures murales montrent des scènes de la Bible (avec l’omniprésent St Georges terrassant le dragon, Hérode et les enfants massacrés, etc.).

Gondar (ጎንደር), fresques de l’église Debré Birhan Sélassié (የደብረ ብርሃን ሰላሴ), le 20 janvier 2017

Bien qu’elle soit dans une position très difficile à photographier (et qu’il ne faille surtout pas le répéter trop fort pour éviter d’attirer l’attention de fous-furieux que je ne nommerai pas), j’ai tenu à reproduire ici la personne sur le chameau conduit par un diable, en bas à droite de cette image (on remarquera au passage qu’on ne lui voit qu’un œil…) ; il s’agit en effet d’une chut.

Gondar (ጎንደር), fresques de l’église Debré Birhan Sélassié (የደብረ ብርሃን ሰላሴ), le 20 janvier 2017

Après le repas dans un excellent restaurant de Gondar (Les Quatre sœurs — nous changeant de l’hôtel de la veille), ce fut le retour en avion vers Addis-Abeba. Ci-dessous le survol du lac Tana, la source du Nil bleu (j’ai utilisé une vitesse très élevée (200 µs) pour que l’hélice ait l’air immobile). Le lac Tana est normalement une destination touristique, inscrite au programme de la plupart des circuits Lalibela-Gondar sembables à celui que j’ai effectué. Mais cette année-là, en raison de troubles politiques (manifestations populaires) qui n’impactaient pourtant pas le tourisme, le gouvernement français avait formellement déconseillé la visite de cette zone.

Survol du lac Tana (la source du Nil bleu) en rentrant à Addis-Abeba (አዲስ አበባ), le 20 janvier 2017

En arrivant à Paris il faisait -5°C : le choc thermique (et encore, il ne fait pas si chaud que ça à Addis en raison de l’altitude). Ce sera encore pire l’année suivante quand je rentrerai de Colombie.