Chamonix-Zermatt par la haute route

Chamonix-Zermatt

N’ayant pas programmé de grand voyage pendant l’été 2010, j’ai profité de la semaine de fermeture de mon lieu de travail pour effectuer un séjour de haute montagne (séjour organisé par l’agence Odyssée montagne). J’avais à l’origine opté pour un séjour dans l’Oberland, mais ce dernier ayant été annulé faute de participants, je me suis rabattu sur le Chamonix-Zermatt.

Le rendez-vous était fixé au village du Tour en fin d’après-midi. Un endroit qui, chose rare en montagne en tout cas en France, est quasiment accessible sans voiture. Mais je n’ai pas pu trouver de train couchettes et j’ai dû passer une nuit en chemin, à Bellegarde. Quelle ville sinistre ! C’est en fait une banlieue de Genève, comme j’ai pu le constater au petit matin en découvrant une noria de trains suisses et français embarquer des navetteurs en costard-cravatte. Avec mes chaussures de montagne et mon piolet je me sentais un peu décalé !

Grand beau temps le jour où je suis arrivé. Le mont Blanc était visible dès Annemasse, et j’ai pu admirer les fantastiques paysages chamoniards au fur et à mesure que le train progressait dans la vallée. Descendu à Montroc, j’ai terminé à pied les deux derniers kilomètres de route. La trace de l’avalanche de 1999 est encore bien visible.

J’étais très en avance. Le groupe s’est complété petit à petit (de niveau très hétérogène, et avec une seule femme). Le guide, originaire de l’Oisans, est quant à lui arrivé bien en retard.

L’itinéraire commence par une montée au refuge Albert Ier. J’y suis déjà monté par deux fois, une première enfant en 1977, et la seconde il y a dix-sept ans lorsque j’ai effectué l’ascension du mont Blanc (le trek d’acclimatation commençait là). Mais alors qu’en 1993 nous étions partis du bas, cette fois-ci (et à la grande surprise de mes compagnons de randonnée !) nous montons à Charamillon par le télésiège. Télésiège (débrayable) et non télécabine comme dans le temps.

Ensuite c’est un sentier qui monte modérément, offrant une magnifique vue sur la Verte et les Drus.

Également le mont Blanc, et de l’autre côté le col de Balme.

Cette photo n’est peut-être pas ma plus belle ; pourtant c’est elle que le CAF Île-de-France a utilisée comme photo de couverture de son magazine Glace et sentiers en 2011.

La vue sur l’aiguille du Chardonnet et sur le glacier du Tour est proprement magnifique. Le glacier a de façon incontestable, très fortement reculé depuis 1993. Ce qui n’implique pas, bien sûr, de conclusions hâtives quant à l’origine anthropique de ce phénomène…

Nous sommes arrivés au refuge au crépuscule. Celui-ci était bondé, nous n’avons pu dîner qu’au deuxième service, mais nous en avons profité pour prendre de magnifiques photos du glacier au coucher du soleil. Je ne regrette pas d’avoir emporté mon gros appareil Pentax !

Malheureusement le lendemain matin ce fut un peu la déception : il avait plu pendant la nuit et le brouillard avait enveloppé le refuge ! Je ne m’y attendais absolument pas. Le temps restera néanmoins acceptable pour cette première journée d’alpinisme. La nuit a en outre été franchement mauvaise, comme souvent dans les refuges bondés du massif du mont Blanc. Altitude, bruit, chaleur, odeurs, promiscuité…

Au programme de cette première journée, le franchissement du col du Tour et la redescente par le versant suisse (plateau du Trient). Presque le même itinéraire au début que lors de ma pré-ascension du mont Blanc (excepté que pour une raison qui m’a échappé, nous franchirons aujoud’hui le col supérieur du Tour et non le col du Tour).

Quelques photos prises à l’aube alors que le temps est encore incertain. On notera l’aiguille du Goûter sur la deuxième photo :

L’aiguille du Chardonnet se dégage ensuite peu à peu. Le sommet de l’aiguille Verte sur la seconde photo.

Ici, l’encordement avant la montée au col. Je n’ai pas conservé de photo du haut (en fait la vue n’est pas géniale).

Nous traversons ensuite le plateau de Trient, par endroits crevassé.

Nous redescendons par le glacier d’Orny (nous avons décordé assez vite). On notera les grimpeurs sur la dernière photo (il paraît qu’on ne dit pas « alpinistes »)

Nous passons ensuite par la cabane d’Orny (première photo). La descente est ensuite assez fastidieuse. Nous avons pique-niqué dans la combe.

Ensuite un petit sentier en balcon assez aérien (j’ai moyennement aimé) permet de rejoindre l’arrivée du télésiège de la Breya. Halte dans le bistrot du télésiège où j’ai pu goûter une spécialité suisse, la Rivella (c’est une boisson gazeuse). Et dire qu’il m’aura fallu attendre mes septièmes vacances en Suisse pour découvrir ça !

Le télésiège descend à Champex : très impressionnant. Deux places par siège mais difficile de coincer les sacs… Nous avons dormi dans un gîte au village (assez cher bien que ce soit un gîte mais c’est la Suisse !). Par contre et bien que ce soit la Suisse, difficile de trouver une banque où changer de l’argent… Dans la soirée, petite balade autour du lac, puis revue de sacs par le guide afin d’alléger ceux-ci. Ça me rappelle l’armée !

Nous repartons le lendemain matin en taxi : et oui, Chamonix-Zermatt c’est mensonger, en tout cas on en fait pas tout à pied ! Après un arrêt courses à la Villette (assez long, ce qui a eu pour effet d’énerver le chauffeur), nous sommes montés en taxi sous le barrage de Mauvoisin (peu de temps auparavant d’ailleurs les taxis pouvaient monter plus haut, le programme a dû être modifié). Un barrage-voûte très impressionnant et un lac de retenue que l’on contourne en grande partie… en tunnel.

Cette cascade est en fait la dérivation artificielle du torrent d’une vallée voisine, captée afin de renforcer la production électrique.

On note ici les glaciers qui sont à la base du Grand Combin (4314 m), une montagne que je n’avais jusqu’alors jamais pu voir de près.

Ici le fameux passage en tunnel :

Quelques vues du lac prises depuis une « fenêtre » du lac :

On contourne maintenant le lac tout en s’élevant et en s’en éloignant peu à peu :

Nous passons le col de Tsofereit avant de redescendre vers la cabane Chanrion où nous allons passer la nuit. Nous y sommes arrivés très tôt (pique-nique juste avant d’arriver à la cabane). L’après-midi a été assez longue et la vue sur le Grand Combin, assez bouchée.

Nous sommes partis très tôt le lendemain (5h), ce qui n’a pas eu l’heur de plaire au gardien de la cabane Chanrion. Mais il faut dire que la météo n’était pas très optimiste et annonçait une agravation au cours de la matinée. Nous avons néanmoins pu, avant de partir, apercevoir le Grand Combin à peu près dégagé.

Au programme ce matin, la longue remontée du glacier d’Otemma, un glacier en pente douce, très peu crevassé et peu recouvert de moraine (à part quelques bandes de moraine au milieu glacier qui sont la signature de confluents glaciaires, à l’instar de ce que l’on peut rencontrer sur nombre de glaciers exotiques). Ce glacier fait 8 km de long ce qui n’est pas mal pour les Alpes… Nous l’avons remonté sans crampons sur quasiment toute sa longueur (bien que ce fût parfois un peu glissant).

Évidemment c’eût été mieux par beau temps (voir le site d’Herr Hupé pour des photos ensoleillées…).

Après le col de Charmotane, le passage devient un tout petit peu plus technique et il faut chausser les crampons. Puis franchir une pente d’éboulis et enfin les remettre à nouveau. C’est plus crevassé qu’on ne le croit, l’un d’entre nous manque d’ailleurs de tomber.

Voici l’arrivée (un peu technique mais aussi très belle) à la cabane des Vignettes. Altitude : 3157 m

J’étais déjà venu aux Vignettes en 1990 et j'en avais conservé un souvenir ému. Il faut dire que les toilettes suspendues au-dessus du vide avec vue sur le glacier par le trou, ça impressionne ! Et bien malheureusement, de tels souvenirs doivent dorénavant être relégués aux oubliettes. Car la cabane a été modernisée en 2008, et le moins qu'on puisse dire, c'est que les Suisses n'y sont pas allés de main morte. Pourtant extérieurement le bâtiment ne semble pas avoir changé. Mais dès qu'on entre tout est bétonné, on a l'impression de pénétrer dans bunker ! (un abri anti-atomique peut-être ?). Après deux étages d'un escalier en ciment digne d'une cave de HLM, on arrive dans une vaste salle à manger, puis dans des dortoirs flambants neufs. Alors bien sûr, on a des douches à 3000 m (d'où ces hideux tuyaux suspendus allant chercher l'eau du glacier) et des WC aux dernières normes écologiques. Mais enfin, ne sommes-nous pas en montagne, tout ce luxe à cet endroit était-il vraiment nécessaire ? P... d'époque !

Nous sommes une fois de plus arrivés très tôt à la cabane, et l'après-midi fut fort longue. Nous avons tenté de l'occuper avec des parties de scrabble... J'ai aussi pu faire quelques photos du paysage, le temps n'était pas optimal mais pas non plus trop catastropique.

Vendredi 13 août 2010 : un temps encore mitigé. Au programme, gagner le haut glacier d’Arolla puis la cabane de Bertol, en longeant un temps (et même en franchissant) la frontière italienne.

Nous commençons par revenir au col de Charmotane, avant de gagner le col de l’Évêque, 3382 m. (Quelques crevasses difficiles à franchir pendant la montée). On notera, sur cette photo prise pendant la montée, cette fugitive vision du mont Blanc sous la couche de nuages.

Nous voici au col, en partie dans les nuages. Évidemment, l’inconvénient de partir comme ça en groupe c’est qu’on ne peut pas choisir la date en fonction de la météo. Sur la troisième photo, on aperçoit (je pense) le glacier descendant du pigne d’Arolla..

Nous descendons ensuite vers le haut glacier d’Arolla (la cordée que l’on aperçoit sur la seconde photo n’est pas de notre groupe). Le glacier devient assez vite plat et nous nous sommes séparés de cordes et crampons.

C’est un glacier que j’ai déjà parcouru en 1990, du moins dans sa partie inférieure, et là aussi, j’ai eu la très nette impression qu’il avait énormément reculé.

Nous montons ensuite vers la cabane de Bertol : une montée longue et fastidieuse lorsqu’on part d’Arolla, et dont je n’étais pas fâché, aujourdh’ui, qu’elle se trouve amputée d’un tiers (point le plus bas de la journée : 2500 m). On notera pendant la montée la vue sur la cascade de glace du bas glacier d’Arolla.

Ici, la bergerie du plan de Bertol où l’on rejoint le sentier venant d’Arolla.

C’est pendant cette montée que les différences de niveaux dans notre groupe se sont avérées les plus flagrantes. Les deux plus jeunes sont partis devant, ils étaient censés nous attendre en route pour déjeuner, mais nous ne les avons plus revus avant le refuge. Le guide restait quant à lui en arrière avec les gens les plus âgés. Quant à moi qui balance entre deux âges, je me suis assez vite retrouvé seul sur le sentier, ne sachant plus si je devais attendre les derniers ou continuer jusqu’à rejoindre les premiers. J’ai fini par redescendre un peu afin de retrouver le guide, puis nous sommes remontés un peu pour le pique-nique.

Perchée sur une arête rocheuse, dans une situation et offrant un panorama exceptionnels, la cabane de Bertol n’a guère changé depuis ma précédente venue en 1990. Néamoins, je n’avais pas le souvenir que son accès fût aussi impressionnant. (J’étais certes un peu plus jeune, mais je pense quand même que ça a dû évoluer). Il y a d’abord quelques échelles avant de rejoindre la crête, qu’il est possible de contourner par les névés, ce que nous ferons d’ailleurs à la redescente quoique non sans risque). Néanmoins, le plus dur est la toute dernière montée pour arriver à la cabane, entièrement sur des échelles au-dessus du vide. On passe directement du dernier barreau de l’échelle au balcon de la cabane.

On notera la vue sur la dent Blanche. Nous ne savions pas, mais c’était le moment ou jamais d’en profiter !

Quant à cette montagne triangulaire que j’ai photographiée depuis la cabane, ce n’est pas le Cervin mais la dent d’Hérens. Connaissant déjà les lieux (contrairement au guide, d’ailleurs), j’étais sûr de ce que j’avançais. Le Cervin est beaucoup plus pointu que ça, mais je ne me souviens pas s’il est normalement visible de la cabane. En tout cas, nous ne l’avons pas vu ce soir là.

De la cabane de Bertol, j’avais aussi retenu l’exceptionnelle salle à manger panoramique. Elle ne semble pas avoir changé : je ne sais pas si les drapeaux à prières bouddhiques (ainsi que le poster de l’Everest) étaient déjà là, à l’époque je ne possédais pas encore ces références. Par contre pour ce qui est du panorama, il aura fallu se contenter des quelques photos que j’ai prises en arrivant, la cabane s’est trouvée dans le brouillard peu de temps après et nous avons complètement manqué le coucher du soleil.

Pour le dernier jour était prévue une longue étape : d’abord une facile montée à Tête Blanche après un départ matinal, puis une descente vers Zermatt (avec paraît-il un passage un peu scabreux nécessitant un rappel ou bien une moulinette, de quoi me rappeler des souvenirs bien qu’il ne s’agît pas du même passage). Nous serions ensuite redescendus par la cabane de Schönbiel.

Ça c’était la théorie. Car après un lever à 4h, une descente (éprouvante) des échelles à la frontale puis un encordement sur le glacier, la neige s’est mise à tomber. Elle n’a plus cessé. Nous avons parcouru je pense les deux tiers de la distance nous séparant de Tête Blanche, puis le guide, après avoir recueilli nos avis (certains d’entre nous qui n’avaient jamais vu le Cervin ont hésité, mais il fallait se rendre à l’évidence), a décidé de rebrousser chemin et de gagner Arolla.

Donc demi-tour. Après le passage du col (nous avons un temps envisagé de remonter au refuge y prendre un réconfort, mais les échelles nous ont finalement démotivés), nous avons descendu la pente en contournant les dernières échelles par le névé. J’ai d’ailleurs commis la sottise de me laisser glisser sur la neige et de me faire rattraper in extremis (je n’ai plus vingt ans). La descente des éboulis (toujours sous la neige qui n’avait cessé de tomber dru) était également assez périlleuse. Puis très vite, une fois gagné le sentier « normal », la neige s’est transformée en pluie, pour ne pratiquement plus cesser jusqu’à Arolla.

Nous avons fait très peu de pauses pendant la descente. Une fois dans la vallée, mauvaise surprise : l’endroit où nous nous garions en 1990 est maintenant interdit à la circulation, il faut faire encore à pied plusieurs kilomètres de route (de toutes façons, nous, nous n’avions pas le choix puisqu’étant sans véhicule). Une fois gagnée la petite station, et après quelques hésitations, nous en avons rejoint le centre où un restaurant était ouvert (le repas au restaurant était inclus dans le prix du voyage mais il aurait normalement dû avoir lieu à Zermatt). Bien que crottés et dégoulinants nous avons pu y prendre place sans problème, il est vrai que les Suisses ne sont pas trop regardants là dessus du moment qu’on a de quoi payer… Ce fut ainsi l’occasion de goûter au plat national, ces fameux rösti que pas une fois, à mon grand dam, on ne nous avait servis au cours de nos nuits en refuge successives.