Cañons du Tassili n’Ajjer

Cañons du Tassili n'Ajjer (طاسيلي ناجر‎‎)

Le Tassili n’Ajjer est vraiment un coin somptueux, l’un des plus beaux endroits de notre planète à mon avis, et dont je reste toujours étonné qu’il ne soit pas plus médiatisé : peut-être parce que les Américains ne s’y rendent pas ? Un tassili, selon un terme géographique arabe, désigne des reliefs de grès caractéristiques que l’on peut rencontrer dans plusieurs secteurs du Sahara (Algérie, Libye, Tchad, Mauritanie…). Ces reliefs, sculptés par l’érosion éolienne, ne sont la plupart du temps pas très élevés (quelques dizaines de mètres tout au plus) mais sont en général constitués de formations rocheuses complexes et escarpées, souvent très spectaculaires et toujours magnifiques. Parfois les dunes viennent se mêler à ces formations, rendant les vues encore plus somptueuses. Très souvent aussi, on trouve dans ces tassilis des restes de gravures ou de fresques préhistoriques, remontant à une époque où le Sahara était beaucoup moins sec et où l’on pouvait y rencontrer la faune de la savane africaine. Parmi les tassilis du Sahara, le Tassili n’Ajjer est sans conteste l’un des plus exceptionnels, tant par son étendue, la complexité et la diversité des formations rocheuses (de véritables labyrinthes naturels dont seuls les autochtones connaissent les détours !), et également par la quantité et la qualité des fresques qu’on peut y trouver, sans égales nulle part ailleurs au Sahara. À l’attrait de cette région on peut ajouter son relatif isolement, le relief ainsi que la proximité de la frontière libyenne rendant impossibles les visites en 4 × 4, préservant les sites du tourisme de masse.

J’ai effectué dans le Tassili un voyage de 15 jours par l’agence Terres d’Aventure, en randonnée avec assistance chamelière (transport des bagages et du matériel par caravane), au sein d’un groupe d’une dizaine de personnes et assisté d’un guide français, chose devenue rarissime ces dernières années. Presque aucun trajet en véhicule en dehors des quelques kilomètres séparant Djanet de son aéroport : nous sommes partis à pied des faubourgs de la ville et avons terminé la randonnée à quelques kilomètres de là, une situation inhabituelle en dehors de quelques treks au Népal. J’avais apporté deux appareils photos sur ce voyage (on n’est jamais assez prudent avec le sable !) : mon viel appareil argentique avec lequel j’avais pris presque toutes les photos des précédents voyages ; et un petit appareil numérique. Du coup j’ai pris beaucoup de photos en double, mais il apparaît que les photos numériques sont bien plus belles que les diapositives, lesquelles sont de couleurs décevantes, notamment par rapport aux voyages précédents : le tirage des diapos par la Fnac semble s’être bien dégradé. Du coup et pour les voyages suivants j’ai abandonné la diapo et acheté un réflex numérique.

J’ai eu un autre petit déboire concernant ce voyage : arrivé à Djanet à 3h du matin par vol charter, j’ai découvert à l’aéroport que les GPS étaient interdits en Algérie. Et comme je ne suis pas doué pour la dissimulation, outre le fait que les officiels algériens, déjà fort peu aimables par nature, le sont encore moins s’il est possible après une nuit blanche, j’ai dû laisser mon récepteur en consigne (je l’ai récupéré au retour). Du coup, il m’a été très difficile de retrouver l’itinéraire exact de ce trek. Certes, le guide a bien voulu me communiquer ses propres relevés GPS des bivouacs et de certains pique-niques. Mais pour le reste, il m’a fallu aller à la devinette. Une habitude que j’ai prise depuis quelques années est de placer dans Google Earth GE (via la société Panoramio) une sélection de mes photos de voyage (ce qui me permet au passage de récupérer quelques visiteurs sur mon site). Pour placer les photos de ce voyage, j’ai dû tâtonner passablement (la région n’était alors scannée qu’en basse résolution), mais j’ai eu le plaisir d’être parmi les premiers à placer des photos du Tassili dans Google Earth. Par la suite, non seulement j’ai été imité, mais Google Earth est venu scanner avec précision des zones correspondant précisément à celles où j’avais placé des photos ! (j’ai d’ailleurs observé le même phénomène pour le Tchad). Ce qui m’a permis (il y a quelques années de cela déjà) a posteriori de rajuster les positions de quelques photos.

Nous avons débuté le voyage (après une grasse matinée rendue nécessaire par nos conditions de voyage) par un petit tour dans le centre-ville de Djanet. Djanet, Fort-Charlet du temps de la colonisation (جانيت, ⵊⴰⵏⴻⵜ) est une petite oasis située au pied du plateau des Ajjer, dans un cadre assez remarquable. Elle est dominée par un fort colonial, auquel il est malheureusement interdit de monter, sous peine de se faire vertement rappeler à l’ordre par les militaires (je parle d’expérience). Néanmoins la vue sur la ville est intéressante depuis la mi-pente. La ville en elle-même est néanmoins un peu décevante, trop transformée qu’elle est en souk pour touristes.

Le centre-ville de Djanet, le 5 mars 2006

On remarquera que les rares femmes circulant en ville sont voilées de la tête aux pieds, comme dans le reste de l’Algérie ou n’importe quel pays musulman. Je ne sais pas si ce que l’on raconte sur le supposé matriarcat de la société touarègue relève d’une époque (coloniale) révolue ou bien n’est que pure légende.

Nous sommes ensuite retournés au camp d’où nous allions partir à pied, ainsi que je l’ai expliqué dans l’introduction. Les premiers kilomètres de marche nous offrent une belle vue sur les environs de Djanet et ont offert à notre guide l’occasion de nous expliquer la façon dont notre trek serait agencé. Djanet est située dans la vallée d’un oued (l’oued Tarrent-tin-Essa) dont le cours, nord-sud, est parallèle à la limite d’un vaste plateau, le plateau des Ajjers. C’est lui qu’on aperçoit à l’horizon sur la photo. L’accès à ce plateau est difficile car il se termine systématiquement par des falaises escarpées. Seules quelques rares points de passage, appelés akba, permettent l’ascension, tant aux hommes qu’aux chameaux (mais pas aux véhicules). Notre trek s’organisera en deux parties d’égale durée. Nous commencerons par randonner en plaine, au nord-ouest de Djanet, dans un secteur où le sable se mêle le plus souvent aux rochers ; ce sable provient de l’erg d’Admer tout proche. Puis nous reviendrons vers l’oued Tarrent-tin-Essa que nous couperons au nord de la ville. Ensuite nous monterons sur le plateau par l’akba d’Assakao. Nous passerons plusieurs jours sur ce plateau, très minéral mais aussi très riche en peintures rupestres, avant de redescendre au-dessus de Djanet par l’akba d’Issélihouhène.

Djanet et le plateau des Ajjer vus des environs de Tisras, le 5 mars 2006

Notre premier camp s’appelle Tisras, il est situé dans un environnement de sable et de grès qui nous a bien plu, même si nous verrons des reliefs bien plus spectaculaires par la suite. C’est à Tisras que nous ont rejoints les chameaux chargés ensuite de transporter notre équipement.

Paysage des environs de Tisras, le 5 mars 2006

D’autres photos, prises le lendemain matin, de ce type de paysage que j’affectionne particulièrement :

Les environs de Tisras, le 6 mars 2006

Nous changeons d’environnement l’après-midi : nous approchons, pour la seule fois de ce trek, des dunes de l’erg d’Admer. C’est un paysage qui évoque un peu le voyage que j’ai effectué en 2004 au Niger en bordure du Ténéré. Ici l’erg proprement dit est séparé de la zone rocheuse où nous nous trouvons, par une plaine de plusieurs kilomètres de large ; c’est probablement à cause des crues des oueds qui balayent le sable dans cet espace. Nous avons néanmoins trouvé une grande dune (la dune d’Inélokou) dont nous avons fait l’ascension à proximité de pitons rocheux, dans un environnement assez remarquable.

Panorama depuis la dune d’Inélokou, le 6 mars 2006

Nous avons finalement bivouaqué dans un oued d’où nous avons pu photographier ces magnifiques couleurs crépusculaires.

Coucher de soleil au camp de l’oued Inélokou, le 6 mars 200

Le lendemain le vent soufflait pas mal. J’ai préféré, au moins en début de journée, laisser mes appareils dans mon sac et prendre des photos au jetable : je n’avais pas envie qu’ils tombent en panne dès le début du voyage ! Nous avons au cours de cette journée progressé dans un réseau complexe de vallées creusées dans le massif de grès, vallées dans lequel seul notre guide touareg était en mesure de se repérer ! Les nomades ont vraiment un sixième sens pour cela.

Franchissement d’une dune au sable soulevé par le vent, le 7 mars 2006

Parfois les vallées sont séparées par un petit col, il faut donc grimper un peu. Nous avons au cours de cette demi-journée rencontré nos premières peintures rupestres, mais nous en verrons d’autres bien plus belles par la suite.

Après une assez longue marche dans des vallées où le sable mou rend la progression un peu difficile, nous voici à Télou Tédjert : grès et dunes de sable mêlés ! Le Sahara que j’aime.

Zone de sable et de grès près de Télou Tédjert, le 7 mars 2006

Mais nous quittons définitivement ces paysages le lendemain en fin de matinée. La suite du trek sera plus rocheuse.

En quittant le camp de Télou Tédjert, le 8 mars 2006L’un des derniers paysages de la zone de dunes, le 8 mars 2006

Ascension d’un petit col entre deux vallées ; un endroit que j’ai pu facilement retrouver dans Google Earth (malgré l’absence de relevé GPS) GE.

Franchissement d’un petit col, le 8 mars 2006

À Iltéloueten, un peu plus loin, nous avons rencontré la première peinture rupestre d’importance de cette randonnée. Les peintures rupestres du Tassili datent de plusieurs périodes, et on a ici affaire à la période la plus ancienne (pouvant remonter à 8000 ans) : les « têtes rondes ». Les têtes rondes sont parmi les peintures les plus raffinées, les figures ayant le plus souvent des traits européanoïdes, même si l’on rencontre parfois aussi des traits négroïdes. Les périodes ultérieures sont les bovidiens (moins raffinées), les équidés (ultérieures à 800 av. J-C), puis les camélidés à partir de 200 av. J-C, date de l’introduction du chameau (dromadaire) dans la région. Enfin, des camélidés récents, souvent très grossiers. Les peintures des dernières périodes sont parfois accompagnés de Tifinar, écriture berbère encore employée de nos jours par les Touareg (mais on ne sait pas lire les inscriptions des peintures, à l’exception des plus récentes).

Peinture de la période des « têtes rondes » à Iltélouéten, le 8 mars 2006

Près d’Iltélouéten se trouve ce que je considère comme une curiosité géologique : un plateau de grès. On monte sur ce plateau par un dénivelé à peine marqué (une vingtaine de mètres peut-être), mais qu’on est obligé de franchir par une escalade très facile. Une fois arrivé sur ce plateau, on retrouve du sable entre des blocs de grès constituant un labyrinthe : en fait le même paysage qu’avant d’être sur le plateau. Du coup on peut se demander si ce plateau existe vraiment… Pourtant nous sommes montés et descendus de ce plateau deux fois, par des itinéraires différents, mais à chaque fois le dénivelé était marqué et l’itinéraire un peu alpin. En tout cas, plateau ou pas, voici deux photos prises sur ce plateau, la seconde depuis un piton rocheux que nous avions escaladé. Le plateau renferme aussi des peintures rupestres, mais moins intéressantes que la précédente.

Vue partielle du plateau d’Iltélouéten, le 8 mars 2006

Encore quelques paysages un peu similaires le lendemain matin. J’ai eu par contre du mal à les localiser dans Google Earth. Nous avons ensuite traversé une zone complètement dénudée, un passage un peu fastidieux dans ce trek.

Formations de grès mêlées de sable, le 9 mars 2006

Nous avons ensuite atteint l’oued Tarrent-tin-Essa qui est l’oued qui arrose (si j’ose dire) Djanet. Nous devions dorénavant cheminer sur la rive gauche de cet oued, après les cinq premiers jours passés sur sa rive droite. Ourzarane, notre guide touareg, non dépourvu d’un certain sens du théâtre, s’est arrangé pour nous faire déboucher brusquement, sans crier gare, sur la magnifique guelta de Tiniss située dans le lit de l’oued. Il faut dire que des pluies assez exceptionnelles étaient tombées dans la région les mois précédent, et cette guelta était très en eau.

La guelta de Tiniss, le 9 mars 2006

Un peu plus loin, sur la rive de l’oued, nous avons rencontré ce vaste tumulus circulaire. On ne sait de quelle époque il date (plusieurs milliers d’années). J’ai réussi (non sans peine) à le localiser dans Google EarthGE. Nous rencontrerons, au cours de ce trek, une autre construction similaire.

Tumulus préhistorique près de l’oued Tarrent-tin-Essa, le 9 mars

Nous avons entamé le lendemain la montée (en deux jours) sur le plateau des Ajjer. Cette montée, empruntant l’akba d’Assakao, suit en fait le tracé d’une ancienne piste pour 4 × 4 datant de la colonisation. Œuvre héroïque de légionnaires réalisée à la seule force de leurs bras, véritable exploit dans un terrain particulièrement accidenté, cette piste permettait de relier Djanet à Ghat en traversant tout le plateau. Mais l’Algérie indépendante n’a pas juté utile d’entretenir cet itinéraire : Ghat (autrefois sous domination française) est en effet maintenant située en Libye. Il a sans doute suffi de quelques orages et d’une ou deux crues de l’oued, pour faire disparaître totalement la piste en certains endroits et rendre l’itinéraire parfaitement impraticable pour les véhicules — bien qu’à côté de cela la route soit restée intacte sur des dizaines de kilomètres, dès lors que le terrain est moins accidenté. Heureusement les chameaux passent sans trop de problèmes, et cette absence d’entretien permet de préserver les trésors du plateau des Ajjer, de l’invasion de hordes de touristes en sandales !

Montée en direction du plateau par une piste datant de la colonisation, le 10 mars 2006

Nous avons rejoint le camp de Tin Afazou pour l’heure du déjeuner ; l’après-midi devait en effet être consacré à la visite d’un des lieux les plus spectaculaires de ce trek, le cañon de Talouhaouat. Cañon qui débute par cette petite guelta dont je n’ai pas noté le nom :

Petite guelta à l’entrée du cañon de Talahouat, le 10 mars 2006

Ensuite le cañon s’enfonce petit à petit, ses berges, très escapées, deviennent de plus en plus hautes, jusqu’à atteindre une centaine de mètres environ ! Le tout pour une largeur d’à peine quelques mètres. Le fond du cañon est sableux mais très accidenté, au point qu’on ne sait pas toujours dans quelle direction l’eau est censée s’écouler… Quoi qu’il en soit les crues ici doivent être violentes, eu égard aux restes de branchages que l’on peut apercevoir, laissés par les flots à bonne hauteur et accrochés aux parois.

Progression dans les gorges de Talahouat, le 10 mars 2006

Le cañon de Talahouat se termine brusquement par un éboulis infranchissable. Mais il faut absolument prendre la peine d’escalader en partie ce dernier pour aller voir ce qu’il y a derrière : cette guelta permanente, opportunément éclairée par les rayons du soleil couchant. Le clou du spectacle !

Guelta permanente au fond du cañon de Talahouat, le 10 mars 2006

Mais il semblerait que ce cañon, pour extraordinaire qu’il soit, n’est rien à côté d’autres trésors méconnus que recellerait la région. J’ai entendu dire (par un organisateur de voyages toulousain qui m’a un soir téléphoné chez moi pour me parler du Tassili) qu’il existerait une gorge, immergée sur plusieurs kilomètres et ce en permanence, qu’on ne pourrait parcourir qu’en bateau ! Le tout en plein désert ! À peine croyable mais vrai. J’attends en tout cas de la voir apparaître sur un catalogue.

En tout cas, que ce soit à propos de ce cañon de Talahouat, de celui de Tamrit ou des cyprès millénaires de ce même oued Tamrit, ce voyage est un de ceux qui aura suscité le plus de réactions et d’échanges avec des internautes. Et ce, avant même que j’en aie publié la description sur ce site !

Le lendemain, montée pour de bon sur le plateau des Ajjer (300 m de dénivelé à peine !), empruntant ce très spectaculaire passage que constitue l’akba d’Assakao. En fait, une gorge montant en pente douce, et aux parois à pic. Plus guère de trace de la route coloniale ici, mais un sentier muletier facile à parcourir, pour nous en tout cas (c’est beaucoup moins évident pour les chameaux !). 

Accès au plateau par l’akba d’Assakao, le 11 mars 2006

Aucun autre touriste dans ce lieu pourtant exceptionnel. Nous avons tout de même rencontré une autre caravane, cheminant en sens inverse : il semble bien qu’il s’agissait de contrebandiers commerçant avec la Libye. Les Touareg qui la conduisaient nous ont en tout cas salués très amicalement.

Le sentier quitte brusquement la gorge pour grimper en lacets sur l’un de ses flancs : le seul endroit en fait dépourvu de barre rocheuse. Réflexion faite, ça semble un miracle qu’on puisse accéder si facilement à ce plateau ! Arrivés en haut, nous nous rendons sur les restes d’un fort (poste d’observation militaire du temps de la colonisation, mais totalement abandonné aujourd’hui). La vue qui porte jusqu’à l’erg d’Admer (on peut en deviner la couleur claire des dunes à l’horizon, sur la première photo) est absolument exceptionnelle.

Sortie de l’akba d’Assakao, le 11 mars 2006

La suite nous a fait un temps regretter d’être montés sur le plateau : pendant quelques kilomètres, un paysage désespérément plat et intégralement minéral (certes j’aime le minéral, mais bon…). Ce n’est qu’après une heure de marche environ que sont à nouveau apparus les premiers reliefs de grès, au niveau de l’oued Amazak où l’on trouve quelques peintures rupestres (d’époque ptolémaïque pour certaines d’entre elles, mais on remarquera aussi des tifinar).

Les austères premiers kikomètres du plateau des Ajjer, le 11 mars 2006

Et là, le paysage a changé brusquement. Nous avons abordé ces forêts de grès caractéristiques du plateau des Ajjer, véritables labyrinthes s’étendant sur des dizaines de kilomètres. Les guides touareg (dont le nôtre, Ouarzarane) se targuent d’en connaître les moindres recoins. Pour nous autres, pâles occidentaux, il y a intérêt à rester groupés…

Forêt de grès près de l’oued Amazak, le 11 mars 2006

Nous avons rencontré deux gueltas dans les parages, celle de Tihoutam et celle d’In Legga (ci-dessous), un assez vaste plan d’eau situé au pied d’une falaise sur laquelle on peut distinguer la trace d’une cascade. 

La grande guelta d’In Legga, le 11 mars 2006

Ces deux gueltas étaient situées tout près de notre camp (à Tihent Maroualine), mais notre guide européen, gauchiste inflexible tendance khmer vert, nous avait formellement interdit d’en puiser l’eau pour faire notre toilette. De ce fait ce voyage est le seul où je ne me suis pas du tout lavé pendant quinze jours : moi ça ne me dérange pas plus que ça, mais je sais que plus d’un (ou plutôt plus d’une !) serait rebuté(e) par une telle perspective…

À Tihent Maroualine j’ai placé mon matelas loin des autres, sur les rochers des formations de grès. J’ai été réveillé en pleine nuit par des bruits de mastication : rien de bien méchant toutefois, vraisemblablement des gerbilles.

Nous avons continué la randonnée pendant plusieurs jours dans ce type de ce paysage ; mais il faut dire qu’on ne s’en lasse pas ! (Les photos de la série suivante mélangent deux journées, le 12 et le 13 mars, voir les légendes au cas par cas). Beaucoup également de peintures rupestres rencontrées au cours de notre périple, certaines regroupées en de véritables musées à ciel ouvert. J’y reviendrai le moment venu. Quittant notre camp de Tihent Maroualine, au pied d’une gigantesque cathédrale de pierre, nous sommes tombés sur une vipère à cornes endormie. Nous étions à la mi-mars, c’est pile la période où elles commencent à se réveiller. Il parait que le secteur en est infesté à partir du mois d’avril.

Forêts de pierre entre Tin Aresou et Tin Tattaït, le 13 mars 2006

On remarquera cet oued au sol plutôt verdoyant : les pluies des derniers mois avaient transformé certains secteurs en véritables prairies ! On pouvait voir de nombreuses fleurs dont certaines très rares. Mais j’en ai pris peu de photos, n’étant pas par nature très emballé par la botanique.

D’autres monuments de grès, près du camp de Tin Mgharen où nous avons dormi le soir (et où nous avons dîné de cet incontournable mais fort peu léger plat saharien qu’est la tagueïla…).

Forêt de grès près de Tin Mgharen, le 12 mars 2006

Le camp de Tin Mgharen est entouré d’un très grand nombre de peintures, de toutes les époques (on peut voir ici celle des chevaux, il y a également des dromadaires (peintures récentes) ainsi que des animaux de la savane). Sur la dernière peinture se trouvent aussi des alvéoles laissées par les guêpes.

Peinture de chevaux près de Tin Mgharen, le 12 mars 2006

En fait nous avons vu tellement de peintures, ce jour ainsi que les deux suivants, que nous avons très peu marché : ce voyage de randonnée s’était transformée en visite de musée… (ce qui est au moins aussi épuisant).

Après quand même une petite marche, au lieu-dit de Tin Aresou, nous avons observé dans le grès (mais je n’ai pas pris de photo) des traces de pas qui dateraient de quelques milliers d’années. Quelques théories plus ou moins fumeuses existent là-dessus. Près du camp du soir, à Tin Tattaït, se trouve l’une des deux ou trois plus belles peintures de ce trek, de taille bien plus imposante que tout ce que nous avions vu jusqu’alors (et à ce que j’ai pu voir dans d’autres voyages). Elle représente un animal, mais personne ne sait trop lequel. Certains ont proposé un ours… Bref, là aussi, des théories toutes plus farfelues les unes que les autres se font concurrence.

La « créature » de Tin Tattaït, le 13 mars 2006

Les deux jours suivants ont été presque intégralement consacrés aux peintures rupestres. Avec trois sites majeurs : Tin Abateka et Tin Tazarift le premier jour (14 mars) ; et puis, ce qui nous a pris presque une journée entière, le 15 mars, le fabuleux site de Séfar qui constitue sans doute le clou du Tassili. Dans tous ces sites on trouve quelques peintures de grande taille, des dizaines (voire des centaines) de peintures de petite taille, et de toutes les époques. Le tout, avec presque aucun touriste ! (nous en avons tout de même croisé quelques uns à Séfar). Certaines de ces peintures sont assez célèbres. J’avoue néanmoins que je me suis parfois un peu lassé des explications du guide, que je ne serai donc en mesure de vous transcrire fidèlement ici. Je me contenterai en définitive de vous présenter les principales œuvres.

À Tin Abateka, les plus belles peintures sont d’abord les « femmes de dos » (il s’agit bien évidemment d’une interprétation) ; il y a également cette sorte d’ours (à croire que des ours auraient vraiment vécu par ici !). Et enfin et surtout (photo principale), cette magnifique figure négroïde munie d’un arc, pour ainsi dire grandeur nature. D’autres peintures ont suscité de longs commentaires de notre guide, en particulier l’une d’entre elles (que je n’ai pas photograhiée) montrant des chars avec des roues, et qui remonte à l’époque des Garamantes. Il y a en tout cas vraiment beaucoup de très belles peintures à Tin Abateka.

Figure négroïde munie d’un arc, Tin Abateka, 14 mars 2006

Toutes ces peintures sont situées dans un remarquable décor de pitons de grès que je n’ai pas manqué de photographier… Comme on peut s’y attendre, les peintures sont toutes localisées dans des anfractuosités les protégeant des rayons du soleil (et sans doute aussi, des rares pluies).

Piton de grès à Tin Abateka, le 14 mars 2006

Venons-en maintenant au second site du jour, Tin Tazarift (parfois aussi orthographié Tin Tazareft), distant du premier d’à peine une demi-heure de marche. On y trouve surtout une magnifique peinture de têtes rondes (ci-dessous). Également, ces barques peintes ayant donné lieu à toutes sortes de théories farfelues (c’est une influence égyptienne bien évidemment !).

Peinture de têtes rondes à Tin Tazarift, le 14 mars 2006

Nous avons tout de même dû marcher un petit peu l’après-midi pour rejoindre notre camp de Ouan et Touami, cheminant comme les jours précédents dans un véritable labyrinthe de grès. Nous nous sommes à un moment arrêtés pour escalader un piton de grès (c’était un peu scabreux) ce qui m’a permis de prendre cette photo d’en haut. Au cours de la soirée suivante où j’avais également placé mon matelas en hauteur, j’ai profité de la pleine lune pour faire quelques photos en pose dont je ne suis, ma foi, pas peu fier.

Le site d’Ouan et Touami au clair de lune, le 14 mars 2006

Le site de Sefar, auquel nous avons consacré une bonne partie de la journée du lendemain, constitue à n’en pas douter l’apothéose de ce voyage, du moins en terme de peintures rupestres. C’est en tout cas là qu’on en trouve la plus grande concentration, et aussi parmi les plus belles. Le suite lui-même est un enchevêtrement de cañons et de galeries creusées dans le grès, tellement complexe qu’on a parfois l’impression qu’il s’organise sur plusieurs niveaux. Notre guide en possédait toutefois ce plan (un genre de document rarissime concernant le Tassili…) qui lui permettait de retrouver sans trop de mal les principales peintures (mais pour parvenir à le superposer avec Google Earth mieux vaut s’accrocher !GE).

Parmi les peintures de Séfar, une surtout retient l’attention, c’est peut-être la peinture la plus célèbre de tout le Sahara. Il s’agit du « grand dieu de Séfar », vaste fresque de plusieurs mètres carrés, représentant une fois encore une créature de genre indéterminé.

La fresque du « grand dieu de Séfar »

Cette figure négroïde mérite également d’être mentionnée.

Figure négroïde à Séfar

Étant resté quelques instants à l’écart du groupe, alors que nous quittions le site de Séfar pour traverser une portion de désert plate, en direction de notre camp du soir à In Itinen, j’ai fait une soudaine rencontre qui m’a laissé à réfléchir. Plusieurs hommes, de souche subsaharienne, qui dès qu’ils m’ont vu se sont efforcés de se cacher. Il semble, d’après ce que m’a ensuite expliqué le guide, qu’il s’agisse d’une filière d’immigration clandestine passant par la Libye toute proche, et que ces hommes croisaient dans ces parages en raison de la présence d’une guelta facile à repérer dans le site de Séfar. Il est avéré en tout cas que le sud algérien est une véritable plaque tournante de l’immigration clandestine (que les autorités algériennes ne combattent que très mollement) et il semble bien que la traversée du Sahara à pied par ces gens-là soit une réalité. Et aussi, accessoirement, que le désert est loin d’être aussi désert que l’on se l’imagine !

L’un des plus beaux endroits du Tassili nous attendait le lendemain matin, après une petite heure de marche au milieu des formations de grès. Il s’agit de l’oued Tamrit et ses cyprès millénaires. Cette quinzaine de résineux qui pousse au fond de ce cañon, date de l’époque où le Sahara n’était pas un désert. Les arbres survivent en puisant l’eau dans la nappe phréatique à plusieurs mètres de profondeur, mais ne peuvent se reproduire, car il n’y a pas d’eau en surface et des jeunes pousses ne pourraient donc pas s’hydrater. Inutile de dire que ces végétaux sont très menacés, d’autant qu’il semble que l’espèce soit endémique. Le plus vieux de ces arbres aurait 4700 ans.

Le site de l’oued Tamrit et ses cyprès, le 16 mars 2006

Nous avons également rencontré pas mal de fleurs dans l’oued Tamrit, eu égard aux récentes pluies dans la région. Ce spécimen est paraît-il assez rare.

Une fleur rare de l’oued Tamrit, le 16 mars 2006

L’oued Tamrit se prolonge par un gigantesque cañon qui entaille sur toute sa hauteur le plateau des Ajjer. Quand on débouche ex abrupto sur ses bords l’effet est particulièrement saisissant ! Bien évidemment il n’y a pas d’akba à cet endroit, les parois sont bien trop escarpées pour être franchies.GE

Le grand cañon de l’oued Tamrit, le 16 mars 2006

Cela n’a pas empêché ce voyagiste toulousain dont j’ai déjà parlé et qui avait découvert mes photos sur Internet, de me demander ce que je pensais de la praticabilité de ce cañon : son idée était de le remonter par le fond ! L’idée me laisse quand même perplexe. J’attends de voir cette petite excursion programmée au catalogue de quelque agence…

C’est en contournant ce cañon que j’ai trouvé cette charmante petite bête quasiment sous ma chaussure. Cela m’arrive assez souvent en randonnée ; peut-être parce que j’ai l’habitude de regarder mes pieds en marchant.

Vipère à cornes près du cañon de l’oued Tamrit, le 16 mars 2006

Dernière attraction majeure de cette journée particulièrement remplie, les peintures dites des « Dames Blanches » de Tin Zoumaïtek. Elles figurent parmi les plus célèbres du Sahara, bien qu’elles soient paraît-il assez peu visitées en raison de leur isolement (néanmoins on les voit assez souvent en photo).

La fresque de la Dame Blanche de Tin Zoumaïtek, le 16 mars 2006

Il se trouve que j’ai eu l’occasion, à la fin de cette même année 2006, de visiter une autre fresque appelée « Dame Blanche », dans les monts du Brandberg en Namibie. Pourtant il n’ y a pas photo : elle n’arrive pas à la cheville de sa cousine du Tassili ! Je vous laisse néanmoins deviner laquelle des deux est la plus visitée…

La fin de cette journée (et d’ailleurs la fin du trek) s’est avérée nettement moins captivante : les plus beaux endroits avaient maintenant été visités, et ne restaient plus que des étapes de jonction. Nous avons rejoint le soir le camp d’Akar Fafadao GE près duquel se trouve le point culminant du Tassili. Notre guide l’a fait gravir au crépuscule aux « volontaires », empruntant un itinéraire plus que scabreux au-dessus d’une petite dune… sans nous préciser qu’il existait un passage beaucoup plus facile de l’autre côté ! (Il paraît que c’était coté IV… et je ne fais jamais d’escalade !).

Ascension du sommet de l’Akar Fafadao, le 16 mars 2006

Il restait une journée et demie de marche : descente par l’akba d’Issélihouène, puis marche le long d’un oued. Ce n’était pas ce qu’il y avait de plus beau, mais il fallait sans doute le faire… Nous nous sommes finalement arrêtés à une demie journée de marche de Djanet, pour finir la boucle en 4 × 4… histoire sans doute de ne pas pouvoir dire que nous avons tout fait à pied !

Paysage dans un oued à la fin de l’étape, le 17 mars 2006