Festival de Bayreuth

C’est sans rapport j’en conviens avec la thématique de ce site, mais j'ai quand même envie d’en parler : le séjour que j’ai effectué la semaine passée dans la petite ville allemande de Bayreuth, pour assister au célèbre festival d'opéra consacré aux œuvres de Richard Wagner.

J'ai en effet pu obtenir des places au bout de la quatrième demande consécutive, nonobstant une ou deux demandes antérieures : c'est semble-t-il légèrement en-dessous de la moyenne. Cette année, il n'y avait pas de représentation du Ring, et j'avais opté pour trois spectacles qui tous étaient des reprises des saisons précédentes.

  • Tout d'abord Lohengrin, dirigé par Christian Thielemann et mis en scène par Yuval Sharon
  • Ensuite Parsifal, dirigé par Semyon Bychkov et mis en scène par Uwe Eric Laufenberg
  • Et pour terminer Tristan & Isolde, à nouveau dirigé par Christian Thielemann et mis en scène par Katharina Wagner (la directrice actuelle du festival, arrière-petite-fille du compositeur).

C'est la représentation de Parsifal que j'ai préférée, que j'ai trouvée absolument impeccable musicalement avec des chanteurs exceptionnels. Le metteur en scène a choisi de transposer la scène en Irak, le sanctuaire du Graal devant un monastère assiégé et le château de Klingsor se situant du côté de Daesch. L'interlude orchestral du premier acte (faisant suite au fameux « Zum Raum wird hier die Zeit », ici le temps devient espace) illustré par une très esthétique vidéo d'une incursion dans l'espace interplanétaire. Les Filles-Fleurs de l'acte 2 apparaissent sur scène couvertes d'une burkha mais fort heureusement ne la conservent pas trop longtemps. Après, on peut trouver certains parti-pris plus contestables (faire apparaître Amfortas à l'acte 2, ou le cercueil de Titurel plein de sable), mais j'ai globalement trouvé que l'esprit de l’œuvre était respecté.

J'ai aussi bien apprécié la représentation de Lohengrin même si je n'ai pas vraiment compris le sens du décor (un transformateur de centrale électrique !) ni pourquoi les personnages portaient des ailes.

En ce qui concerne Tristan, je ne saurais que louer la qualité de l'interprétation, concernant en particulier les rôles de Tristan et de Brangäne. Là où le bât blesse à mon avis, c'est la façon dont cet opéra a été mis en scène, à croire que le metteur en scène (je ne féminise pas les noms de métier) ait voulu faire de l'ouvrage de son bisaïeul un paillasson. Pas de trace de navire au premier acte ni de forêt au second (apparemment ce décor symbolise une prison, on se demande bien pourquoi, Kurwenal reste sur scène pendant tout l'acte à rebours du livret, et tente à un moment d'en escalader bruyamment les parois au détriment de l'écoute de la musique !). Seul l'acte 3 qui met en scène les délires de Tristan (en utilisant des doubles d'Isolde il faut le dire plus sexys que l'original) fonctionne à peu près. Du moins jusqu'au Liebestod final que j'ai trouvé raté, peut-être du fait du choix insensé de Mme Wagner de ne pas faire mourir Isolde. La cantatrice qui avait l'air fatiguée (ce qu'on peut comprendre !), ne semblait pas non plus y croire.

Cette troisième représentation un tout petit peu décevante, ne saurait faire oublier l'ambiance si particulière du festival que tout amateur de Wagner qui se respecte se doit de découvrir au moins une fois dans sa vie. La salle en amphithéâtre à l'acoustique en effet unique, l'orchestre totalement invisible (ce que je trouve un peu frustrant) mais qui effectivement permet aux voix de ne pas être recouvertes ; l'inconfort relatif (pas pire en fait qu'à l'opéra Garnier) des sièges en bois de la salle ; la discipline du public allemand qui reste debout tant que la rangée n'est pas complète, et qui à la fin du spectacle ne quitte la salle que lorsque les applaudissements sont terminés et la lumière rallumée. (Par contre la tradition de ne pas applaudir l'acte 1 de Parsifal se perd semble-t-il). A propos du public également, le fait que les tenues de soirée, sans être formellement obligatoires, sont d'usage quasi général (ce qui me gonfle passablement mais c'est comme ça). Public donc très huppé (il paraît que Mme Merkel vient ici chaque année en robe longue, je ne l'ai pas croisée), passablement âgé, très majoritairement allemand évidemment mais dans lequel on entend aussi très souvent parler français. Et puis, le clou de la tradition, les fanfares jouées depuis le porche du Festspielhaus pendant le quart d'heure précédent le début de chaque acte, pour inviter les spectateurs à (r)entrer en salle. Fanfares qui reprennent des leitmotiv de l'acte à venir paraît-il choisis par le Maître en personne (mais il semble que dans ce domaine la tradition évolue aussi un peu).